Crise automobile : la rupture avec les goûts de la clientèle
par Torpedo
mardi 2 décembre 2008
Les grands constructeurs retiennent leur souffle : les consommateurs ont cessé de franchir les portes de leurs concessions. Le public boude et ne consomme plus. On dit que c’est à cause de la crise. Qu’en temps de crise, le peuple baisse sa consommation par peur des lendemains incertains. Est-ce l’unique raison ?
Personnellement, je pense que les constructeurs automobiles sont confrontés à une rupture d’avec leur clientèle. Les modèles de voitures que l’on propose, débordant de technologie, de confort et de sécurité sont bien trop chers. Les marges des véhicules sont depuis longtemps "top secret". Bien des secrets d’ailleurs ne sont pas aussi bien gardés. D’accord, il y a énormément de recherche et de développement dans le secteur automobile qui attire d’ailleurs les meilleurs jeunes ingénieurs au sortir de leurs écoles, parfois au détriment du secteur aéronautique. Tout cela coûte très cher. Oui, mais tout cela est amorti sur des séries immenses de véhicules produits à la chaine par peu d’ouvriers mais beaucoup de robots. Sans compter les délocalisations massives qu’il y a eu dans ce secteur qui accusent l’ouvrier français d’être trop coûteux à employer.
On sera donc passé en quelques décennies d’un modèle économique de production massive à un modèle de flux tendu des productions-vente. C’est cependant une sage précaution que de ralentir les chaines de montage lorsque la demande ralentit, plutôt que de risquer la faillite comme c’est arrivé à l’époque de la grande dépression. La crise financière n’a pas grand chose à voir avec la crise économique que subissent les constructeurs américains au premier rang desquels GM et Ford et Chrysler. Les trois monstres sont sur le point d’être terrassés. Leurs dirigeants viennent pleurer des milliards au Congrès américains, mais se font malmener pour leur gestion catastrophique ces dernières années. General Motors, le plus en danger et malheureux propriétaire du Hummer, le 4x4 le plus pollueur de la planète est maintenant digne d’être placé dans un musée. Voilà un constat dont souvent le Hummer a été victime, ringard, gouffre à essence et pollueur. Mais il semble que beaucoup de véhicules actuels soient tombés en désuétude pour leurs clients potentiels pour l’une de ces raisons.
L’industrie automobile aurait-elle perdu le contact avec ses clients ? Pour les américains, c’est oui. Depuis des décennies, le public américain s’est tourné vers les constructeurs asiatiques qui ont su plaire. Pour ceux qui ont eu l’occasion de voir de près les deux modèles : comparez une Lexus avec une Cadillac ! Elles ne viennent pas de la même planète !
Pour beaucoup d’entre nous, une voiture n’est qu’un outil dont on attend qu’il soit fiable sécuritaire et ne pose pas de problèmes. Ensuite, on ne souhaite pas mettre toutes nos économies dans cet outil, car nos projets, no rêves et nos ambitions nous portent vers autre chose que l’automobile. Une voiture c’est beau, mais c’est trop cher !
C’est que l’industrie automobile tient une place considérable dans notre vie. Il parait qu’elle détient la première place au titre des dépendances dans le budget de la vie d’un homme, ou d’une femme. Avant la maison ! Combien de véhicules possède-t-on tout au long d’une vie ? Une dizaine, peut-être même plus. Comptez un peu pour voir...
Je n’aime pas constater les choses sans proposer des solutions qui, puisque c’est moi qui écrit cet article, ne conviennent qu’à moi. Ou peut-être à beaucoup plus de monde si le concept que je décris ci-après éveille un intérêt quelconque chez le lecteur ou l’industriel en mal d’idées.
Je me vois au volant, un jour, d’un véhicule dont j’aime particulièrement le design. Comme je ne connais pas le futur, je vais donc faire mon choix sur une Jaguar type E roadster série 3 (je ne vais quand même pas rouler en Twingo toute ma vie !) Imaginons que j’achète un specimen du type, à restaurer, moteur HS pour que cela puisse correspondre à mon budget. J’ai envie de la garder longtemps et de l’utiliser pour tous mes déplacements, professionnels comme de loisirs. Le prix de l’essence, dans ce futur imaginaire rend peu raisonnable un tel projet. Mais mon concept novateur me permet d’envisager un retrofit de ma Jaguar aux standards de l’époque actuelle et futurs : sécurité avec tous les attributs technologiques des véhicules actuels, un moteur électrique dans chaque roue, un ensemble de batteries ou une pile à combustible en place du moteur. Et me voilà pilote de Jaguar, confiant dans ma masculinité machiste et sillonant les routes le sourire aux lèvres.
Ma compagne, dont les goûts automobiles sont moins complexes et occupent un secteur différent dans son cerveau, possède la dernière Vaillante (petit clin d’oeil à la BD). Une berline à propulsion électrique à pile à combustible au design plutôt feminin. Le constructeur des Vaillante a révolutionné l’automobile il y a quelques mois. Il a promis à ces futurs clients que toutes ses voitures seront “retrofitables”, en carrosserie (pour le design) comme en technologie. C’est une trés bonne idée. Cela permet d’utiliser pendant des décennies des architectures communes à plusieurs modèles de véhicules qui sont ensuite personnalisés selon le désir des clients. On reste dans l’industrie de masse, et on donne une plus large part de marché aux équipementiers qui sont devenus le bassin d’emploi majeur du secteur. c’est ici que se concentre maintenant beaucoup de recherche et de développement. Avec ce concept, 5 ou 10 ans peuvent passer sans que votre véhicule ne soit poussé vers la casse parce que le moteur est sur sa fin (peu probable avec un moteur électrique), ou que vous trouvez que le design a vécu et que la publicité à la télé vous a montré (je devrais dire matraqué) le dernier modèle de la saison.
Ce concept a séduit ma compagne, qui si elle décide de retrofiter sa voiture l’emmènera à la concession locale Vaillante pour que soient effectués les travaux de conversion : adaptation des nouvelles coques de carrrosserie selon son nouveau choix de design, nouvel aménagement intérieur, nouveaux gadgets électroniques. Mais même moteurs dans les roues, même pile à combustible, même chassis. Le client ne paye que les nouveaux éléments et les travaux effectués sur son véhicule. Ainsi, plutôt que d’acheter à prix parfois prohibitif une dizaine de véhicules, on a le choix et la liberté de garder ou d’évoluer au fil de notre vie, selon nos moyens, vers un véhicule à la dernière mode ou de se contenter d’un vieux modèle.
Ce petit concept simple permet de garder une trés grande partie de notre industrie automobile, avec ses fournisseurs, ses concessionnaires et ses ateliers de maintenance. Bien sûr, pour cela, il faudra accepter de ne pas être sous le diktat de la bourse et des actionnaires qui sont gros dévoreurs de profit.
Encore plus de financiers au chomage en somme ! Tant pis ! J’ai un programme de reconversion et de grands travaux pour eux : ériger une statue à mon effigie tout en timbres usagés empilés (dans le sens de l’épaisseur) et plus haute que la tour Eiffel. Ils nous foutrons la paix pour longtemps ainsi !
Torpedo