Crise de l’euro : le grand cocktail explosif !

par Philippe Vassé
mercredi 28 avril 2010

Suite aux précédents articles sur le même sujet (voir : la crise de l’euro), écrits antérieurs qui permettent de vérifier à la lumière des faits actuels avérés, combien ils étaient fondés, il convient maintenant de regarder la situation constatée et d’analyser ses évolutions inéluctables.

La crise terrible de l’euro, qui est devenue celle de la zone euro, et derrière, de toute l’Union Européenne, n’est plus niée par personne, ce qui fut le cas malheureusement au début du processus. Cela traduit aussi, à sa façon, une leçon de choses sociales : les politiques et leurs porte-paroles médiatiques ne sont plus crus par l’opinion publique, la confiance a disparu, une césure nette s’opère entre dirigeants et citoyens..

Maintenant que le débat antérieur est éclairci par la réalité des évènements, il est indispensable de préparer la suite logique des faits à partir, non de croyances personnelles ou de pensées individuelles, mais des seules réalités existantes.


Le moment où tout bascule : nous y sommes !

Nous sommes arrivés au tournant décisif de la crise de l’euro, devenue crise mortelle de la zone euro et de l’Union Européenne, mais aussi pas lourd de conséquences vers une crise mondiale multiple aggravée en cours de gestation.

La Grèce est acculée à une situation de quasi-faillite sur le plan financier : l’Etat grec est au bord de l’asphyxie, ses banques sont, elles, dans un état proche de la banqueroute collective. Dans le cadre du système existant, la confiance des investisseurs dans l’Etat et l’économie grecs, est, à dire vrai, ….de la méfiance ! Les agences de notation traduisent simplement ce sentiment général, fondé sur des chiffres publics, qu’il s’agisse de la Grèce, mais aussi dorénavant d’autres Etats.

Pour la Grèce, le pays lui-même, poussé par le FMI et l’Union Européenne au bord du gouffre, est menacé par la conjonction d’une explosion sociale gigantesque, d’une crise politique majeure et du refus populaire massif de voir le pays devenir un « obligé  » dominé par le FMI.

En clair, aux revendications légitimes du peuple grec contre une crise dont il ne porte pas la moindre responsabilité -mais que le gouvernement, sur ordre des instances de Bruxelles, veut lui faire payer en baissant dramatiquement son niveau de vie pour longtemps- se rajoute la défense de la notion de démocratie, laquelle passe ici par la souveraineté nationale restaurée afin de ne pas subir une crise sans fin visible, aussi indue qu’injuste.

Pendant que la Grèce bascule vers une crise globale formidable, fruit d’un cocktail explosif, la situation du Portugal, et derrière de l’Espagne, tend à devenir...le début de l’histoire grecque récente !

Derrière le Portugal et l’Espagne, les autres pays de l’Union Européenne tremblent car tous sont, peu ou prou, sur le même processus, la France incluse.

Durant ce temps, l’Allemagne fait figure d’accusée par les politiques aux abois des autres Etats de l’UE, parce que ses dirigeants se refusent à se suicider politiquement en réglant les dettes d’autres Etats de la zone euro, ce qui affaiblirait immédiatement leur propre situation et augmenterait les déficits publics.

Une telle aide financière, si l’Etat allemand en avait les moyens réels, ne serait de plus qu’un pis-aller momentané. La solidarité a ses limites : ici, l’intérêt des citoyens allemands dont le pays dispose certes de quelques réserves financières. Les citoyens allemands n’entendent pas les dépenser en vain, de plus sans aucun retour positif pour eux !

Bien que les moyens financiers -limités- de l’Allemagne ne peuvent plus, en aucune manière, arrêter la crise en développement rapide au sein de la zone euro et de l’UE, les accusations contre ce pays nourrissent dorénavant un sentiment puissant dans la population allemande qui peut être traduit de la manière suivante : « sauvons-nous d’abord, et nous verrons ensuite ».

Ceci d’autant que l’Allemagne a aussi ses propres problèmes de chômage, de précarité et de sauvegarde de son pacte social appelé « économie sociale de marché ».

Certes, les partisans de l’aveuglement peuvent expliquer que cela tient aux seule élections régionales du 9 mai 2010 en Allemagne. Outre son côté d’assurance morale puérile, cette vision mensongère évite de regarder le fond des choses : l’Allemagne ne peut pas, quoi qu’il en soit, être le banquier de la zone euro !

La posture des dirigeants des Etats de la zone euro est ici de plus très incohérente : ils ont prôné des années durant le dogme de l’unité indissoluble de la zone euro. Or, voilà que tous se tournent vers l’Allemagne comme un possible unique sauveur de l’euro, lequel sauveur ne veut rien faire à ses risques et périls. Ce qui les contraint à aller implorer un FMI dont ils savent tous que son intervention est synonyme de fin de la zone euro et d’explosion de l’UE.

Zone euro : la conjonction de tous les facteurs explosifs en même temps

L’effondrement en cours de la Grèce, la soudaine extension de la crise -comme cela était prévisible par toute personne sensée se refusant à mentir à l’opinion publique- au Portugal et à l’Espagne, avant d’autres qui sont déjà pris d’avance dans le tourbillon, indiquent bien que la crise de l’euro est en plein développement.

Le cocktail explosif vu en Grèce, à savoir mélange des revendications sociales, démocratiques et de souveraineté nationale humiliée par le surgissement du FMI dans la gestion des affaires des Etats, va devenir commun aux pays touchés, c’est à dire, à un titre ou à un autre, à tous les Etats de la zone euro.

Parallèlement à ces processus que les évènements actuels en Grèce montrent avec une grande netteté, la zone euro est aussi menacée par un processus concomitant, mais non connexe : la crise de dislocation rampante de l’Etat belge, dont la capitale est en même temps celle de l’Union Européenne, ( le symbole est ici très fort) .

Cette crise belge exprime bien ce qui menace toute la zone euro : la dislocation, puis la débandade des Etats afin de se protéger eux-mêmes des conséquences de la crise mortelle de l’euro, ceci dans un contexte non préparé, non anticipé, bref, un contexte de chaos général.

En résumé, les tensions nées de la crise de l’euro vont en s’aggravant en nombre et en puissance, comme cela était prévisible, tandis que les dirigeants politiques perdent tout contrôle sur les évènements, situation qui ne peut que générer, à terme rapide, des explosions sociales et des crises politiques d’ampleur inusitée.

La zone euro coule : qui va le premier appeler à quitter le bateau ?

Maintenant qu’il est un fait indiscutable que la zone euro est devenue un bateau sans gouvernail, sans moteur, sans capitaine, sans visibilité, fonçant sur d’immenses icebergs, la question qui se pose est, non pas comment sauver le navire, car cela est impossible, mais : comment se sauver nous-mêmes ?

La réponse, il n’est pas besoin d’être un docte économiste couvert de titres prestigieux, pour l’apporter : étant donné que la zone euro est promise à exploser et donc à mourir, le tout dans la douleur pour les populations qui resteront dans ce cadre mortel, la solution unique consiste pour les Etats à sortir au plus vite du bateau qui sombre et à monter dans les chaloupes de sauvetage du retour à des monnaies nationales indépendantes, seule issue autorisant des politiques globales nationales de sortie de crise et de protection du niveau de vie des peuples concernés.

Posons comme principe que, plus tôt, cette solution inévitable sera mise en œuvre, mieux cela vaudra pour tous, dans la zone euro et pour le reste du monde, car la crise de l’euro va aussi frapper tout le système mondial. Là aussi, les conséquences seront importantes, bien qu’à ce jour, très difficiles à pronostiquer, puisque tout va dépendre de la nature du dénouement de la crise de l’euro.

Car, si les tensions continuent ainsi à s’accroître à cette vitesse au sein de la zone euro, l’explosion de cette zone monétaire finirait alors bien plus mal......et pour le monde entier.


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