Crise de l’immobilier et crash des marchés en mai

par Arthaud
mercredi 6 mai 2015

Tous les débuts du mois de mai, les boursiers ont la tête au multiséculaire adage « Sell in may » .. Vendez en mai, et prenez le large. Et c’est un fait : sur toutes les années passées, et dans presque tous les pays, la tendance baissière du mois de mai a pu se constater. En 1694 déjà, en Angleterre ! 2015 sera assurément et à cet égard un cru exceptionnel .. Certains analystes, comme Jim Rickards ou Stevenson ou Glen Beck prédisent une sévère correction, en raison d’une conjonction tout à fait particulière de facteurs issus de l’industrie financière elle-même, de la situation économique globale et des problématiques géopolitiques. Alors ? Mai 2015 ? Market crash ? Et si oui, la crise de 29 nous paraitra-t-elle une émotion de demoiselle ?

 

Pourtant, le monde est bien protégé

Depuis 2008, date de son entrée en vigueur, la directive européenne dite des « Fonds propres réglementaires », en Anglais « Capital Requirements Directive » ou CRD, a mis en place de puissants systèmes de régulation et de protection des marchés, en exigeant notamment une adaptation des fonds propres face aux risques.

De nombreux experts, dont ceux du World Pensions Council (WPC) s’interrogent cependant sur la complexité des dispositifs en question, leur aspect quelque peu biaisé et surtout les difficultés de les faire appliquer.

Les banques européennes, tout comme la BCE, se voient obligées de s’en remettre aux pratiques et aux méthodes standardisées du « Risque crédit » commercialisées par les deux agences de notations américaines Moody’s et Standard & Poor’s, qui en ont le quasi monopole.

Ces redoutables institutions posent un problème de taille : elles ne se contentent pas seulement de noter, d’évaluer, de conseiller, de distribuer les indulgences et les pénitences .. elles interviennent partout dans les affaires du monde.

Une industrie à ce point développée où les principaux acteurs sont à la fois juges et parties ne peut que s’en trouver affaiblie et n'inspirer qu'une confiance limitée.

La complexité des dispositifs de protection n’a rien à envier à celle des systèmes qui sont censés être protégés. La « Finance Internationale » et les marchés sont devenus les objets dociles d’une science hermétique et rampante que n’aurait pas renié notre bon docteur Diafoirus.

« Produits dérivés », swaps, futurs, trackers, VaR, R-squared, IRA, DSVar (Dynamic Style Value at Risk), RPI, j’en oublie dix milles, sont des concepts qui se reproduisent et s’appliquent quasiment à l’infini et qui ont pour principal effet d’opacifier le système et de fabriquer l’illusion pour mieux cacher les aberrations.

Situation tendue que celle de la finance et des marchés donc ! Et pour l’apprécier à sa juste valeur, les informations ne manquent pas : on pourra par exemple lire l’excellent dossier du Palmipède sur le sujet, ou s’en remettre au jugement simple et éclairé du banquier luxembourgeois qui nous disait : il n’y a pas de croissance en dehors de la croissance des actifs financiers ..

Et si l’on veut une belle démonstration des difficultés à appliquer les mesures de protection évoquées supra, on lira avec plaisir la page consacrée à « l’Exercice de préparation 2015 » présenté par l’ACPR pour le seul marché français. Ubu a du patronner.

 

Des raisons nombreuses pour une correction de grande ampleur

Commençons par deux des plus importantes : la Grèce et l’économie des Etas-Unis.

La Grèce ne s’en sort pas et ne peut pas s’en sortir. Il faut comprendre : s’en sortir de sa situation sinistrée, de sa faillite assurée. Pour le reste, elle devra bien sortir de l’Europe et quitter l’Euro. Le tout est de savoir quand. Mais la menace pèsera sur les marchés même si cela n’arrive pas demain, et le risque à lui tout seul est un facteur de déstabilisation qui pèse de plus en plus lourd.

Le pays fait face à des échéances très rapprochées : rembourser 780 millions le 12 mai déjà.

Vous me direz, c’est pas grand-chose comparée à l’abyssale dette de la France, des Etats-Unis et des autres ..

Mais le compteur tourne.

Athènes attend un supplément d’aide de 7.2 milliard d’Euros et, sans cet argent, il est peu probable que l’échéance de mi-mai soit respectée. D’autant plus que pour le mois entier, c’est presque 5 milliards qu’il faudra trouver. Et encore 11 milliards sur juin et juillet pour le FMI, la BCE et le Trésor U.S .

Le compteur tourne, et le gouvernement grec a épuisé toutes les ficelles, au point de voir son ministre des finances Varoufakis traité d’amateur à la dernière réunion de l’Eurogroupe.

Après avoir essoré les retraites de ses citoyens pour payer l’échéance de mars, après avoir « emprunté » auprès de ses grandes entreprises, il s’est mis en tête, ce gouvernement, de puiser dans la tirelire des collectivités locales pour alimenter sa banque centrale. Objectif : ramasser 2.5 milliards pour différer le dépôt de bilan de quelques mois. Mesures très peu populaires, on s’en doute. Et mêmes refusées. Quelle marge de manœuvre pour le gouvernement dés-lors ? Ou trouver de l’argent ?

Les marchés financiers sont directement concernés par cette situation extrême. Pas étonnant que le Dow Jones n’ait rien gagné sur l’année.

Et cela ne fait que commencer ..

L’économie des Etats-Unis va de mal en pis, avec 0.2% de croissance au premier trimestre 2015, à rapprocher des 2.2% de moyenne en 2014.

La France quant à elle voit son chômage augmenter. Heureusement qu’il y a « une baisse tendancielle à l’augmentation », et sa dette augmenter également, avec, fort heureusement, « une baisse tendancielle à l’augmentation ».

En Angleterre, selon AGEFI, les marchés seraient préoccupés par les élections. Il n’y a pourtant pas de quoi. Quels qu’en soient les résultats, la naissance d’une petite princesses d’Angleterre est une chose excellente pour les affaires. Ce qui devrait inquiéter l’Angleterre c’est plutôt l’hypertrophie de son industrie financière.

La Chine, même, pourtant réputée si solide, travailleuse, pas chère, un moteur pour l’économie mondiale, voit ses exportations chuter de 15 % sur un an. Des chiffres qui ont surpris les marchés dit-on ..

 

L’immobilier comme dernier bastion ?

C’est en tout cas l’avis du très réputé patron de Colony Capital, Thomas Barrack, qui opère sur les cinq continents, et qui a développé ses analyses auprès de la non moins réputée Bloomberg Business tout récemment.

Barrack alerte sans détours sur les ennuis à venir pour les marchés financiers en répertoriant tout un tas de facteurs différents, notant par exemple que 75 % de l’énergie du monde vient d’un endroit large de quelques dizaines de kilomètres seulement, assez chahuté, assez vulnérable .. s’interrogeant sur la baisse considérable et soudaine des prix de l’énergie à la source, sur les conséquences structurelles des taux zéros.

Sa capacité à différencier les nombreuses classes d’actifs immobiliers, la pertinence de ses analyses relatives aux différentes valeurs suivant la nature de ces actifs et surtout la dynamique qui les fait varier dans un monde agité sont de nature, face au déni de réalité auquel nous renvoi les extravagances de l’industrie financière, à remettre les idées à l’endroit et les pieds sur terre.

La présentation en Français des analyses de Thomas Barrack et leurs relations avec ce que le mois de mai nous apportera feront l’objet de ma prochaine proposition d’article sur Agoravox

 

Sources principales : 

Google ( crise immobilier )

Interview BIL, UBI et Banco Espirito Santo

Bloomberg / AGEFI / Colony Capital /

Marina Alcaraz / Les Echos

Echanges de mail avec Gotham City Research / http://gothamcityresearch.com/

 

Citations graphiques

Les Echos du 28 avril, article de Marina Alcaraz

History.com : Soup Kitchens and Breadlines / Sculptor George Segal's tribute to Depression-era America is on display at the Franklin Delano Roosevelt Memorial in Washington, D.C.

Le Monde du 6 Feb 2015


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