Crise de l’immobilier et NEP - Nouvelle Economie Participative*

par Arthaud
mercredi 17 février 2016

La Nouvelle Economie Participative a été théorisée et étudiée depuis fort longtemps. Economie collaborative, économie solidaire, coopérative, contributive .. On en verrait sans difficultés des formes premières dés l’antiquité, tout au long du moyen âge, dans l’ancien régime. Mais La Révolution des « Lumières », la révolution industrielle, concomitantes, le développement triomphant du capitalisme, et l’avènement - pour un temps - des économies planifiées, en réaction, ont jeté le concept par dessus bord.

 

Pour un temps, pour un temps seulement. Qu’on la nomme « capitalisme de catastrophe » ou NEP, Nouvelle Economie Participative, l’idée et ses applications dans la vie de tous les jours sont réapparues en force, très récemment. Libération lui donne 15 ans, pas plus, mais note cependant la belle robustesse de la nouvelle-née ..

Panorama général de la NEP

La consommation collaborative désigne au sens large un modèle économique, voire une nouvelle approche de l’existence, où c’est l'usage qui prédomine, pas la propriété.

Un Français sur deux déjà serait séduit, de plus en plus de secteurs traditionnels seraient concernés.. On peut voir apparaître sur le terrain, mais en décalagecomplet par rapport aux modèles anciens, des startups ou des organismes au fonctionnement tout à fait original qui se hissent en un rien de temps au niveau des mastodontes de l’ancienne génération.

Le covoiturage avec notamment BlablaCar est en plein essor (en dépit des mesures de rétorsions des Autoroutes à son égard), la location entre particuliers avec Airbnb se porte bien, en dépit des protestations des entités établies, Zilok donne une nouvelle vie aux objets tout-venant du quotidien et se positionne très-naturellement comme un « chasse-gaspi », sans compter les services d’aide à la personne comme TaskRabbit, l’alimentation avec les AMAP ou La Ruche qui dit Oui !, la pratique en plein développement du recyclage d’objets .. le financement entre particuliers avec Kickstarter et autres plateformes de crowdfunding..

Les Puces & brocantes à Tournus, tous les premiers dimanches du mois, sur les quais, n’en finissent pas de voir croitre leur affluence ! Emmaüs dépasse largement son statut d’association caritative.

Il déjà impossible de dresser une liste exhaustive des entreprises dont l’activité relève de la Nouvelle Economie Participative ! 

Mieux encore, il est déjà impossible de cerner le champ des études, des publications, des travaux de théorisation, et de dénombrer les auteurs spécialisés.

 

Paroles d’Experts

Anne-Sophie Novel se présente comme suit : « Docteur en économie, j'exerce en tant que journaliste et blogueuse spécialisée dans l'écologie et les alternatives durables, l'innovation sociale et l'économie collaborative. »

Stéphane Riot quant à lui, collaborateur d’Anne-Sophie, est « Fondateur de NoveTerra, expert en développement durable et accompagnement du facteur humain dans les organisations, membres de groupes de recherche et de prospective sur les nouvelles formes d’économies et d’organisations (biomimétisme, neuroscience, psychopédagogie, management…)"

Dans leur livre « Vive la co-révolution ! Pour une société collaborative », ils constatent l’existence de quatre grands domaines ou la notion de propriété se trouve confrontée à une vision nouvelle des choses, donc quelque peu malmenée :

 

· La co-utilisation ou « partage d’un usage », dont la location ou la multi-propriété sont des variantes. Il s’agit là d’optimiser l’accès à la propriété d’un bien ou d’un service

 

· la co-élaboration, qui recouvrent tous les efforts conjugués vers l’obtention d’un objectif partagé, les pratiques d’achat groupé, le crowdfunding ou financement participatif par exemple 

 

· le troc, qui par essence échappe à toutes ponctions habituellement opérées par les administrations et se trouve par définition hors du champ marchand, avec tout ce que cela comporte comme avantages sonnants et trébuchant

 

· la cohabitation, sous différentes formes, qui dit « la propriété c’est fini ! vive l’usufruit » (pour parodier Stiegler)

 

Aucun des domaine définis ci-dessus ne se trouve enfermé dans une frontière étanche, et nombre de pratiques se situent à la fois dans l’un et dans l’autre, successivement ou simultanément. De façon générale et par définition, l’économie participative s’affranchit aisément des cloisonnements. 

On peut ajouter que, la NEP, c’est une économie du moins cher, du moins ponctionné, du moins réglementé, du moins de souci, du plus de satisfaction.. La NEP c’est aussi une réaction à un système en hyper-saturation, un refus de la multiplication des biens de consommation, un refus des surproductions - Il me vient à l’esprit les torrents d’acier chinois, la multiplication par 20 des voitures en 4 décennies ! Les fermes à 10 000 vaches, les usines à un-demi milliard de poulets.

Le philosophe français Bernard Stiegler a popularisé le terme « économie contributive ». C’est à lui qu’on doit la formule « l’emploi est mort ! vive le travail ! ». Il y va fort Stiegler quand par exemple il dit : L’emploi va s’effondrer, notamment auprès des jeunes. Et le désespoir engendre la violence…

L’économie contributive, l’économie informelle, pour ne pas parler de “la parallèle”, vont-elles arranger les choses ? 

RACHEL BOTSMAN se présente sur son site comme : « the global thought leader on the collaborative economy ». Rien que ça .. ! Une leader, globale .. Il faut dire que son livre est déjà un best seller, « A ground-breaking book » dit-elle elle-même de son ouvrage .. un livre à « vous retirer la planète sous les pieds » !  

Le titre de ce qu’elle a publié avec son compère Roo Roger ? 

 What's Mine Is Yours 

Je vous traduis : « ce qui est à moi et à toi » mais en même temps « ce qui est à moi est à nous »

Il vous suffira de jeter un coup d’oeil à la première de couverture pour comprendre qu’il y a deux traductions à la fois .. C’est à ses détails qu’on remarque un sens inné de l’optimisation ! 

La belle Rachel, elle est partout à la fois, TED conférences, Internet, édition .. Au sens de l’optimisation précité, on ajoutera une étonnante capacité d’ubiquité, ce qui est de bonne aloi chez une grande prêtresse toute entière consacrée au bien-être des communautés et des adeptes du partage. De fait, elle est impressionnante.

Ses théories sont parfois assez ésotériques : même si la langue de Shakespeare vous rebute, un petite passage sur son site, sur les dessins et illustrations vous convaincront, mais, globalement on sent qu’elle a raison.

Parfois, elle a recours à des expressions simples et directes qui sonnent comme des prophéties d’ordre divin : “I believe we are at the start of a collaborative revolution that will be as significant as the industrial revolution.” 

Je suis certaine que nous nous trouvons à l’aube d’une révolution collaborative dont l’importance est comparable à celle de la révolution industrielle.

Nous sommes nombreux à penser comme elle.

A ma connaissance le livre n’a pas encore été traduit en Français.

Il convient d’évoquer également Lisa Gansky et son initiative « Global Mesh Directory », de mentionner des initiatives comme Consoglobe ou Ouishare qui, même s’ils font un peu trop complaisamment dans le « durable », ou le « bio » ou le « scientifique », n’en ouvrent pas moins de larges pistes pour un New Deal économique et éthique. 

Sans oublier l’américain Jeremy Rifkin qui parle « d’âge de l’accès, de la troisième révolution industrielle, de la société du coût marginal zéro », sans ignorer le site shareable.net par exemple.

L’impact prévisible sur l’immobilier

Il semble qu’il y ait une correspondance entre le succès rencontré par les nouveaux concepts et la situation de crise induite par l’explosion des dites « subprimes » et de ce qui s’en ait suivi. 

« Face à ce phénomène, les acteurs de l’économie traditionnelle s’inquiètent du fait que la consommation des Français puisse se déporter massivement sur des prestations ou des biens proposés par des particuliers à des tarifs inférieurs à ceux des professionnels ». Pour ce qui est de l’immobilier, le rôle des particuliers n’a pas cessé de s’imposer.

On notera que même si au plan général la NEP est devenue très tendance, vu le nombre d’initiatives, vu les tas de dossiers, de papiers et de documents sur le sujet, l’analyse quant à l’impact sur l’immobilier n’en est qu’à ses débuts. Contrôle +F dans mes sources avec des mots comme “immobilier économie collaborative” ne donne pas grand’chose. 

Pourtant, parodiant “l’emploi c’est terminé, vive le travail”, on pourrait répéter  : La propriété est finie, vive l’usufruit !

On lira avec grand intérêt un article paru dans l’Express pas plus tard qu’hier, le 15 février, sous le titre : 

« Immobilier : et si l'achat n'était pas une si bonne affaire ? »

Le conseil de l'agent immobilier est clair et sans appel : mieux vaut louer. Pierre Cournac est catégorique : "Mieux vaut louer qu'acheter." 

Cet agent immobilier à Toulouse depuis une trentaine d'années tient un discours pas banal pour un professionnel. "Le neuf se vend beaucoup trop cher", assène-t-il.

Il est rappelé qu’en matière d’économie collaborative, le pays est en avance : « La France est à la pointe dans ce domaine avec 276 plateformes d’économie collaborative, dont 70% françaises, sont actives sur le marché français. En matière de logement et de déplacement, le recours aux plateformes tend à devenir un mode de consommation à part entière et, compte tenu du nombre d’utilisateurs, est fortement concurrentiel. »

Dans l’ensemble, les professionnels de l’immobilier en sont encore à chercher, voire à ignorer : Google (économie collaborative et immobilier) en témoigne.

On note un certain désarroi, nombre de réticences, lorsqu’il n’y a pas absence pure et simple.

« Economie collaborative : concurrence déloyale pour les professionnels et pertes fiscales pour l’état ? »

« Le député Pascal Terrasse a remis un rapport au Premier ministre sur les enjeux de l’économie collaborative suggérant plusieurs pistes de réformes pour un plus grand respect de la règlementation fiscale et sociale notamment dans le domaine immobilier. »

Le ton est donné .. Cela explique que, pour l’instant, l’immobilierne soit encore guère touché par les développements de l’Economie Participative. 

Il existe en Île-de-de-France une quinzaine de projets d'habitat participatif. Pour une région de 12 millions d'habitants, c'est peu. dit un blog cité en source (enlargeyourparis ..)

« … la prédominance des acteurs « traditionnels » reste très marquée dans le secteur de l’immobilier où l’on n’observe que 0,25% d’initiatives collaboratives pour 22% des dépenses des ménages ! »

L’Allemagne serait, sur ce plan, en avance sur la France. Voir à titre d’exemple l’étonnant Quartier Vauban à Fribourg, qui fut un précurseur.

Les initiatives se développent pourtant, mais elles sont plus le fait de nouveaux arrivants que des structures traditionnelles.

“Louer en un clic le logement d’un particulier le temps d’une soirée. C’est le système développé par SnapEvent, un site français créé par deux anciens de HEC, Maud Arditti et Olivier Levy. Atelier d’artiste, salle de danse, studio photo, loft, salon de coiffure, péniche, cave ou encore rooftop… Plus de 400 lieux de particuliers sont proposés en Ile-de-France, pour des prix allant de 180 euros à plus de 7 000 euros la soirée.”

“La colocation et l’habitat groupé s’inscrivent dans le double contexte de la crise du logement et de la prise de conscience écologique. Ils confirment l’essor de l’empathie et du lien social. Dans l’habitat groupé et dans les écoquartiers la mutualisation des services, des espaces et des biens est promue.”

 Habitat participatif, un nouvel élan ? Habitat participatif : un Géant au berceau.

“Entreprendre” confirme que le mode de consommation de l’actif immobilier change de manière très rapide et que cela pourrait modifier en profondeur l’équilibre entre offre et demande de logement.

Dans quel sens demanderons-nous, ingénuement ?

 

Sources

* On l’aura compris, il ne s’agit pas ici de la NEP de Lénine, (en russe : Новая экономическая политика – Novaïa Ekonomitcheskaïa Politika) mise en œuvre en Russie bolchévique à partir de 1921

 

** Share economy, participative economy, pardon .. en Anglais

https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89conomie_participative

http://rachelbotsman.com/ 

http://www.lexpress.fr/actualite/immobilier/immobilier-et-si-l-achat-n-etait-pas-une-si-bonne-affaire_1759175.html 

http://enlargeyourparis.blogs.liberation.fr/2016/02/12/habitat-participatif-nest-jamais-mieux-loge-que-par-soi-meme/ 

https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89conomie_collaborative

https://zcomm.org/category/topic/parecon/

https://fr.wikipedia.org/wiki/Michael_Albert

https://fr.wikipedia.org/wiki/Consommation_collaborative

https://www.mutum.fr/page/login

https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89conomie_collaborative

http://www.latribune.fr/economie/france/vers-un-nouvel-age-d-or-pour-l-economie-collaborative-478397.html

http://www.liberation.fr/futurs/2015/05/21/les-nouvelles-start-ups-de-l-economie-collaborative_1313468

http://www.culturemobile.net/nouveau-monde-telecoms/7-cles-economie-collaborative

 

Citations graphiques 

www.rachelbotsman.com

http://www.mon-immeuble.com/actualite/economie-collaborative-concurrence-deloyale-pour-les-professionnels-et-pertes-fiscales-pour-l-etat

http://www.resilience.org/stories/2014-06-18/global-justice-sustainability-and-the-sharing-economy

https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89coquartier#/media/File :%C3%89coquartier_vauban_freibourg1.JPG

https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89coquartier#/media/File:E.V.A._LanxmeerHouse9_2009.jpg

 


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