Crise de la dette, diagnostique et perspectives

par Marcus Clams
mardi 25 octobre 2011

L'Europe s'enlise dans une crise des dettes souveraines sans arriver à entrevoir d'issue. Malgré les plans de relance, les perspectives de croissance restent insuffisantes pour absorber les déficits. La menace des défauts de paiement apparaissent, et même des « grands » pays comme l'Italie ou l'Espagne se retrouvent à la merci des marchés. Il s'agit d'analyser d'où vient cette situation pour mieux cerner les solutions envisageables.

Qu'est ce que la dette publique ? La dette publique est le cumul du coût des actions publiques, décidées par les représentants du peuple, financées par l'emprunt plutôt que par l'impôt, et en cours de remboursement. Il apparaît ici le lien étroit entre dette et impôt. Plus l'État utilise la dette comme moyen de financement, plus les contributeurs au budget de l'État sont épargnés.

Les politiques menées en Europe pendant ces deux dernières décennies, sous la bénédiction de la commission Européenne, ont poussé les États à privatiser leurs secteurs rentables, à supprimer les impôts sur le patrimoine et à réduire les impôts sur le revenu et sur les entreprises. Pour combler ce déficit de recette, les États ont dû massivement emprunter pour subvenir à leurs besoins. La crise des subprimes et les plans de relance n'ont fait qu'aggraver cette situation.

Le surplus de liquidité généré chez les ménages, principalement les ménages aisés, n'a été que faiblement réinjecté dans l'économie réelle, ce qui a mécaniquement ralenti la consommation (prélever 1 millions d'Euro à une personne pour donner cent Euros à dix mille personnes à faible revenu revient, économiquement parlant, à garantir que les revenus soient réinjecté dans l'économie sous forme de consommation ; on peut d'ailleurs remarquer, qu'au plus fort de la crise, le gouvernement n'a pas supprimé l'ISF mais a distribué des crédits d'impôts aux ménages défavorisés). De plus, une part importante de ces liquidités a été investie dans l'immobilier ce qui a alimenté une bulle immobilière et a complètement asphyxié les personnes non propriétaires ou désirant accéder à la propriété. De cette politique découle une explosion des inégalités de patrimoine : 48 % du patrimoine global français est détenu par 10% des français, à comparer avec les 10 % plus hauts revenus qui représentent 25 % de la globalité des revenus. La situation est encore plus dramatique aux États-Unis où 10 % de la population possède 64 % du patrimoine global. Une situation qui présente une certaine analogie avec des pays du tiers-monde où une minorité de personnes capte l'essentiel de la richesse sans la réinjecter dans l'économie du pays.

De ces différentes politiques résulte un déséquilibre considérable entre le patrimoine des ménages et les dettes des États. Ainsi, en France, le patrimoine des Français représente 10 000 milliards d'Euro, soit cinq fois le PIB. Ce patrimoine est composé pour deux tiers d'immobilier et pour un tiers d'épargne financière (3300 milliards d'Euro). L'assurance vie représente 1360 milliards d'Euro, à comparer avec 1575 milliards de dette de l'État, de la sécurité sociale et des collectivités locales réunis. Cette situation n'est pas tenable et un rééquilibrage s'impose.

La méthode usuelle pour rééquilibrer la dette de l'État par rapport à l'épargne consiste à utiliser l'inflation qui permet, sans vraiment l'annoncer, de diminuer le poids de la dette en dévaluant les patrimoines. L'adoption de l'Euro interdisant tout recours à l'inflation, cette méthode ne peut être utilisée aujourd'hui. Il est toujours possible d'envisager une sortie de l'Euro, néanmoins, dans les circonstances actuelles, les inconvénients économiques et politiques demeurent bien plus nombreux que les avantages. De plus, on peut reprocher à l'inflation de ne dévaluer que les patrimoines financiers et de laisser les patrimoines immobilier intacts. Une autre méthode consisterait à réaliser un défaut de paiement partiel. Cette méthode pose deux problèmes. D'une part les risques d'un dérèglement complet du système bancaire augmentent considérablement, d'autre part l'effort consenti par la population a très peu de chance d'être réparti de façon juste.

Mieux vaut donc privilégier une méthode simple, qui n'avance pas à visage masqué, qui consisterait à taxer les patrimoines et à casser le rendement de l'immobilier (par exemple en augmentant les taxes sur le patrimoine financier, en plafonnant les prix des terrains et en faisant payer la moitié de la taxe d'habitation et des dépenses d'énergie par les propriétaires). Cette méthode ne poserait pas problème de mise en œuvre, et permettrait d'éviter un effondrement de la consommation. On peut donc s'interroger sur les raisons qui ralentissent l'adoption de cette solution. Pour mieux comprendre, il faut s'attarder sur le corps électoral votant.

L'abstention augmente dans tous les pays d'Europe. Cette lassitude de la démocratie ne touche pas les citoyens de la même façon. Ainsi les personnes âgées réalisent encore leur devoir de citoyen de façon assidue. Avec le vieillissement de la population, et l'arrivée de la génération des trente glorieuses aux patrimoines importants dans le troisième âge, le corps électoral votant se retrouve majoritairement composé de personnes détenant du capital, désireuses de préserver la valeur de leur bien immobilier et le rendement de leurs assurances vie. Il faudrait donc un courage politique important pour faire campagne sur le thème de la taxation du patrimoine, d'où l'impasse de la situation actuelle. Ainsi, les seules solutions préconisées aujourd'hui sont les plans d'austérités, qui permettent de rassurer les marchés tout en préservant le capital. Néanmoins ils cassent la consommation, poussent à la déflation et, à terme, au défaut de paiement.

La situation actuelle est principalement liée à la conjonction de trois facteurs : la mise en déficit des États via une baisse massive des impôts sur les dernières décennies, le vieillissement de la population et la faible implication des citoyens de moins de 50 ans dans les affaires politiques. Il n'y a pas de fatalité, la tendance peut s'inverser. Et les rendez vous électoraux de 2012 en Allemagne, en Italie et en France, pourraient esquisser le début d'un renouveau.


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