Crise financière, cadeaux entre riches amis et faillite des médias

par Eric De Ruest
mercredi 26 novembre 2008

Alors que le sauvetage des institutions financières va enrichir les plus nantis et créer une explosion de la dette publique des pays du nord, la critique rationnelle du capitalisme est confinée à une part de plus en plus maigre sur les canaux officiels. Le public reste privé d’analyses pertinentes qui lui permettraient de comprendre à quelle sauce il est dévoré (et ce qu’il peut faire pour l’éviter).

Qu’y a-t-il derrière le rachat des banques ?

Tout d’abord un abus de langage dont sont coutumiers ceux qui prétendent nous gouverner. Car il ne peut y avoir terme plus mal choisi que celui de « nationalisation » des banques dans le cas présent, même entre guillemet [1]. En effet, puisque l’état ne demande aucun droits de vote dans les CA des entreprises « sauvées », il n’a strictement pris aucune initiative dans le sens d’une nationalisation digne de ce nom. Le personnel politique se contente de tirer son épingle du jeu tout en s’offusquant du fait que le public pourrait intervenir dans les affaires privées. C’est comme cela que nos politiciens se représentent le travail d’un élu au service de la population. La preuve est encore faite qu’ils sont au service des riches maîtres, patrons de multinationales destructrices, faiseurs d’opinion à la tête des grands groupes médiatiques, qui polluent aussi le paysage idéologique depuis trente ans avec cette religion du marché dérégulé totalement invalidée depuis peu. Dieu est mort ! Une fois de plus...

Ensuite il y a l’enrichissement des déjà trop riches. En effet, quand l’état belge sauve une institution bancaire, il le fait en injectant des sommes considérables (11,2 Md€ pour Dexia, 6,4Md€ pour Fortis, quelques 3,5Md€ pour KBC, pour Ethias, on attend les chiffres. Soit plus de 20Md€) qu’il récolte en émettant des bons d’état. Et qui achète ces bons d’état ? Les banques en cours de sauvetage. Donc, ces banques vont engranger des sommes colossales au bénéfice de l’échec spectaculaire de l’idéologie qu ’elles prônent. Et qui va payer ce nouvel endettement de l’état ? Vous, moi, nous, à travers une augmentation de l’impôt et la diminution des services sociaux les plus élémentaires. On peut donc dire qu’une fois de plus, la main invisible du marché va copieusement faire les poches des pauvres. Avons nous eu le choix ? Bien sur que non. Que signifie encore aujourd’hui le terme démocratie ? Plus grand chose, car le citoyen est privé de médias offrant une analyse en profondeur de la crise (ou plutôt devrait-on parler des crises, puisqu’à celle-ci s’ajoutent les crises écologique, alimentaire, énergétique et économique) [2] et des alternatives bénéfiques à y apporter comme remède.

La faillite de nos médias.

Dire qu’il y a un déficit dans la pluralité des opinions transmises par les médias est un lieu commun. Il n’y a pas à en douter. Car comprendre qui détient les médias, c’est comprendre qui façonne l’opinion publique. Depuis le virage néolibéral des années 80, la plupart des télévisions, radios et organes de presse écrite ont rejoint le giron des élites financières internationales [3]. Il devient alors évident de comprendre comment la population a pu se fourvoyer en suivant cette nouvelle religion du marché dérégulé.

Car comment a-t-il été possible de faire croire à des gens instruits qu’un organisme dérégulé puisse s’auto-réguler miraculeusement ? [4]. Grâce à un travail incessant d’idéologues convertis aux saintes écritures de Milton Friedman [5] , vous savez, le conseillé spécial de Pinochet et prix Nobel d’économie en 1976. Et les dévots d’entonner en coeur le divin refrain. Des Reynders et autres Colmant [6] prêchent dans les universités belges le sermon néolibéral, instillant l’ineptie dans la plupart des cerveaux disponibles de leurs élèves, conditionnés dès leur plus jeune age à ne pas remettre en cause les propos du maître d’école. Et pour dire des inepties, Bruno Colmant s’y connait. [7]. On peut se tromper, mais il y a des erreurs qui tuent des millions de personnes.
Lire l’article de Jean Ziegler, ancien rapporteur spécial des Nations-Unies pour l’alimentation.

C’est ensuite au tour des médias de forcer l’acceptation de la pensée unique. Entre les émissions économiques au service des entreprises nationales et les spots publicitaires incessants, pas un moment de répit face à la pression de l’insupportable croissance économique [8] . Aujourd’hui encore, malgré la crise mondiale créée par ces talibans du marché, les médias, tant publics que privés continuent à leur ouvrir leurs micros. Et eux de modifier le discours en fonction des besoins du moment. Ces girouettes qui hier encore vouaient aux gémonies celles et ceux qui osaient parler de la nécessité d’une régulation, aujourd’hui reprennent sans vergogne le discours honnit. Nous vous laissons apprécier la profondeur de leurs engagements.

L’arroseur qui refusait d’être arrosé.

Nous avons invité plusieurs journalistes belges à répondre à nos questions sur la piètre couverture que leur média offre de cette crise. Nous espérions pouvoir proposer aux citoyennes et citoyens une vidéo dans laquelle ces journalistes pourraient expliquer comment les choix des intervenants se décident et pourquoi l’information reste si orientée, malgré le discrédit des figures emblématiques du libéralisme. Mais les journalistes que nous avons invité posent des questions mais ne semblent pas apprécier qu’on leur en pose, et le nombre de refus essuyés est impressionnant, empêchant tout travail de journalisme citoyen.

C’est pourquoi, nous vous invitons à prendre votre plus belle plume et à inonder les rédactions de vos médias préféré avec vos questions mais aussi, exprimer votre indignation face à ce black-out des alternatives plus que jamais nécessaires.
 


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