Crise financière en France, à quoi faut-il s’attendre ?

par Francois de la Chevalerie
lundi 10 novembre 2008

Perspectives de croissance déçues ; résultats tronqués ; indices dépareillés avec la réalité ; méconnaissance sur la situation réelle des banques, depuis plusieurs mois, les indicateurs officiels se nourrissent de chiffres faux.

Alors que la récession s’installe, la tempête s’aiguisant, à quoi faut-il donc s’attendre ?

1) Explosion des déficits
En raison de la hausse de la charge des intérêts de la dette liée et de l’effondrement des recettes fiscales, le déficit budgétaire en 2008 qui avait déjà été relevé de 41 à 49 milliards d’euros pourrait s’élever en clôture d’exercice à hauteur de 60 milliards d’euros.
Pour les mêmes raisons, le déficit budgétaire 2009, évalué dans un premier temps à 52 milliards, devrait exploser. Compte tenu de l’enveloppe affectée à la recapitalisation des banques, soit 40 milliards, de l’aggravation de la dette, d’une chute continue de la croissance des recettes, le tout associé à dépenses en faible retrait, il pourrait théoriquement grimper aux alentours de 100/110 milliards, ce qui représenterait 5 % du Produit intérieur brut. Cette situation est en marche. D’ores et déjà, l’Etat français a injecté 10,5 milliards d’euros dans six grandes banques. L’aggravation devrait provoquer de sérieuses turbulences au sein de l’Union européenne. Ecarté le fameux pacte de stabilité, une solution doit être trouvée sauf à considérer la remise en cause du système monétaire européen. Dans ce cas, les conséquences pour l’économie française seraient abyssales.

2) Emploi
 
Les premières indications du secteur du BTP retiennent une contraction de 28 % de l’activité. Dans ce secteur particulièrement sensible aux évolutions erratiques, les conséquences sont immédiates avec, notamment, la diminution des intérimaires, des apprentis. Pour ce seul secteur, les pertes d’emploi pourraient se situer autour de 200 000. Le secteur de la distribution est également frappé de plein fouet avec des chutes de plus de 15 % (habillement). Là encore, si la situation persiste, les débauchages devraient être importants. Sérieusement atteinte aussi, l’industrie avec la fermeture temporaire des usines automobiles des constructeurs français.
Compte tenu de ces premiers éléments, le taux de chômage repasserait la barre des 10 % de la population active fin 2009 avec, en toile de fond, pour tendance lourde, l’augmentation considérable des emplois précaires.
 
3) Pouvoir d’achat
 
Selon certains commentateurs, si la chute des prix des matières premières persiste, le pouvoir d’achat pourrait s’en retrouver relancé. Ce point de vue est théorique dans la mesure où il importe, d’une part, de retenir comme valeur de richesse l’intégralité du patrimoine des ménages et, d’autre part, de considérer la dégradation généralisée de l’activité. Sur le premier point, nous avons vu que le patrimoine des ménages s’était considérablement détérioré, leur pouvoir d’achat s’en trouve donc affecté. Sur le second point, la dégradation de la situation des d’entreprises industrielles et commerciales devrait avoir des conséquences sur l’emploi et sur les salaires. L’augmentation du chômage doublé d’une augmentation des emplois instables, mal rétribués, ne favorisent pas une amélioration du pouvoir d’achat.

4) Dégradation très sensible du patrimoine financier des ménages
Pour la minorité (16 %) qui détiennent des actions, la chute depuis est sévère : peu ou prou 30/40 % en un an. Pour les 57 % des Français détenteurs d’un bien immobilier, le déclin devrait suivre en globalité l’évolution des prix du marché sauf quelques îlots de résistance. Tous confondus, la perte en « valeur du patrimoine » pourrait atteindre 15 % en 2009.
 
5) Bourse
 
Contrairement à une idée reçue, la bourse peut connaître un effondrement durable. Il faut se rappeler que c’est seulement en 1954 que la bourse a retrouvé son niveau de 1929... Vingt-cinq ans, soit une génération !
 
Simple calcul, compte tenu de l’augmentation des cours de la bourse depuis la création du CAC 40, soit une hausse de +/- de 100 % alors que les salaires n’ont augmenté que de 15 % en monnaie constante. S’il fallait considérer l’hypothèse d’un rectificatif, la valeur du CAC devrait se situer autour de 2 500 points. Ajoutez les craintes d’une récession longue au terme indéfini et le CAC 40 pourrait afficher des résultats encore moins séduisants. Toutefois, il importe de rappeler que toutes les sociétés ne doivent pas être logées à la même enseigne. Certaines sociétés sont sous-évaluées comme AIR France ou Alstom, la valeur de leurs actifs étant inférieur à la valorisation boursière, d’autres dans une situation contraire.
 
6) Effondrement de l’immobilier
 
Les transactions immobilières ont chuté de 25 % en 2008, le temps d’attente de la vente d’un appartement a triplé. Chaque mois, les indicateurs se dégradent. La décote entre la valorisation affichée et la réalité atteint désormais 20 % dans certaines villes, notamment de province. Toutefois si le marché immobilier devait reposer sur la seule valeur intrinsèque d’un logement (coût de la construction), la baisse pourrait atteindre théoriquement 60 %, sans doute plus dans certains quartiers. Dans tous les cas, ce sont les situations d’urgence qui dicteront les prix. Le recours à la vente s’apparente souvent à une recherche de liquidités à tout prix. A cet égard, ce sont principalement les grands détenteurs de patrimoine immobilier, l’Etat, les banques et les assurances, qui influenceront l’évolution des prix. En quête de ressources, certains seront tentés de brader des biens.
 
Compte tenu de cette situation, quelles sont les options pour sortir de la crise ?
 
1) Une réduction drastique des dépenses
 
Compte tenu de la double contrainte des dépenses incompressibles et du poids croissant de la dette (en 2008, la dette publique égale à 65,9 % du PIB), cette démarche sera limitée. Dans un contexte de revenu en déclin et d’emploi raréfié, même pratiquées à petite échelle, des diminutions ciblées provoqueraient des effets aux conséquences sociales désastreuses. Seule solution, uniquement dans un contexte déflationniste, la diminution globale de tous les salaires de la fonction publique et une réduction des retraites pourraient être envisagées. Cette orientation présenterait l’avantage d’uniformiser la situation des Français, d’éviter le découplage.
 
2) Le lancement d’un vaste emprunt public
 
Il devrait être destiné à financer le plan de sauvetage des banques et à maintenir le train de vie de l’Etat. Comme les Français disposent d’une épargne importante, cette option est envisageable. Toutefois, le taux d’épargne des Français est en déclin se situant aux alentours de 10 %. La mise en place d’un tel contrat aura pour conséquence une aggravation sans précédent de l’endettement pour les générations futures. Déjà exorbitant, cette orientation pose à terme le problème de la signature de la France. Quelle est la valeur papier d’un titre émis par un pays ultra endetté et qui, de surcroît, est appelé à se maintenir durablement dans cette situation ? Par ailleurs, même d’un montant important, il n’est pas sûr que l’emprunt suffise à tarir les effets de la crise.

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