Crise financière ou crise boursière ?

par Aimé FAY
mardi 29 janvier 2008

Elle secoue la planète, anime les discussions politico-économiques et tous nous y allons de notre couplet. D’ailleurs, politiques et économistes, le plus souvent de salon, se relaient dans les médias pour dire que la crise est financière, spéculative et boursière. En citant tout à la fois, ils sont sûrs de ne pas se tromper et de ne choquer personne. Même Nicolas Sarkozy, naturellement spécialiste de ce sujet, y a été de son grain de sel. Alors, avant de porter un diagnostic et de faire des recommandations, il conviendrait de rappeler ce que sont une crise financière et une crise boursière.

La crise financière, comme son nom l’indique, commence par des difficultés d’ordre financier rencontrées par un agent économique, personne physique ou personne morale. Cette crise relève le plus souvent de l’impossibilité, pour cet agent, d’honorer ses dettes et d’aller droit vers la cessation de paiement, c’est-à-dire l’impossibilité de payer ses créanciers. De fait, elle risque d’entraîner par ricochets - effet de dominos - des difficultés de même nature chez ses fournisseurs. C’est le premier effet systémique d’une crise financière. Son ampleur sera locale, régionale, nationale ou mondiale en fonction du rayonnement et de la place occupée, dans l’économie, par les acteurs concernés. Et, si un ou plusieurs protagonistes de cette crise financière sont cotés en bourse, il y aura un effet de contagion, c’est-à-dire de propagation, à la place boursière entière qui les cote. L’ampleur de l’impact boursier dépendra principalement du poids de ces acteurs dans l’indice général - en France, le CAC40, aux Etats-Unis, le Dow Jones notamment. C’est ainsi qu’une crise financière se transformera en crise boursière. C’est le deuxième effet systémique.

La crise boursière, comme son nom l’indique, commence par la défiance, c’est-à-dire par la perte de confiance du marché boursier vis-à-vis des sociétés dont il apprend la crise financière ou, tout simplement, leur risque de crise financière. Il ne s’agit pas, à ce niveau, de spéculation. Informés des problèmes, avérés ou non, les porteurs d’actions appliquent le fameux principe de précaution en vendant les titres susceptibles de voir leur valeur baisser, compte tenu des doutes qui pèsent sur la santé précaire des émetteurs. On parlera de crise boursière, si la baisse de l’indice général est rapide et forte, de l’ordre de 10 % sur une séance ou de 5 à 10 % durant plusieurs séances. Et c’est là, comme une traînée de poudre, où la spéculation pourra commencer à entrer en jeu. Tel un vol de vautours ayant assisté à un hallali. De fait, la crise d’une place boursière ira contaminer d’autres places, nationales ou mondiales, en fonction de l’influence et de la renommée des acteurs en crises financières (cf. supra), de leur interdépendance avec d’autres acteurs et secteurs économiques et, naturellement, de la masse des capitaux engagés par la spéculation intermédiée et officielle. En effet, aucune spéculation individuelle d’envergure ne peut mobiliser des milliards d’euros ou de dollars sur plusieurs jours et plusieurs places, sans être intermédiée par des sociétés financières ayant l’agrément des autorités de tutelle de chaque pays (sic !). C’est notre intime conviction. Et, certains traders "golden boys" ne la démentent pas !

Alors oui, la crise actuelle est d’origine financière et, par effets systémiques successifs, elle est devenue boursière et d’ampleur planétaire.

Mais, une fois l’inventaire fait et le diagnostic posé, il faut surtout ne pas se tromper de patient pour appliquer les remèdes. On l’a vu, le primo-malade, ce n’est pas la bourse. Elle n’est que le symptôme et les recommandations d’actions ne doivent pas d’abord lui être appliquées. Le vrai malade, celui à l’origine de tout, c’est l’acteur qui, n’étant plus in bonis, a mis les autres en difficultés.

Alors, dans la crise actuelle, quel est l’acteur à l’origine de la maladie des autres ? Les banques américaines ? Les constructeurs immobiliers américains ? Les ménages emprunteurs américains ?

Les ménages américains sont à mettre hors de cause. Pauvres, ils voulaient une maison. Et ils sont allés voir leur banquier sans grand espoir d’avoir leur prêt. Ils étaient déjà fortement endettés et avaient de faibles revenus. Quelle n’a pas été leur surprise de voir leur banquier dire OK et leur prêter au taux alléchant de 1 ou 2 %, mais totalement variable. Qu’importe pour eux que le taux soit variable ou pas, ils n’y ont pas compris grand-chose. D’abord, le spécialiste, c’est le banquier du coin, pas eux ! Eux, ils voulaient simplement une maison et ils l’ont eue. La suite... on la connaît.

Pourquoi le banquier a-t-il prêté à ces ménages pauvres et pourquoi à taux variable non capé, c’est-à-dire non plafonné ? Bon samaritain, sûrement pas ! Faire du business peut-être, mais pourquoi de cette manière ? L’une des réponses que nous avons en provenance des Etats-Unis serait que les banquiers ont aussi beaucoup et facilement prêté aux constructeurs immobiliers. Beaucoup trop prêté semble-t-il ! Les constructeurs ayant un accès facile aux crédits des banquiers ont donc trop construit. Ayant trop construit, ils ont eu des difficultés pour vendre. Pour éviter une crise de liquidités - eux aussi - qui les aurait empêchés de rembourser leur(s) généreux banquier(s), les constructeurs immobiliers ont demandé aux banquiers engagés avec eux d’être moins exigeants pour l’octroi de leurs prêts immobiliers. Ainsi, tous se tiennent donc par la barbichette !

Oui, la crise boursière vient de la crise financière qui elle-même prend sa source dans une crise de surproduction immobilière. Nous rappelons ici, que la crise de 1929 a aussi d’abord été une crise de surproduction, avant d’être financière, puis boursière. Ce qui a amènera la récession américaine, puis la déflation et, enfin, la récession mondiale. Catastrophique !

Il convient donc de prendre au sérieux ce qui se passe actuellement - au jour d’aujourd’hui diraient certains. Sachant que toute erreur d’inventaire, c’est-à-dire d’analyse, va entraîner une erreur de diagnostic qui, elle-même, entraînera des erreurs dans la mise en place des actions correctives appropriées.

A cet égard, nous voyons déjà la différence d’analyse entre la Fed et la BCE. L’une veut relancer les crédits à l’économie en baissant les taux. C’est fait. L’autre veut surtout ne rien faire pour ne pas alimenter à nouveau les crédits à l’économie et donc la surproduction de tout et de n’importe quoi sous prétexte que les taux baissent enfin.

Cela étant, il ne faudrait pas que, par facilité, des hommes politiques inconséquents critiquent trop l’une ou l’autre des banques centrales. Rappelons que Jean-Claude Trichet, comme Ben Shalom Bernanke, sont les employés des gouvernements propriétaires de leur banque centrale et, qu’à ce titre, ils sont remerciables du jour au lendemain. Donc, si telle ou telle autorité politique trouve dangereuse ou inappropriée la démarche de son gouverneur central, elle enverrait un signal fort aux marchés en proposant de mettre fin à ses fonctions. Démarche susceptible de rétablir la confiance qui manque cruellement aujourd’hui dans la capacité de nos politiques, surtout franco-européens, à faire autre chose que des ronds de jambes et du marketing politique.

Alors un peu de courage Messieurs ! La critique est trop facile. Vous avez les manettes. Fini les incantations... indiennes. Il suffit juste de mettre enfin les mains dans le cambouis. Votre rôle est aussi celui-ci !


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