Crise immobilière américaine, où en est-on ?

par wesson
lundi 11 mai 2009

Je vous propose une petite visite dans la petite boutique des horreurs des prêts immobiliers Américains à taux variables. Attention ami lecteur, cet article est (un peu) long et technique. Si tu peux vivre sans savoir ce qu’est un Option ou Unsecuritized ARM, passe ton chemin !

 
Je vous propose une petite visite dans la petite boutique des horreurs des prêts immobiliers Américains à taux variables. Attention ami lecteur, cet article est (un peu) long et technique. Si tu peux vivre sans savoir ce qu’est un Option ou Unsecuritized ARM, passe ton chemin !

 Aux USA, tous les prêts à taux variables (ARM – Ajustable Rate Mortgage) fonctionnent suivant un principe dit de « teaser rate ». C’est une période de grâce au début du prêt pendant laquelle vous n’avez à payer que des mensualités réduites, voire symboliques. Une fois la période de grâce terminée, vous devrez effectuer les paiements normaux jusqu’à la fin du crédit. Suivant le type de prêt, et l’historique bancaire du ou des emprunteurs, la période de grâce accordée est plus ou moins longue. De 1 an pour les emprunteurs les moins fiables, jusqu’à 5 ans pour les plus solvables. La fin de la période de grâce est appelé le Reset – où le taux passe de « sympa » à « moins sympa », ou suivant le type de prêt le Recast – où la mensualité change de « super cool » à « pas cool du tout ».

Inutile de dire que le moment critique de ces prêts, c’est ce moment là ! Connaître la date de passage de ces prêts au Reset/Recast, c’est anticiper le nombre de faillites immobilières.

L’équipe de recherche sur la finance structurée du Crédit Suisse a mis à disposition ce graphique, montrant les différents types de prêts à taux variables que les banques Américaines ont proposés. Les chiffres sont en $Billion Billion, ce qui veut dire en millier de milliards de dollars (1,000,000,000,000 $).

Voici la description du fonctionnement de ces prêts.

Option ARM : Une forme de prêt particulièrement vicieuse. La durée de ce prêt à taux variable est de 30 ans. On donne le choix à l’emprunteur entre 4 solutions de paiement :

1 - Paiement minimal

2 – Intérêts seulement

3 – paiement doublé

4 – paiement normal

Dans tous les cas, le capital + intérêts doivent être payés en 30 ans.

Les choix 3 et 4 correspondent à ce qui se pratique en France, à savoir un remboursement du capital +intérêt dès le départ. Si le choix 3 est retenu, tout est payé en 15 ans, inutile de dire que c’est un choix marginal.

Le choix 2 permettait de payer seulement la partie intérêts pendant quelques années, pour ensuite payer capital + intérêts pendant le temps restant.

Et le choix 1 , qui en fait représente plus de 80% des Option ARM, permet à l’emprunteur de payer au début une somme ridicule, genre que des intérêts à 1%. Le coup de vice étant que la différence entre la somme payée et les intérêts normaux s’ajoutent au capital restant dû, ce qui s’appelle un amortissement négatif. Pour le dire plus simplement, plus vous payez, et plus votre dette augmente. C’est l’augmentation du capital restant à payer qui détermine le moment du Recast. Il y a un seuil limite (15 à 25%) qui, lorsqu’il est atteint oblige l’emprunteur à n’effectuer plus que des paiements normaux intérêts + capital. En d’autres termes, ce prêt lors du Recast multipliera votre mensualité dans un rapport 5 à 10. Avec de telles conditions, le taux de défaillance de ce type de prêt est très élevé (actuellement 33%) et est en bonne voie pour dépasser celui des désormais célèbres Subprimes (aux alentours de 40%).

Prime, Alt-A, SubPrime ARM : Aux états unis, les banquiers classent leur clients dans 3 catégories

  1. Prime : La catégorie reine mais hélas moins nombreuse des personnes dont les antécédents bancaires sont parfaitement connus, qui jouissent de revenus stables et n’ont pas de soucis financiers particuliers.

  2. Alt-A : les personnes dont les antécédents bancaires et revenus ne sont connus, mais pas avec certitude, dont on ne sait pas si les revenus sont stables, ou avérés.

  3. SubPrime : Les personnes dont la banque ignore toute source de revenu ou antécédent bancaire, ou qui ont déjà eu des problèmes de crédit et de solvabilité.

Pour ces types de prêt, le passage au Reset se traduit par un changement de taux ou on passe d’un taux fixe plus sympa à un taux variable. En pratique, la mensualité peut se retrouver multiplié par entre 1,3 (30%) et 3.

Les prêts accordés aux emprunteurs prime sont les plus sûrs, donc bénéficient des meilleures conditions. Rien à dire là dessus, sinon que ils rapportent peu aux banques.

Pour les Alt-A, les dossiers de crédits étaient remplis par des courtiers payés à la commission. Donc les dossiers était presque tous bidonnés, faisant état de revenus bien au dessus de la réalité. En pratique, vous disiez ce que vous voulez au courtier, qui ne vérifiait rien et vous rajoutait entre 5 et 50% de revenus en plus pour faciliter l’obtention du crédit.

Les prêts Alt-A bénéficiant d’une période de grâce plus importante que pour les subprime, leur arrivée en masse au Reset est prévue pour 2011.

Et les Subprimes bénéficiait des pires conditions de prêts – des taux les plus élevés, associé à un délai de grâce de 12 à 24 mois au maximum. C’est ce délai court qui a provoqué l’éclatement de ce type de prêt avant tous les autres.

Agency ARM : C’est un prêt directement fourni par l’organisme hypothécaire (Fannie Mae, Freddie Mac), qui prête sur ses propres deniers. C’est principalement utilisé pour des immeubles ou ensembles immobiliers à 5 logements et plus, la banque ne jouant là que le rôle d’intermédiaire et s’occupe de la perception de la créance. Ces prêts sont considérés comme moins assassins, donc potentiellement moins sujet à des défaillances.

Unsecuritized ARM : Ce sont des prêts consenti à une société civile immobilière (ou son équivalent américain, Tender In Common – TIC). Le terme Unsecuritized se réfère à la forme fiscale (équivalent à une SCI imposé sur les sociétés), ce qui permet de limiter la responsabilité des propriétaires en cas de faillite, mais qui leur coûte plus cher en terme fiscaux – notamment pour la revente de leurs parts. En pratique, on ne dispose que d’une estimation de ce type de prêt, qui n’avait pas besoin de déclaration faite à l’administration. On ne sait donc pas réellement combien il y en as en circulation. Très peu d’information circule sur ce genre de prêt, ce qui fait que on en est réduit aux conjectures concernant leur taux de défaillance. Sachant que derrière ce type de prêt il y a souvent des centres commerciaux, leur défaut devrait monter en flèche en cas de consommation atone.

Interprétation :

Le graphique montre que les USA ne sont qu’au début de cette crise des crédits pourris. Plusieurs vagues de faillites devraient avoir lieu. Le pire est à redouter aux alentours de l’été 2010, qui sera d’autant plus sévère que contrairement aux Subprimes, les gens touchés seront de la classe moyenne voire haute.

Cette estimation du Crédit Suisse est à mon avis imparfaite. Pour les options ARM, l’estimation se base sur un taux d’amortissement négatif initial, qui est inférieur au taux réel. Ces prêts arrivent donc plus rapidement que prévu au plafond, ce qui devrait avancer de quelques mois la vague de leur Recast, vers mi 2010 plutôt que en 2011.

Concernant les Subprimes et Alt-A, le gouvernement américain a décidé l’année dernière une politique de gel des crédits, qui a eu pour effet de décaler un bon nombre de Reset, mais sans régler le problème fondamental. Cette politique de gel se termine maintenant, donc les Reset normaux vont se rajouter aux Reset qui auraient déjà avoir eu lieu. Sauf erreur de ma part, ce graphique ne traduit pas cet effet.

Et comment de très mauvaise, la situation pourrait devenir carrément apocalyptique :

Les prêts hypothécaires Américains étant dans leur très grande majorité garantis par la maison elle même, dès lors que l’on ne peut plus payer il suffit de rendre la maison pour que la dette soit totalement soldée. En pratique, cela veut dire que si une maison possède une valeur de revente inférieure voire très inférieure au montant du prêt restant à rembourser, le propriétaire a tout intérêt à rendre sa maison à la banque, ce qui aura pour effet d’annuler la totalité de sa dette, en principal comme en intérêt. C ’est alors la banque qui doit douloureusement écrire dans ses comptes la différence et constater la perte. Ce cas de figure s’appelle le « negative equity », en très forte hausse ces derniers temps. Le graphique suivant montre la proportion des maisons gagés qui sont dans cette configuration, par état.

 
On peut y voir la Floride et la Californie, des poids lourds économiques qui ont 30% de ces maisons dont la valeur actuelle est inférieure au restant dû. Et un magnifique 55% pour le Nevada, ce qui nous informe bien sur la santé réelle de l’immobilier à Las Vegas.

La somme totale mentionnée donne le vertige. C’est pas moins de 1 million huit cent mille milliards de dollars (1,800,000,000,000,000 $) de crédits à taux variables qui seront arrivés au reset d’ici début 2013. Si le taux de défaut (comprenant les gens qui ne peuvent plus payer + les gens qui rendent purement et simplement leur maison) avoisine les 5%, avec une valeur de l’immobilier en baisse de 33%, les banques totaliseront une perte de quinze mille milliards de dollars (15,000,000,000,000) d’ici à 4 ans, ce qui est une somme tout simplement insupportable y compris pour le contribuable américain. Et encore, j’ai été particulièrement gentil avec mon estimation des pertes potentielles.

Conclusion :

à la vue de ce qu’il se prépare, il n’y aura pas un seul mais plusieurs tsunamis de faillites immobilières aux états unis, Fin 2009, mi 2010 pour la vague probablement la plus terrible, fin 2011 et début 2012. Ces vagues obligeront les banques à passer des pertes abyssales, les rendant zombie et en survie uniquement à l’aide de l’argent du contribuable. Et les sommes en jeu, tellement gigantesques risquent même de rapidement dépasser la capacité même de l’état à venir en aide à ces structures dont on comprends que la nationalisation totale sera inévitable. La chute immobilière pourra mettre certains états de la côte est et sud en faillite pure et simple, alors que d’autres états plutôt sur la côte Atlantique s’en sortiront bien mieux, ce qui potentiellement est porteur d’un éclatement de l’unité des états-unis. Peut-être cette crise immobilière signera la fin des états unis tels que nous les connaissons.

Perspective Française :

Si globalement en France, nous n’avons pas une crise immobilière d’une telle ampleur, ce n’est pas parce nos banques avaient une plus grande probité que leur consœurs Américaines, mais c’est seulement que la législation actuelle ne leur a pas permis de commettre les mêmes erreurs.

Et pourtant, il a existé une volonté politique clairement exprimée de faire sauter cette législation protectrice afin d’avoir nos subprimes à la Française.

Dès l’année 2005, le ministre de l’intérieur de l’époque et déjà candidat à l’élection présidentielle vantait tout les mérites de ces facilités de crédits. Ainsi lors de son discours à l’assemblée nationale du 17 Mars 2005, M. Sarkozy déclarait :

« Il faut mettre en œuvre rapidement la réforme du crédit hypothécaire. Ce n’est quand même pas excessivement audacieux de proposer que les crédits immobiliers soient tout simplement et uniquement garantis sur la valeur des biens achetés ; ni excessivement anormal de demander aux banques d’accorder sur la même hypothèque un nouveau crédit, lorsque le précédent emprunt a été partiellement remboursé. Il faut inciter les banques à prêter à tous et pas seulement aux plus aisés. »

Et bien si, le présent démontre que c’était excessivement audacieux et anormal !

L’arrivée au pouvoir suprême de M. Sarkozy ne s’étant effectué que en 2007, ce dernier n’a pas eu le temps de mettre en œuvre toute la législation nécessaire avant que la crise immobilière n’éclate aux USA. Au delà de toute spéculation sur les talents de visionnaire politique de M. Sarkozy, nous pouvons conclure que, pour l’instant, nous l’avons échappé belle.

Sources :

Docteur Housing Bubble blog en Anglais sur l’immobilier en Californie du Sud

Calculated risk Blog en Anglais de décryptage de l’information financière

Le Post – Quand Nicolas Sarkozy vantait les subprimes


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