De la fin de la suprématie américaine

par Tommy
vendredi 21 août 2009

Les chiffres sont tombés : le nombre de postes supprimés aux USA s’élève à 247 000 en ce mois de juillet selon le département du travail américain. La tâche ne sera donc pas facile pour le président Obama qui devra tout mettre en oeuvre pour confirmer le leadership américain sur la surface du globe. A cause de la crise, mélangée avec le principe de consensus de Washington, les USA auront des difficultés à rentrer dans une reprise économique qui les mènerait vers une croissance à long terme tout aussi efficace qu’avant le krach boursier. Il se peut même que se soit la fin du quart d’heure américain, mais ne soyons pas trop optimiste, ou bien, ne faisons pas trop de jugement hâtif, mais essayons d’analyser, à l’heure de cette mondialisation, si le rêve américain a de beau jour devant lui. 

Si il y a bien une chose que sait faire le capitalisme : c’est de se relever de ses propres crises et d’être le seul modèle économique fiable, mais boiteux. Car, si certes l’occident a réussi à sortir des différentes crises économique, comme celle de 1929, elle a néanmoins perdu, au fil du temps de sa vitesse, ou en tout cas, elle n’en n’a pas gagné ( il est certes inconcevable de prétendre qu’on produisait plus hier qu’aujourd’hui ) mais plus il y a de crises, plus la croissance ralentit. Le problème vient d’un système financier, aussi cerveau de l’économie, éperdument malade et subsistant sur des problèmes de fonds non résolus. Comble du compte, même s’il y a des crises, rien n’est fait pour y remédier et elles deviennent de plus en plus grave. Le système est touché à son coeur et on en profite pour faire des spéculations et autres titrisations. Comme l’Europe, les USA perdent de leur vitesse et vont se faire concurrencer si le cycle des crises continue.
 
Continuons sur la comparaison avec l’Europe : avant le XXe siècle, elle était le berceau de l’innovation, de la révolution industrielle et toute les mégalopoles mondiales étaient concentrées en elle. Avec la naissance et l’expansion des USA, c’est une situation de monopole qui s’est effondrée, car les USA sont devenus des terres d’investissement et de travail ( l’on parlera de la colonisation plus tard ). L’Europe a donc faibli et les USA ont étendu leur influence. Or, l’on vit aujourd’hui dans la mondialisation et nous voyons des pays émergents qui sont en train de concurrencer l’impérialisme de la mondialisation américaine car ces pays proposent des politiques ambitieuses : l’Etat investit et met de l’argent dans la recherche, dans les marchés innovateurs comme ceux de l’hybride : ce qui fait que ces pays prennent de l’avance, une avance qui sera difficile à rattraper pour les USA. En conséquence : en Chine, s’est ouvert récemment le 5ème salon de la voiture hybride.
 
Comme tous pays occidentaux, les USA sont surendettés : rappelons-nous l’affaire des caisses d’épargne sous Reagan qui avait coûté 200 milliards de dollars aux contribuables américains. Soyons clair : les USA se sont enfermés dans la spirale de l’endettement et un système surendetté est un système malade. Comme en Europe, les USA devront et vont pratiquer une politique d’austérité complètement opposée à l’expansionnisme économique mais tellement plus proche de la théorie d’Hayek. C’est la faute de l’Etat, mais c’est lui est surtout le contribuable qui va payer les pots cassés. Comment une hausse des taux d’intérêts, une hausse des impôts peut-il relancer une économie ? On se le demande. De plus, un pays en incapacité de rembourser ses dettes n’attire pas beaucoup les investisseurs étrangers et fait fuir les flux de capitaux nationaux qui dé-localisent dans les pays étrangers. On peut aussi dire merci à la présidence de Bush qui a laissé à Obama, le 30 septembre 2008, 10 000 milliards de dollars de dette !
 
Alors, comme l’Europe, les USA vont-ils rentrer dans une phase de ralentissement économique chronique ? Avec un système financier abîmé et un pays endetté, la tâche ne sera pas si simple, surtout si ce pays se fait concurrencer par d’autre. Mais aussi les USA ont encore du travail à faire pour redorer le blason du "rêve américain".
 
La retraite de l’oncle Sam :
 
L’une des promesses d’Obama est celle d’instaurer un système de santé et de retraite fiable. L’on pourrait se dire "oui, c’est une très bonne idée !", mais cela ne sera pas si simple puisque pendant 60 ans, on a dit aux américains qu’une sécurité sociale c’était du communisme. Les démocrates risquent donc de se casser quelques dents sur cette réforme et cela pourrait mener à une instabilité sociale. Mais pourquoi évoquer la réforme du système de santé ? Tout simplement parce qu’un système de sécurité sociale est indispensable en temps de crise : c’est comme une épargne de précaution. Mais aussi, à l’inverse des USA, les pays émergents se sont presque tous dotés d’une sécurité sociale avant de se lancer dans une libéralisation des marchés. Dans ces pays, il en va de la stabilité politique et si les USA ne font pas de même, l’on risque de revoir de nouveaux retraités... sans pension de retraite.
 
Lorsque l’on évoque les USA dans une conversation, on en vient souvent au dossier chaud de l’Irak. Les guerres à répétitions, et la mauvaise politique anti-terroriste, surtout lorsque sont en jeux des puits de pétroles, on sait que les USA sont devenus très impopulaires aux yeux du reste du monde. Avec le 11 septembre, on a clairement vu que les USA ne sont pas invincibles et avec le retour des attentats à Bagdad cette semaine, on peut se dire que les USA ont perdu la guerre en Irak. En clair : le mythe de l’oncle Sam a perdu de son influence et risque de devenir : "I want you to loose".
 
Le gouvernement américain souffre d’une impopularité en son coeur et dans le reste du monde, ce qui a pour conséquence une perte de confiance qui risque de nuire au leadership américain.
 
L’empreinte américaine dans nos sociétés :
 
Certes, les USA sont impopulaires sur beaucoup de dossiers : la guerre, la mal-bouffe, la pollution, le trafic d’arme... Mais elle a imprégné sa marque dans notre quotidien. Aujourd’hui, tout le monde connaît Mcdonalds, coca-cola, Nike et j’en passe : ils sont présents dans chaque pays occidental et même dans les pays émergents. La mondialisation impérialiste a permis aux USA d’implanter ses multinationales et de détruire la concurrence locale dans les pays en voie de développement. Ainsi, ne restait plus que sur les marchés des sodas coca-cola et des chaussures Nike. La société de consommation de masse américaine s’est introduite dans les traditions indiennes bien plus anciennes et les a étouffées.
 
Mais aussi, les Etats-Unis ont encore une grande influence par leur politique nationale. Aux USA, les personnes âgées ( 80 ans et + ) travaillent encore : en France on veut faire la même chose. Aux USA, on applique une politique sécuritaire basée sur la peur : en France aussi. L’américanisation de nos sociétés se fait même dans les politiques gouvernementales. Les États-Unis ont aussi une empreinte historique dans nos sociétés. Les américains ont souvent l’image de libérateurs de l’oppression Nazi pendant la second guerre mondiale, ce qui fait que beaucoup d’entre nous les respectent et disent "heureusement que les américains étaient là !".
 
On peut donc dire, que les USA ont une empreinte sociale, politique, économique et historique dans les sociétés occidentales et orientales qui n’est pas prête de s’effacer et qui pourrait les aider à conserver leur leadership. Certes, les USA ont fait des horreurs ( Hiroshima, mise au pouvoir de Pinochet, purge raciale,.. ), mais la popularité mondiale d’Obama et son "Obamania" pourraient bien les aider dans un futur proche.
 
La main mise sur les institutions internationale :
 
Approchons-nous de ce qui pourrait être mis en comparaison avec la colonisation :
 
Lorsque l’Europe a commencé à avoir peur des USA et a voulu garder encore pendant quelques temps son monopole, celle-ci s’est mis à coloniser les régions d’Afrique et d’Asie. Ils ont mis en place une politique impérialiste visant à étendre son influence politique, économique et sociale. Il a aussi créé des monopoles dans ses colonies contraintes d’acheter des produits aux pays qui les colonisaient. Les colons détruisaient donc la concurrence locale et dépouillaient leurs colonies pour que celles-ci restent dépendantes de "la mère patrie".
 
Le rapprochement est facile à faire avec les USA et la mondialisation. Lors de la chute du bloc soviétique, le monde s’est retrouvé en phase multi-polaire, avec à sa tête les États-Unis. On a donc commencé à s’intéresser aux pays émergents. On a demandé à ces pays de libéraliser aux plus vite leurs marchés commerciaux et financiers. Ainsi, les USA se sont installés avec leurs multinationales et ont, après quelques semaines de "concurrence", installés leur monopole. Les USA profitent, à l’image de l’europe colonisatrice, du monde en développement : leurs avancées profitent à la croissance et à la spéculation américaine. C’est le cercle vicieux de la mondialisation impérialiste américaine. En claire : les PED ne profitent pas de leur boum technologiques et industrielles : ils se font voler, en quelque sorte.
 
Oui mais voilà : tout comme pour la décolonisation, les pays émergents en auront bientôt assez du monopole américain et vont essayer d’atteindre un statut d’indépendance. Mais pour l’instant, il existe un petit problème : le FMI et la banque mondiale.
 
Le FMI : un barrage à l’indépendance des PED :
 
Avant tout, il faut savoir que le FMI et la banque mondiale ont été créés aux accords de Bretton Woods en juillet 1945. Ces institutions ont pour but de maintenir les signes de la conjonctures dans les pays en crise ( pour le FMI ) et de réduire la pauvreté ( pour la banque mondiale ). Mais là aussi, l’occident profite de la situation. Déjà, l’on peut remarquer qu’à la tête de ces institutions, censées être internationales, se trouvent à chaque fois un européen ou un américain. Cela pourrait être négligeable si la politique de ces institutions n’étaient celles du consensus de Washington, très apprécié par Tatcher et Reagan à l’époque. Il y a encore une chose bien plus aberrante : c’est que les USA sont les seuls à avoir le droit de veto lorsqu’il s’agit de verser une aide financière à des pays en difficultés puisqu’à eux seul, les États-Unis possèdent 16,79 % des droits de votes.
 
Voici, en clair le danger, bien développé par J. Stiglitz dans son livre, prix nobel d’économie : la grande désillusion. Le FMI, pour accorder son aide financière, impose plusieurs conditions : une libéralisation rapide du commerce ( fin de droits de douane notamment ), libéralisation rapide du système financier, et privatisation des services publiques pour la concurrence. Le FMI a imposé à des pays en moins de dix ans, ce que l’occident a fait en 60 ans. Il eut donc deux résultats : les pays se sont détruits en se libéralisant trop vite ( aucune sécurité sociale, situation de monopole par les oligarques,... ) et sont donc toujours aussi dépendants de l’occident et des États-Unis ; D’autres ont refusé et se sont donc retrouvé sans aide internationale, indispensable pour beaucoup au développement du pays.
 
On peut donc dire, que la situation de contrôle des institutions internationales par les USA est utile pour la conservation de leur place de première puissance mondiale, puisque sans l’aide internationale, les pays émergents sont dépendants de l’occident et en particulier des États-Unis. Mais cela risque de changer assez vite.
 
Des idées comme un FMI asiatique :
 
La politique du FMI est de plus en plus contesté par les altermondialistes et les dirigeants des pays émergents qui ne respectent plus les conditions du FMI, quitte à ne plus recevoir les aides internationales, surtout quand le FMI a encore plus aggravé le cas de bon nombre de pays. Dans la fin des années 1990 est sortie l’idée d’un FMI spécialement asiatique. Mais ce projet a été rejeté par l’occident. Il se pourrait bien, qu’un jour ce projet ne dorme plus dans les cartons. La conséquence serait la fin du monopole américain et occidentale sur les institutions internationales et aussi la fin de la politique du consensus de Washington. Mais l’Asie a encore bien des idées devant elle.
 
La particularité des pays asiatiques c’est de ne pas dire que l’Etat est fautif dans chaque problème économique. Au contraire, les pays asiatiques ont réussi à rallier le publique de l’intérêt privé. L’Etat finance la recherche et les marchés innovants et comme c’est dit précédemment : "ce qui fait que ces pays prennent de l’avance, une avance qui sera difficile à rattraper pour les USA".
 
Alors si, l’Asie devient indépendante du FMI sous contrôle occidental et pratique une politique expansionniste, elle va sûrement prendre la place de leadership mondiale. Cela ne sera pas totalement le cas tant que les multinationales occidentales seront sur les terres asiatiques. Mais même avec cela, les USA vont être très fortement concurrencés.
 
L’avenir :
 
En conclusion, on peut dire que les USA ne sont pas à enterrer : ils ont encore une puissante économie mais sont en perte de vitesse. Les USA ont imposé leur influence sur le monde entier ce qui fait qu’ils ont une sorte de force d’attraction sur nous tous. S’ils sont certes remis en cause, ils ont aussi imprégné l’histoire et font encore marcher l’économie mondiale. Mais bientôt, les PED comme la Chine et l’Inde vont atteindre une certaine indépendance et les USA ainsi que l’Occident, auront de plus en plus de difficulté à garder leur monopole. Il y a bien sûr une chose dont on peut être certain : le XXème siècle était celui des USA, le XXIème sera celui de la Chine et de l’Inde.
 

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