Découplage entre Etats-Unis et Europe ?

par Michel Santi
mardi 25 mars 2008

La fameuse théorie du « découplage » selon laquelle l’économie européenne serait en train de s’affranchir progressivement de l’influence prépondérante de l’économie américaine semble, à première vue, irréaliste. En effet, les PIB américains et européens sont étroitement corrélés depuis trente ans et en seulement deux occasions, 1990 et 2001, l’économie de la zone euro avait-elle démontré quelques velléités à surmonter la crise ou le ralentissement en vigueur aux Etats-Unis avant de succomber à son tour...

Pourtant, alors que les exportations ne constituent que 20 % du PIB européen, l’Europe - qui n’exporte aux Etats-Unis que 12 à 13 % de ses marchandises - préférerait de loin que l’économie britannique par exemple se porte mieux car ses exportations y sont nettement plus importantes. De plus, la part des exportations allemandes vers les Etats-Unis a doublé en vingt-cinq ans, reflétant ainsi l’intensification des relations commerciales entre les deux régions.

Pourtant, l’Europe semble avoir plus d’atouts dans la crise présente du fait de la diversification non négligeable de ses exportations en direction de l’Europe de l’Est et tout particulièrement de la Russie dont la croissance devrait continuer à être soutenue cette année. Néanmoins, l’Europe devra surtout son salut à sa moindre exposition à la crise du crédit qui sévit de l’autre côté de l’Atlantique. Effectivement, les déséquilibres - pour ne pas dire les excès - financiers américains (et britanniques) sont la principale raison d’une récession qui ne touchera vraisemblablement pas une Europe où la discipline et la sobriété ont été inversement proportionnelles à l’appât du gain des établissements financiers américains ! De fait, toute une série d’indicateurs confortent cette assertion comme la très faible dépréciation des prix immobiliers en Europe comparée aux Etats-Unis, mais également un taux d’épargne zéro aux Etats-Unis par rapport à 14 % en Europe, un déficit de la balance des paiements qui est de 5 % du PIB américain alors que la balance des paiements européenne est dans l’ensemble équilibrée...

Pour autant, la configuration européenne, du fait de son hétérogénéité, n’est pas dénuée d’éléments troublants. Ainsi, alors que les prix de l’immobilier en Allemagne sont restés stationnaires ces dix dernières années, ceux en Espagne ont flambé de 200 % durant la même période. Par ailleurs, et pour reprendre un exemple concernant ces mêmes pays, la balance des paiements allemande bénéficie d’excédents massifs contrastant avec des déficits espagnols d’une ampleur inverse.

De fait, le taux de change de l’euro sera un test important pour l’unité et pour l’harmonie européennes car les membres de l’Union - et leurs politiciens - n’ont de loin pas la même attitude vis-à-vis de la très forte hausse de leur devise. Dans ce domaine, une divergence d’appréciation des responsables européens clamée trop ostensiblement pourrait s’avérer hautement nuisible à l’indépendance et à la crédibilité de la Banque centrale européenne. Il est vrai que concilier une économie italienne en queue de comète qui connaîtra une croissance de 0,5 % cette année avec une économie espagnole qui subit une dégringolade de son immobilier et avec une économie allemande dont la croissance sera supérieure cette année à 2007 relève du grand art ! Et pourtant, la politique monétaire européenne, conduite depuis Francfort, est supposée concilier et tenir compte de l’ensemble des micro-climats européens sans négliger une menace majeure - celle de l’inflation - qui touche les économies les plus dynamiques comme l’Allemagne ! Certes, le taux d’inflation européen est de l’ordre de 3,2 %, mais certains pays connaissent une accélération des prix nettement moindre.

La soupape de sécurité est et restera probablement l’euro fort - et plus fort - qui contribuera de manière non négligeable à contenir l’inflation et grâce auquel l’économie de la zone euro pourra espérer cette fois-ci éviter la stagflation dans laquelle est déjà plongée l’économie américaine. Cependant, l’Europe doit d’ores et déjà adopter des réformes structurelles radicales si elle espère distancer l’économie américaine lorsque celle-ci amorcera sa reprise...


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