Démographie et Productivité : les clés essentielles ignorées par les économistes
par hugo BOTOPO
jeudi 26 novembre 2015
Pour les économistes et décideurs politiques, la démographie est le facteur clé des équilibres futurs du financement des retraites ; et la productivité, clé de la compétivité, est liée aux nécessaires investissements et aux coûts salariaux. Ces positions n'ont qu'un air de bon sens car l'évolution de la démographie et de la productivité interagissent de bien d'autres façons sur le futur de l'économie et de l'humanité !
La COP 21, les discours sur le réchauffement de la planète et ses dérèglements climatiques oublient un facteur essentiel à savoir la croissance démographique de l'humanité dont les humains sont entièrement responsables : les combustions de produits carbonés (charbon, bois, hydrocarbures ...), les productions de méthane par les élevages de ruminants et les fermentations diverses aérobies et anaérobies, sont directement dépendantes de la population massive des humains qui aspirent à un légitime bien-être. Les pays du Nord, développés et gros producteurs de gaz à effet de serre, du fait de leurs consommations excessives par habitant, sont minoritaires dans la population mondiale. Les pays du Sud, regroupant une grande partie de la population mondiale, ont une consommation actuelle très faible par habitant et une consommation globale importante et croissante du fait de leur population de plus en plus nombreuse ; elle sera, en outre, de plus en plus élevée du fait de leur légitime aspiration à une amélioration de leur niveau de vie lié à une croissance de leur consommation d'énergies. D'ici à 2050 les projections de la population mondiale vont de plus 15% à plus 30% sans émouvoir les experts du GIEC et les politiques de l'ONU : ils se contentent d'appeler à une forte réduction des émissions globales de gaz à effet de serre. Le facteur croissance démographique est volontairement ignoré !
Si au Nord, il est possible d'améliorer le bien-être des individus tout en diminuant la consommation des énergies fossiles en faisant appel aux énergies renouvelables -prétendues plus chères- au Sud, le dilemme -plus de bien-être et moins d'énergies fossiles- se résoudrait plus facilement avec une politique de sous-natalité conduisant à une réduction naturelle de la population. Politique qui n'est soutenue ni par les Instances mondiales, ni par les États, ni par les diverses religions ! Seule la Chine en imposant la politique de l'enfant unique -par des méthodes parfois coercitives parfois proches de crimes administratifs- a réussi à contenir la croissance de sa population à un taux faible. Une raison essentielle voulue par Deng Xiaoping était -et est toujours- la priorité accordée au développement économique. Globalement les résultats sont au rendez-vous aussi bien pour la démographie limitée que pour la très forte croissance économique.
La richesse de chaque nation, liée à l'importance de sa population et à sa croissance démographique est une idée ou un constat valable lorsque la richesse était produite essentiellement par le travail manuel et la défense de la nation assurée par le grand nombre de soldats/chair à canon opposables aux ennemis. Ce paradigme était aussi valable lors de la révolution industrielle où les bras issus des campagnes étaient transférés dans les mines, les usines métallurgiques et textiles. La première guerre mondiale a vécu l'apogée du système et la seconde guerre mondiale a débouché sur la mécanisation à assistance énergétique gage d'une croissance de la productivité : plus de production par une seule ''paire de bras'' au prix de plus de consommation d'énergies fossiles. Les ''trente glorieuses'' en France sont typiques de la transition. De nos jours la puissance militaire n'est plus liée au potentiel de soldats mobilisables du fait de la suppression du service militaire et de l'importance des technologies militaires. Toutefois le potentiel démographique avec des naissances en nombre supérieur à celui des décès reste -pour les exégètes et les analystes- un facteur essentiel pour le financement des retraites par des cotisations prélevées sur les salaires. Plus simplement, c'est le rapport entre les inactifs et les actifs qui est pris en compte, avec les inactifs limités aux seuls retraités !
La simplification répercutée dans toutes les analyses est une grave erreur !
Si effectivement ce sont les actifs, en activité et non les potentiellement actifs, qui créent des richesses pour assurer les conditions de vie des inactifs, ces derniers sont d'abord constitués des enfants et des jeunes pas encore formés professionnellement, des chômeurs ou sans travail et enfin des retraités. On peut évacuer le cas des retraités ayant ''capitalisé'' pour leur retraite, en intégrant chaque année la consommation liée au capital (prélèvement sur les comptes d'épargne, loyers économisés, rendement de produits financiers...) aux produits des actifs. C'est assimilable aux cas de retraités travaillant partiellement pour arrondir leur retraite. De plus, dans le cas de placements mobiliers et immobiliers, les ressources pour les retraités dépendent des besoins des actifs : en absence de locataires un bien immobilier est un coût pour le propriétaire !
Comme de nos jours les cotisations pour les retraites (ou les allocations de retraite) sont incluses dans des comptes sociaux rattachés aux comptes publics, il est impératif de prendre en compte les coûts publics des jeunes, de la conception jusqu'à leur arrivée dans la catégorie des actifs, vers l'âge de 18 à 25 ans. Le travail des jeunes enfants, comme lors de la révolution industrielle et encore dans certains pays du Sud, n'existe plus chez nous, heureusement. Les coûts publics (nation et collectivités territoriales) pour la santé, l'enseignement maternel, primaire, secondaire, supérieur et professionnel, les diverses allocations familiales, les éxonérations fiscales, les aides diverses, sont au moins de 200 à 250 000 euros par jeune. Ces coûts sont comparables si ce n'est supérieurs à ceux des retraités ! Donc le rapport actifs sur inactifs doit inclure les jeunes dans les inactifs ! Aux dépenses publiques il convient d'ajouter les dépenses privées des familles pour la nourriture, le logement (plus grand), l'habillement, les loisirs, les transports et communications (internet et smartphones...)... Ces dépenses sont comparables avec les dépenses de santé des retraités couvertes par la Sécurité Sociale insuffisamment compensées par les cotisations de CSG et RDS sur les retraites et revenus annexes des retraités.
L'influence du nombre de chômeurs et de leurs coûts n'est pas pris en compte car c'est surtout la résultante de décisions politiques, économiques, financières et sociales. De toute façon le nombre d'actifs ''réels'' en est affecté.
Évaluations du rapport ACTIFS / INACTIFS en fonction du taux de fécondité des femmes
Les évaluations sont réalisées pour 4 taux de fécondité (1 ; 1,5 ; 2 ; et 4 E/F ) , pour 2 âges de départ à la retraite ( 60 et 70 ans ) et pour 2 modes de maternité (précoces vers 20 ans (pays du SUD) et repoussées vers 30 ans (pays du NORD)).
Dans les différents cas, la jeunesse inactive en formation va de 0 à 20 ans, et la fin de vie est calquée sur une espérance de vie de 80 ans.
Pays du SUD : rapport A/INA (Actifs/INActifs) selon taux fécondité et âge départ retraite
0________20________40________60____I____80
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taux fécondité : ---------------1 E/F -----------1,5 E/F--------- 2 E/F--------------------- 4 E/F
A/industrielle à 60 ans--------- 0,67------------- 0,92 -----------1,0 ----------------------- 0,67
A/industrielle à 70 ans -------- 2,0 --------------1,97------------1,67----------------------- 0,76
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Pays du NORD : rapport A/INA selon taux fécondité et âge départ retraite
0________20____I____40________60____I____80
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taux fécondité : ------------------ 1 E/F ---------1,5 E/F -------- 2 E/F--------------------- 4 E/F
A/industrielle à 60 ans -----------0,7------------ 0,9 -------------1,0------------------------1,0
A/industrielle à 70 ans -----------1,83-----------1,8--------------1,67----------------------1,22
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L'analyse de ces deux tableaux :
- confirme une seule affirmation de bon sens, à savoir qu'augmenter l'âge de départ à la retraite améliore nettement le rapport Actifs/INActifs,
- montre que pour 2 E/F l'âge de la procréation n' a pas d'influence sur les rapports A/INA,
- montre des valeurs A/INA très désavantageuses pour 4 E/F typique des familles nombreuses du fait de l'incidence du grand nombre d'enfants : c'est le cas pour de nombreux pays du SUD (surtout en Afrique) où la charge des INActifs freine leur développement,
- montre que pour une retraite dès 60 ans les rapports A/INA sont trop faibles d'où une trop forte charge pour les actifs ; dans ce cas le moins mauvais rapport serait pour 2 E/F,
- montre que pour une retraite dès 70 ans les valeurs de A/INA sont meilleures pour 1,5 E/F ou 1 E/F que pour 2 E/F. Ainsi, en période stabilisée, l'Allemagne (1,4 E/F) est dans une meilleure situation que la France (2 E/F) !
Confrontation avec les évolutions réelles : IMPACT de la PRODUCTIVITÉ
L'analyse selon le modèle simplifié dégage des tendances. Dans le monde réel il y a des écarts et des évolutions.
La productivité est liée à la capacité de produire des biens matériels et des services par unité de temps de travail (heure, journée, année) et par individu actif. Pour ce qui concerne les biens matériels la croissance de la productivité est importante avec l'industrialisation, l'automatisation et la consommation d'énergie : la part travail humain diminue dans chaque objet fabriqué. Pour les services, le secteur tertiaire, les gains de productivité existent aussi (influence de l'informatique) mais ils ne sont pas aussi sensibles et parfois ''improductifs'' : ''pondre'' des réglementations administratives pour mieux percevoir la marche des entreprises s'avère souvent consommatrices de temps ''perdu'' pour tous ceux chargés de trouver des réponses et parfois de les justifier ! Cependant il existe un domaine où sa productivité agit fortement sur la démographie et son évolution : c'est le domaine des activités de santé. Cette productivité du corps médical et des industries de santé se manifeste de la conception jusqu'à la fin de vie, dans toutes les phases de la vie.
La baisse de la mortalité infantile, de la conception aux premières années de vie, est sensible dans tous les pays. Elle est due à une meilleure hygiène et à l'assistance médicalisée (professionnels et médicaments) et aussi à une meilleure alimentation des mères et jeunes enfants. Cette réduction de la mortalité infantile augmente la démographie à nombre égal de naissances.
De plus les progrès constants de la médecine, de l'hygiène, et des conditions de vie allongent la durée de vie des humains, aussi bien pour la vie globale que pour la vie en bonne santé. La mortalité diminue pendant la jeunesse et pendant la vie active. Depuis des décennies le gain en espérance de vie est d'une année de vie supplémentaire tous les quatre ans ! Cette "productivité" permet d'avoir moins d'enfants tout en conservant une même production et en repoussant dans une moindre proportion l'âge de départ en retraite.
Les gains de productivité dans l'industrie étaient de l'ordre de 3% pendant les "trente glorieuses". Ces gains ajoutés au transfert des emplois de l'agriculture vers l'industrie, à la plus grande proportion de femmes salariées et à l'immigration, sont à la base d'une croissance supérieure à 5% l'an. De nos jours, du fait d'une grande mécanisation et automatisation, les gains de productivité sont encore supérieurs à 1% l'an : cela se traduit par l'affirmation qu'il faut une croissance d'au moins 1,5% pour créer des emplois. L'excédent annuel de naissances sur les besoins de renouvellement ne peut être absorbé par l'économie du fait d'une croissance bien inférieure à 1,5% l'an depuis la crise de 2008, d'où la croissance continue du nombre de chômeurs, et la réduction moyenne du niveau de vie : la croissance de la population, immigration incluse, étant supérieure à la croissance de la richesse nationale. Comme depuis plus de 2 décennies la natalité est d'environ 1,25% de la population totale (soit plus de 2,5% de la population active potentielle), alors que la moralité est de l'ordre de 0,9%, cela justifie les déséquilibres. Avec 1,5 E/F (enfant/femme) depuis les années 55/60 la France aurait pu maintenir la même production avec un taux de chômage considérablement réduit, sans recours supplémentaire à l'immigration. Le nombre de jeunes sans emploi, surtout dans certaines banlieues, aurait diminué, et l'insertion par le travail aurait augmenté.
L'informatisation des activités industrielles, commerciales, administratives, de services de santé.... va se traduire pendant des décennies par des gains de productivité. Il y aura donc (en plus du volant de chômeurs actuels) des personnes aptes au travail, libres pour assister les personnes âgées, sans avoir besoin de la trop forte natalité actuelle.
Confrontation avec les évolutions en cours, avec la vague de "Papy-boom"
La vague de naissances des années 50 et suivantes se traduit par un sous-emploi en pourcentage des seniors de plus de 55 ans qui vont progressivement entrer dans la catégorie des retraités. Ce transfert progressif d'années en années va enfin libérer plus d'emplois pour les jeunes. La diminution du nombre de jeunes au chômage, jeunes qui coûtent à la Nation, aux collectivités et aux familles, va compenser les allocations de retraites exigées par le nombre de retraités supplémentaires. La compensation serait fortement améliorée s'il y avait une baisse de la fécondité (objectif 1,5 E/F) et donc de la natalité en France.
L'Allemagne va aussi être confrontée avec un Papy-boom : de 1950 à 1970 les naissances étaient supérieures à 1,1 Million/an (avec une pointe de plus de 1,3 M entre 1963 et 1968) pour plonger rapidement vers 800 000 en 1975 puis décliner lentement jusqu'à 650 000 de nos jours ! Le taux de fécondité est passé de 2,21 E/F en 1969 à 1,48 en 1975 pour s'établir à 1,38/1,40 maintenant. Malgré cela la population a augmenté du fait des vagues d'immigration. En 2013 et 2014 les soldes nets de l'immigration étaient supérieurs à 300 000/an, de personnes formées aux frais des pays d'émigration. La faible natalité compensée par une forte immigration a fait économiser aux finances publiques plus de 1000 milliards d'euros, beaucoup plus que le coût de la réunification ! Actuellement l'Allemagne estime le coût de la prise en charge humanitaire de la vague de un million d'immigrés ou réfugiés (pour une première année) à 10 Mds€. Si seulement 100 000 immigrés ou réfugiés sont intégrés dans les entreprises c'est déjà une économie de 20 Mds€. Au vu de la proportion de jeunes adultes les réfugiés embauchables et embauchés, soit environ 300 000, l'économie atteindra 60 Mds€ ! Sans préjuger des arrivées en 2016, l'Allemagne a bénéficié en 2013/2014/2015 de l'entrée de un million de travailleur déjà formés. Leurs cotisations sociales vont garnir les caisses d'assurances sociales et de retraites. La vague de baby-boomers sera bien absorbée avec un âge de départ à la retraite entre 65 et 70 ans.
LE NÉCESSAIRE CHANGEMENT DE POLITIQUE DÉMOGRAPHIQUE
La croissance démographique est néfaste pour l'humanité et pour la planète, du fait de l'épuisement accéléré des ressources fossiles et de l'accroissement des pollutions et de l'effet de serre induit par certaines émissions de gaz dues aux activités humaines. La croissance de la population mondiale n'est pas un dogme ou un paradigme de bonne gestion. Revenir progressivement aux niveaux de population mondiales de 1950, puis de 1900 dans un avenir lointain, n'a rien de catastrophique, bien au contraire. Les prévisions de réchauffement climatique et de fonte des calottes glacières (Groenland et Antartique) annoncent de fortes élévation du niveau des océans et la nécessaire reconstruction de toutes les villes cotières : une population réduite permettra un transfert de la population des villes cotières inondées vers les villes de l'intérieur, si les populations globales diminuent fortement.
Un objectif de 1,5 E/F est souhaitable. Pour cela il faut revoir les politiques familiales et fiscales dans les pays du Nord. Par exemple, une forte prime de naissance et des allocations mensuelles pour le premier enfant ; ensuite une prime réduite de moitié pour le second enfant et supprimée au-delà, avec des allocations mensuelles progressant moins vite que le nombre d'enfants. La fiscalité avec les dégrèvements liés au quotient familial ne devrait plus favoriser les familles nombreuses au-delà de 3 enfants pour lesquelles le choix d'un nombre élevé d'enfants est un choix personnel du couple, comparable au choix d'une grosse voiture puissante au lieu d'une berline de gamme moyenne pour finalement un même usage. Avec la démagogie des politiques cette mesure de bon sens, à expliquer et justifier, aura des difficultés pour s'imposer.
Pour les pays du Sud, l'objectif de 1,5 E/F est toujours souhaitable et urgent. La priorité doit être donnée à l'éducation, au planning familial, à la promotion des bienfaits d'une natalité réduite sur la croissance du niveau de vie et le maintien des ressources pour les générations futures. Les moyens contraceptifs, pilules contraceptives, dispositifs mécaniques (stérilets), vasosectomie dès le troisième enfant, pilules abortives et diffusion de masse des préservatifs.
Dans l'ensemble des pays Nord et Sud, les diverses religions doivent soutenir les politiques restrictives de la natalité imposées par la survie de l'humanité et pour éviter de grandes catastrophes humanitaires (famines, guerres de subsistance, catastrophes climatiques,....).