Des paradis aux enfers de la mondialisation

par Daniel Roux
jeudi 18 novembre 2010

Pendant que le monde bascule, le théâtre politique français ne fait pas relâche. A l’affiche, Sarkozy et sa troupe, jouent les médecins de Molière. A force de saignées et de purges, notre nation s’affaiblit pendant que d’autres se renforcent.

Comme nous l’avons vu dans un précédent article, les deux principaux partis politiques l’UMP et le PS, se partagent à égalité la responsabilité de l’entrée de la France dans la mondialisation sauvage et à ses conséquences néfastes, les délocalisations massives de fabrications et de services dans des pays à bas coûts et le chômage de masse.

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/le-veritable-enjeu-politique-de-83855

Pôle Emploi totalisait 4,7 millions d’inscrits au chômage toutes catégories confondues en décembre 2009, auxquels s’ajoutent 325.000 chômeurs de plus de 57 ans « dispensés de recherche d’emploi », soit un peu plus de 5 millions chômeurs sur 26 millions d’actifs soit 19,6%. Autant de familles paupérisées prises en charge par la solidarité nationale et réduisant leur consommation.

http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1164&reg_id=0

Ce chômage massif a servi de prétexte au gouvernement pour abaisser les charges sur les bas salaires afin d’encourager les entreprises à embaucher les salariés dont elles ont besoin. Ces subventions déguisées ne font que creuser davantage le déficit de la Sécurité Sociale dont le financement est assuré principalement par un prélèvement sur les salaires.

Ce déficit organisé et médiatisé, le fameux trou, permet au gouvernement de justifier le démantèlement de la protection sociale et des structures publiques de santé, aux dépens de tous les Français obligés d’adhérer à des mutuelles de plus en plus chères et obligatoires, et au profit des assurances et cliniques privées et des médecins qui exigent de plus en plus des honoraires supplémentaires aux malades en détresse.

Pour convaincre du bien-fondé de leur politique de régression, les hommes politiques n’hésitent pas à comparer nos performances avec celles des autres pays. Or, malgré le sabotage de l’économie nationale, la situation des Français reste enviable comme le montrent les classements internationaux. Ceux-ci ont leurs limites mais ils permettent de se faire une idée objective du développement de notre nation par rapport au reste du monde.

Pour 2009, le classement sur l’indice de développement humain (IDH), prenant en compte des critères comme la santé et l’éducation, nous place au 8ème rang, avant les USA (13ème) et la GB (21ème) et l’Allemagne (22ème). Notre score est de 0.961 contre 0,971 pour la Norvège (1ère) restée sagement à l’écart de l’Union Européenne et de sa politique suicidaire.

Ce résultat remarquable est obtenu malgré la casse de l’industrie, de la protection sociale et de l’hôpital, malgré la précarité, malgré la corruption, malgré la prédation financière exercée par la classe dirigeante et malgré le gouvernement. Faut-il s’en réjouir pour nous ou s’en inquiéter pour le reste du monde ?

Notre pays est 15ème en ce qui concerne le PIB par habitant, derrière les USA et la GB. Cet indice controversé parce que sans nuance, permet tout de même quelques analyses.

78 % du PIB français sont réalisés par les services, banques, assurances, ingénierie, professions libérales, tourisme mais aussi la publicité, le marketing, le stockage et la distribution, le transport, etc..

2% du PIB sont produits par les industries primaires, extractions, pêche, agriculture.

La politique suivie par le gouvernement a réduit à 20% la part de l’industrie dans le PIB, soit environ 510 milliards d’euro soit presque autant que la totalité de nos importations.

Les importations participent à la création de richesse. Elles génèrent des emplois par les services qui y sont attachés pour leurs ventes aux clients, tels que le marketing, la publicité, la logistique, les points de distribution, les réparations, etc…

La France est le 5ème exportateur mondial. Elle exporte un peu moins qu’elle n’importe, perdant chaque année un peu plus de terrain. Le nombre des entreprises exportatrices est en baisse constante. Nos gouvernements n’ont, hélas, pas persévéré sur le chemin de la recherche et de l’innovation sur lequel l’avait engagée à grand frais le président de Gaulle. Ce dernier était un homme d’état, il ne voulait pas que la France soit réduite à son agriculture et à ses monuments.

Le commerce international est important et même indispensable pour un pays développé comme le nôtre à condition qu’il ne nuise pas aux Français jusqu’à nous détruire comme il est en train de détruire les USA.

Les échanges avec nos partenaires de l’Union Européenne sont équilibrés et représentent 60% de notre commerce extérieur. Même s’il existe encore des pays à bas coûts dans l’Union, les conditions de travail convergent vers les standards ouest-européens.

Notre principal déficit commercial en matière de biens manufacturés est dû aux importations massives provenant de pays asiatiques exploitant des quasi esclaves dans des conditions scandaleuses. Les produits chinois en particulier, inondent les rayons des plus grands distributeurs à tel point qu’il est devenu pratiquement impossible de trouver des produits manufacturés courants qui soient produits en France.

Non seulement la Chine capte nos emplois mais elle exige aussi des transferts de technologies et de savoir- faire qui sont le bien commun des Français et non pas la propriété des seuls actionnaires. « Ils nous vendront la corde qui les pendra. » avait prophétisé Deng tsao ping.

Pourquoi les riches actionnaires exigent-ils systématiquement la délocalisation des fabrications dans des pays à bas coûts. Il existe plusieurs raisons, certaines de pure logique comme la production au plus près des bassins de consommateurs ou des coûts salariaux extrêmement bas, d’autres raisons sont moins avouables.

Certaines fabrications sont robotisées et ne reviendrait pas plus chères si elles restaient en France. Elles seront tout de même délocalisées parce que le bénéfice réel qu’en tirent les actionnaires est un bénéfice dissimulé, à l’abri du fisc. Ce dernier ne se réalise pas entre le prix de revient et le prix de vente, mais entre le prix à la sortie du pays de fabrication et le prix à l’entrée du pays de vente.

Prenons un exemple fictif : Vous possédez une usine de fabrication de chaussures. Le coût de fabrication d’une paire de chaussures est de 70 €. Vous le vendez 150 € à votre client avec un bénéfice net de 10 €. Ce dernier sera taxé à 32% par le fisc, les salaires versés seront soumis à presque 100% de prélèvements obligatoires, vos revenus salariaux et par actions soumis à l’impôt sur le revenu et à la CSG. C’est le prix à payer pour vivre dans un pays développé.

Suivant les bons conseils d’un ami, vous vous adressez à une officine spécialisée. C’est facile, il y en a des dizaines qui proposent leurs services sur Internet. Celle-ci va vous trouver un fabricant en Chine qui, après un transfert des technologies et de savoir-faire, vous fabriquera une paire de chaussures pour un prix avantageux. Avant que vos chaussures ne voyagent entre la Chine et la France, l’officine aura créé 2 sociétés dans un paradis fiscal. La première société achètera vos chaussures au fabriquant chinois 15 €, la deuxième société rachètera la marchandise à la première 50 € puis la revendra à votre entreprise en France pour 55 € pour finir à 100 € sur le rayon d’un hypermarché.

Bilan de l’opération : Vous disposez d’un magot net d’impôt de 35 € dans un paradis fiscal que vous pourrez placer dans un fond d’investissement également situé dans un paradis fiscal hors de tout contrôle. Vous ne paierez pas d’impôts au fisc français autre que vos impôts sur le revenu parce que vos frais seront à peine couvert par votre marge. Vous vous épargnez les soucis de la production et, cerise sur le gâteau, vous pourrez gagner des parts de marché contre vos concurrents restés bêtement en France.

Vous aurez peut-être une pensée émue pour vos ex-salariés pointant au chômage et pour ceux de vos concurrents qui ne tarderont pas à les suivre. Il vous suffira d’écouter madame Parisot, présidente du MEDEF expliquer que « l’insécurité fait partie de la vie » et vous serez convaincu que votre stratégie est la bonne. Peu importe que votre pays fasse faillite, votre fortune vous permettra de vous expatrier si nécessaire en laissant l’ardoise à ceux qui restent.
 


C’est à peine une caricature. La raison cachée de certaines délocalisations est la fraude fiscale et la confiscation des richesses produites grâce aux facilités offertes par les paradis fiscaux.

Pour vous en convaincre, voyez le poids économique des paradis fiscaux dans l’économie mondiale à travers ces chiffres :

En 2008, 55% du commerce international ou 35% des flux financiers transitaient par les paradis fiscaux. Ils recevraient un tiers des investissements directs étrangers des multinationales et concentreraient, selon les estimations, environ 10 000 milliards de dollars d’actifs gérés, Les deux tiers des fonds d’investissement (hedge funds) seraient domiciliés dans des paradis fiscaux.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Paradis_fiscal

Vous vous dites que les états développés doivent mener une guerre sans merci aux paradis fiscaux et aux fraudeurs afin de mettre fin à ces détournements financiers qui ruinent nos nations. Vous avez cru le président Sarkozy lorsqu’il a déclaré en septembre 2009 :

« Il n’y a plus de paradis fiscaux. Les paradis fiscaux, le secret bancaire, c’est fini. »

Naïveté et incompétence ou compromission ?

Force est de constater que cette politique néfaste favorise les plus riches aux dépens des plus pauvres. Pour satisfaire la cupidité d’une minorité, les pays développés sabotent leur économie et détruisent les structures sociales sans se préoccuper des conséquences.

Quelques personnalités commencent à prendre enfin conscience du danger. Martin Bouygues est peut-être le seul patron du CAC 40 à alerter sur le danger que représente la Chine pour les nations développées :

« L’Europe, dans ce domaine, fait preuve de naïveté. Bruxelles doit donc modifier ses relations avec la Chine, sinon cette distorsion de concurrence va intensifier la machine à détruire massivement des emplois. Le préalable serait d’obtenir une réévaluation de leur monnaie face à l’euro. Le laisser-faire en l’occurrence n’est pas une solution. Il serait en tout cas inadmissible que des subventions européennes soient accordées pour des affaires en Europe traitées par des entreprises chinoises qui n’exécuteraient pas les contrats dans les conditions et les standards sociaux, économiques et fiscaux européens.

Il faut faire vite. Le phénomène atteint une vitesse et une ampleur considérables. La Chine développe à présent des produits à forte valeur ajoutée et l’Europe se fait distancer. Prenons l’exemple de la téléphonie mobile : il y a trente ans, l’Europe imposait au monde la norme GSM. Aujourd’hui, c’est un Chinois, Huawei, qui est devenu leader de l’équipement avec 60 000 ingénieurs en R&D. »

http://www.marianne2.fr/Quand-Martin-Bouygues-part-en-guerre-contre-les-prochinois_a199780.html

Il y a le feu dans la maison, comme dirait Chirac.

Ne votez plus pour vos ennemis.

 

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