Dette : les Grecs et la DeptOcracy 2e partie

par Aldous
samedi 7 mai 2011

DeptOcracy est un documentaire qui fait fureur en Grèce. Il traite de la dette utilisée comme arme d'assujetissement de nations. Une leçon à apprendre vite pour tous les citoyens de pays endettés.

Je publiais il y a peu la 1ère partie de la traduction de ce documentaire de en français.

La 1ere partie expliquait la notion de Dette Odieuse et donnait l'exemple de la crise traversée par l'Equateur et comment la notion de Dette Odieuse lui avait permis de s'en sortir au millieu des années 2000.

La suite concerne la situation actuelle de la Grèce, mais elle pourrait s'appliquer également au Portugal et à toutes les autres nations dont la dette souveraine a atteint le point de non retour, c'est-à-dire presque tout l'Occident...

Il met à jour le mécanisme de création de cette dette qui la qualifie en tant que Dette Odieuse, ce qui la rend illégitime.

C'est aussi un signal d'espoir car il apporte à cette situation inique dont la finalité est de créer un système d'assujetissement et non d'aider les pays à se financer.

Bonne lecture donc.

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En Grèce, les historiens, les économistes et les analystes débattent quotidiennement de la façon avec laquelle nous allons faire face à la dette. Il reste cependant une question que peu se posent. Le peuple grec est-il véritablement redevable de tout ce qu’on lui demande de rembourser ?

Eric Toussaint

Eric Toussaint : « La dette plus récente de la Grèce, je dirais que c’est une dette frappée d’illégalité et d’illégitimité. Alors quels sont les signes de ça ? Et bien, quand les autorités d’un pays reçoivent des pots-de-vin de la part de sociétés transnationales, et c’est le cas de Siemens, qui, avec sa filiale Siemens Hellas, a distribué de l’argent, des pots-de-vin, à des responsables, à des ministres, à des hautes fonctionnaires, depuis plus de 10 ans, pour gagner des contrats, là on peut dire qu’il y a une marque d’illégalité et d’illégitimité. Et que ces dettes là doivent être remises en cause, c’est absolument évident pour moi. »

La justice grecque s’est montrée timorée dans l’affaire Siemens et très lente dans d’autres cas de transactions passées dans le dos du peuple grec et qui ont augmenté le poids de la dette qui repose sur ses épaules.

Avec les transactions de swaps effectuées en 2001, le gouvernement a hypothéqué l’avenir afin de maquiller le présent  avec un bien meilleur bilan factice. Elle a fait artificiellement baisser la dette du pays en convertissant un prêt en Yen en Euro et en se basant sur un taux de change passé. Pour aider à faire cette cuisine, c’est Goldman Sachs qui a mis la main à la pate, empochant au passage des millions dans ce deal.

 Mark Kirk, Sénateur US (vidéo d’une commission sénatoriale) : « Je suis particulièrement concerné par le rôle joué par les institutions financières US, en particulier Goldman Sacks, qui, quand la Grèce s’est trouvé droguée au crédits, Goldman a joué le rôle du dealer de Crack. »

Nous revoilà !
Goldman Sachs et le contribuable.

L’astuce a fait illusion pendant de nombreuses années, et les élites politiques grecques ont montré qu’elles savaient récompenser leurs partenaires. Ils reprirent de nouveau Goldman Sacks comme conseillers en laissant l’ardoise aux citoyens.

Jean Quatremer, journaliste à Liberation : « La Goldman Sack a conseillé le gouvernement grec d’une main et de l’autre main attaquait le gouvernement grec. »

Le scandale est découvert en 2010. Quelques jours avant, un ancien employé de Goldman Sacks avait été nommé à la tête de l’organisme de gestion de la dette nationale grecque.

 

M. Quatremer

Jean Quatremer : « Embaucher quelqu’un qui a été chez Goldman Sacks, c’est comme embaucher un criminel pour surveiller votre maison… Quelqu’un qui est un braqueur de banque, vous l’embauchez pour surveiller votre maison. Là c’est la même chose. Effectivement il connaît bien les opérateurs et sait comment empêcher quelqu’un d’entrer dans votre maison, mais objectivement, le risque est bien plus grand qu’un jour il profite de votre absence pour tout piquer. Qu’est-ce qui me garantit que ce personnage qui est passé chez Goldman Sacks va gérer de façon optimale les affaires grecques ? »

Un bon nombre de pays critiquent la Grèce pour ses errements avec Goldman Sacks, mais ce sont les mêmes qui utilisent leurs relations avec le gouvernement grec pour fourguer leur armes et systèmes de défense au pays.

Zara Vangenkecht, porte parole de Die Linke : « Quand l’Allemagne s’est rendue compte de la position de la Grèce, il y a un an de cela, le mot d’ordre a été de ne pas arrêter les exportation d’armements allemands. La Grèce devait économiser sur les retraites, et les services publiques mais pas sur l’armement. Cela montre l’implication de certains intérêts. Le gouvernement allemand se comporte comme le protecteur des fabricants d’armes allemands et de l’industrie de l’exportation. Ils veulent que les exportation continuent en dépit de la crise. »

Danny-le-rouge

Daniel Cohn Bendit (Eurodéputé vert) : « On est quand même hypocrites ! Ces derniers mois la France a vendu 6 frégates à la Grèce pour 2 milliards et demie d’Euros, des Hélicoptères pour plus de 400 millions, des Rafales à 100 millions l’unité. Mon « espionnage » ne m’a pas permis de dire si c’est 10 ou 20 ou 30 Rafales. Ca fait presque 3 milliards ! L’Allemagne a vendu 6 sous-marins, pour 1 milliard dans les prochaines années. Mais on est complètement hypocrites ! On leur donne de l’argent pour acheter nos armes ! »

Face à l’hypocrisie européenne, des reculades coupables complètent les décisions criminelles. Toujours au prétexte du bien de la nation, cette nouvelle Grande Idée (nom d’un projet nationaliste avorté) a laissé derrière elle des friches immobilières en ruine et des dettes immenses.

l’ex ministre Voulgarakis
« Nous avions cet argent ! »

George Voulgarakis, ministre des finances (Interviewé avant les jeux Olympiques d’Athènes) : « Nous avons dépensé des sommes considérables, le double de ce qui a été dépensé à Sydney. Le cout final ne sera connu qu’a la fin des jeux Olympiques. »

C-STAN TV : « Vous avez parlé de 1,2 milliard de $ pour la sécurité. D’où vient tout cet argent ? »

George Voulgarakis : « Nous avions cet argent. »

C-STAN TV :« C’est de l’argent grec ou ce sont des fonds provenant du comité olympique ou bien encore des USA ? »

 George Voulgarakis : « Nous parlons d’argent Grec. Sans doute est-ce plus que ce que nous pouvons fournir mais il ne s’agit que de sécurité.

Ouverture des JO d’Athenes
La Grèce a mis les petits plats dans les grands, mais la foule n’était pas au RDV.

Eric Toussaint : « On a fait des dépenses somptueuses, tout à fait exagérées, payées par la population grecque, parce que pour rembourser les dettes contractés pour réaliser ses jeux olympiques, on utilise une grande partie des impôts payés par les citoyens grecs. Il est tout à fait normal que les citoyens grecs demande qu’on fasse une analyse très claire de pourquoi le budget des jeux olympiques a explosé et à quoi les dépenses ont servies. »

Les JO et les rapports avec les entreprises comme Siemens et Goldman Sacks ne représentent que la partie émergée de l’iceberg de dettes qui reposent sur les citoyens. Il existe cependant des malversations bien plus importantes qui ne concernent pas seulement la Grèce, mais tous les pays de la périphérie de l’Europe.

Constantin Lapavitsas professeur d’économie : « Toutes les règles ont elle été respectées dans les procédures aboutissant à la monétisation de la dette souveraine grecque ? Y a-t-il des conflits d’intérêt dans le rôle joué par les banques dans la vente tant sur le premier que le second marché des bons de la dette grecque ? Qui sont ces banques ? Comment et selon quelles conditions ont elles été impliquées dans ces transactions ? »

Zara Vangenkecht, porte parole de Die Linke : « Une part importante des dettes souveraines de la zone Euro est monétisée. Et cela résulte d’une politique menée à l’encontre de l’intérêts des peuples. C’est pour financer cela que les citoyens payent. » 

L’exemple de l’Equateur nous a montré que les circonstances illégales dans lesquelles la dette a été générée peuvent être dévoilées par une commission d’enquête d’économistes.

« Pourquoi ne nous dit-on pas clairement de quoi est constitué cette dette ? Quel est son montant ? Et comment a-t-elle été générée ? Et auprès de qui nous sommes endettés ? C’est pour répondre à ces questions qu’il est urgent et impératif de créer une commission aux comptes chargée de cerner précisément la nature de cette dette. C’est pourquoi je dis que nous ne pouvons nous contenter des mensonges des banques, du gouvernement ou des perroquets qui sont payés pour répéter ces discours creux. »

Mais qui va créer cette commission de contrôle ? Et comment nous assurer qu’il ne s’agira pas encore d’une énième commission parlementaire constituée des mêmes personnes qui ont généré la situation actuelle ?

Constantin Lapavitsas : « Ca ne peut pas s’agir une simple commission d’experts. Car si il ne s’agit que d’une commission d’experts nommés par le gouvernement, même il fait venir des experts étrangers, même si il y a des représentants de la société civile, il y a le danger qu’ils soient orientés. »

Hugo Arias : « Il n’y a que le peuple qui soit légitime pour demander une commission des comptes. C’est pourquoi il est primordial de sensibiliser tout le peuple pour qu’il se mobilise afin de demander cet audit. »

Eric Toussaint : « Dans la situation grecque, effectivement, comme le parti de la Nouvelle Démocratie (droite) ou le Pasok (socialiste) ont bénéficiés eux-mêmes d’avantages en endettant le pays depuis une quinzaine d’années, il est certain que ces partis voient très mal de faire un audit car leur responsabilité va être démontrée aux yeux du public. Donc ce qu’il doit se passer c’est que l’opinion publique grecque doit se mobiliser, des organisation doivent aussi se mobiliser, des syndicats, la magistrature grecque, des intellectuels, des artistes… Les gens doivent faire connaître leur avis et faire monter la pression sur le pouvoir politique. »

Depuis mars, une équipe de personnes d’horizons politiques et professionnels variés, a lancé une initiative pour la création d’une commission d’enquête chargée d’auditer la dette grecque.

Manif à Athènes

Des professeurs, des journalistes, des artistes ou des syndicaliste du monde entier ont soutenu cette initiative. La commission devra dire quelle part de la dette est illégitime et illégale et établira, en se basant sur le droit grec et international, que le peuple grec n’est pas obligé de rembourser cette part de la dette.

Cependant la décision demeure dans les mains des politiques et no des économistes. Quand bien même la dette serait légitime, aucun gouvernement na le droit d’assassiner sa population pour servir les intérêts des créanciers.

Constantin Lapavitsas : « Même si il était démontré que l’intégralité des 350 milliards d’Euros de la dette souveraine grecque étaient légitimes, ce qui ne sera pas le cas, la Grèce ne pourrait de toute façons pas l’honorer. Il faudra donc l’effacer. Si le poids de la dette impose le démantèlement des hôpitaux, de l’éducation, des routes, dans ce cas c’est le cout social qui deviendra insupportable. »

« En substance, le gouvernement dit qu’il va se mettre en  défaut de payement vis-à-vis des citoyens grecs. Je ne comprends pas comment un gouvernement socialiste, élu démocratiquement, peut décider de faire défaut à ses citoyens plutôt qu’aux institutions financières. »

« Il n’y a pas d’autre choix, dans les décennies qui viennent, que de ne pas honorer la dette car elle est basée sur le néolibéralisme. Et le comportement néolibéral était un crime contre l’humanité. »

« Personne n’a l’obligation de payer cette dette, parce que cette dette a été accumulée à travers un fonctionnement vicieux du marché. »

Constantin Lapavitsas : « Il est odieux de payer une Dette Odieuse. »

La création d’une commission d’enquête économique n’est pas une finalité. Ce n’est qu’une arme politique dans une bataille plus vaste d’une guerre où s’affrontent depuis des siècles des forces antagonistes pour la maitrise du système. Même si nous effaçons cette dette, la dette renaitra de ses centres.

Constantin Lapavitsas : « Ce sera une arme dans une confrontation idéologique et politique. La dette est une arme également. »

Eric Toussaint : « N’ayez surtout pas peur, en tant que Grecs de revendiquer vos droits dans l’UE, par rapport au gouvernement grec. C’est fondamental, c’est en se battant qu’on fait respecter ses droits. C’est pas en se soumettant au diktat des créanciers. Regardez la Tunisie, regardez l’Egypte. C’est quand une population se met en action qu’elle peur réellement changer une situation. »

Ca va péter, c’est sûr !

 

« Repoussons de nos épaules ce joug. Libérons nous du FMI. Libérons nous de la BCE, et plus généralement de cette troïka qui imposte l’inféodation économique de la Grèce. »

C’est maintenant le moment de vérité. En avant.


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