Dette publique : La gauche gère-t-elle vraiment mieux ?

par Le taulier
jeudi 13 septembre 2012

S'il est une idée, en politique, profondément ancrée dans les esprits, c'est bien celle que la gauche serait beaucoup plus dépensière que la droite et donc moins bonne gestionnaire des deniers publics. Ce préjugé est combattu avec le plus grand acharnement par la gauche. Passe encore de passer pour angélique face à l’insécurité, mais manquer de crédibilité dans le domaine budgétaire alors que la crise de la dette en Europe perdure, c'est l'équivalent d'un suicide électoral collectif pour le PS et ses alliés.

Alors des dizaines de petits soldats se sont mobilisés, du centre gauche à l’extrême gauche, pour nous répéter à l'envie ce message : La gauche gère mieux les finances de l'Etat que la droite. Leurs armes ; des tableaux et des graphiques puisés aux meilleures sources (Insee et Eurostat). Leurs terrains ; Internet et la presse de gauche ou de centre-gauche. Leurs contradicteurs ; heu !..personne, comme si même la droite avait abdiqué sur ce sujet. Et pourtant, en faisant une analyse détaillée des chiffres officiels et avec un peu de bon sens, leurs affirmations enthousiastes et péremptoires sont loin d'être corroborées.
 
Petites manipulations et grosses ficelles
 
"Les chiffres sont des êtres fragiles qui, à force d'être torturés, finissent par avouer tout ce qu'on veut leur faire dire" disait Alfred Sauvy. Nos blogueurs et nos journalistes ont bien retenu la leçon et l'applique de manière consciencieuse.Voici donc la méthode décortiquée :
 
D'abord rogner l'échantillon pour faire disparaitre les chiffres qui ne vont pas dans le sens de l'objectif recherché. Puisque la droite obtient d’excellents résultats sur la maitrise de la dette publique de 1978 à 1981, il suffit de ne pas tenir compte des années Barre et de faire démarrer le graphique en 1981 ! Par contre ne surtout pas oublier la dernière année de Sarkozy et son très fort déficit même si les chiffres ne sont que provisoires.
 
Ensuite ne tenir compte du contexte économique général que si cela défavorise vos adversaires ou décharge vos poulains de la paternité de mauvais résultats. Donc silence sur la situation économique mondiale très florissante entre 1996 et 2001, dont a bénéficié Lionel Jospin et sur la pire crise économique depuis 1929 (je déteste cette expression reprise en boucle !) qu'a subi Nicolas Sarkozy et son Premier ministre Fillon.  
 
Puis attribuer la responsabilité de la dette d'une année budgétaire sur celui qui l'a voté sans tenir compte de l'effet de la force d'inertie des décisions politiques. Quand en l'an 2000 la gauche lance les 35 heures, elle ne subira le coût budgétaire de cette mesure qu'à peine plus d'un an car en 2002 elle perdra les élections. La droite devra gérer cette mesure non-financée et donc les déficit induis pendant 10 ans. C'est ce qu'on appelle la politique de la caisse vide ! Mais le super coup de bonneteau est de ne pas contextualiser l'évolution de la dette. Pas de comparaison avec d'autres pays, en particulier ceux de l'UE ou de la zone euro, alors que des statistiques fiables et détaillées sont disponibles sur le site d'Eurostat. Pas de référence aux dettes publiques des collectivités locales, en forte croissance, dirigées majoritairement par la gauche, même si leur poids est tout relatif (tout juste 10% du total de la dette publique en 2011).
 
Une réalité nuancée
 
De 1978 à 2011, la dette publique de l'Etat français est passée de 21,20 à 86 % du PIB. La dette s'est creusée de 43,40 points de PIB pendant les 975 semaines où la droite a été au pouvoir contre seulement 21,40 points les 764 semaines pour la gauche. Le constat est en apparence sans appel. Chaque mois avec la droite au pouvoir coûte 2,32 point de PIB en dette supplémentaire contre seulement 1,46 point de PIB pour la gauche. En apparence seulement...
 
 
 
 
Quand on compare l'évolution de la dette en France avec celle de l'ensemble de ses partenaires de la zone euro (chiffres disponibles sur Eurostat depuis 1995), on remarque que globalement Bercy enregistre de beaucoup plus mauvais résultats que ses petits copains quelque soit la couleur politique du gouvernement en place, y compris sous L. Jospin même si il semble faire mieux que ceux qui le précédent et ceux qui lui succèdent. La dette relative à la zone euro n'a baissé qu'à deux reprises ; en 2006 avec De Villepin et en 2010 sous fillon. Peut-on dire que Jospin a fait mieux ou moins pire ? En fait il n'a pas fait mieux mais on lui a fait faire mieux. Qui donc s'est chargé de dicter au gouvernement de la France sa politique ? Tout simplement les fameux critères de Maastricht qui barraient la route du "Saint Graal" de l'époque, l'Euro, aux pays dont la dette publique dépassaient 60% du PIB. En 1997, année de son arrivée à Matignon, avec 59,5% du PIB la dette de la France ne laissait plus aucune marge de manœuvre à la hausse. Pour rester dans les cordes L. Jospin a dû manger son chapeau et devenir le chef de gouvernement qui aura le plus privatisé d'entreprises publiques (environ 31 milliards d'euros de recettes selon le blog Les décodeurs). Un héros malgré lui !
 
La gauche ne craint ne pas ridicule la droite la contradiction
 
La dette publique n'est que la partie immergée d'une politique économique. Si l'équilibre budgétaire s'obtient au prix d'une fiscalité pénalisante pour les plus entreprenants avec pour conséquence de les faire fuir ou de les décourager à entreprendre, c'est toute la société qui en souffre (chômage, salaire, croissance, etc.). La droite n'est pas non plus exempt de tout reproche. Le principale étant la non compatibilité de son aversion pour les hausses d’impôts et de sa pusillanimité pour s'attaquer sérieusement aux dépenses de l'Etat. Comme le faisait remarquer Pierre Bourdieu avec justesse, la différence entre la gauche et la droite n'est pas que l'une dépense plus que l'autre mais qu'elles dépensent différemment. La première préfère le social alors que l'autre choie le répressif. Le manque de maitrise de la dette n'est pas un problème de droite ou de gauche, c'est un problème du monde occidental.
 

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