Douleurama

par Gaëtan Pelletier
lundi 10 août 2009

 
Je me souviens d’une époque où des gens simples disaient, en leurs propres mots, que l’argent n’était qu’un outil, que les banques étaient des opérations de brigandages institutionnalisées et qu’on ne s’en porterait que mieux si l’État distribuait chaque mois aux citoyens un “dividende” social qui constituerait pour chacun sa juste part de l’enrichissement national. Vers demain, Pierre JC Allard, Nouvelle Société
 
Nous sommes en 19,998
 
Cette « piasse » fait penser aux pubs du parti conservateur contre M. Ignatieff. Sauf qu’elle pointe la risibilité du fait de créer, ni plus ni moins, de l’argent virtuel. Le mot « virtuel » avait un autre sens à l’époque. Puisque l’argent était relié à une certaine « réalité ».
 
Après avoir élu 26 députés au fédéral, le Crédit Social du Canada avait grugé une partie importante de l’électorat. On émit donc cette pièce de « monnaie », « Refusée au porteur », nommée « une douleur ». Et on la répandit partout. Ça se passait dans les années 60 ou début70. Vous pouvez lire sur la « piasse » : Ottawa 19,998. Ce qui reportait très loin une théorie… Aux calendes grecques, si on veut… Vers demain est devenu « vers l’impossible ».
 
Distribution de la richesse
 
À l’origine, le crédit social était une théorie économique développée par l’ingénieur écossais Clifford Hugh Douglas. Le nom « crédit social » dérive de son désir de faire que le but du système monétaire (crédit) soit l’amélioration de la société (social).
 
Il a depuis été soutenu par nombre d’économistes dont le seul prix Nobel Français d’économie Maurice Allais qui dénonce une économie basée non pas sur l’argent réel, mais l’argent dette (on crée de la monnaie avec du crédit – dette, amené à disparaître au fur et à mesure de son remboursement). Le crédit social est aussi appelé dividende universel, dividende social ou, de façon sans doute plus adaptée, dividende monétaire. Philosophie créditiste
 
La richesse devait être distribuée… Elle le fut. On sait maintenant que les riches se la distribuent entre eux.
 
L’hyper crédit social : l’économie sur un fil de fer
 
Aujourd’hui, on est plus malins… Et plus hypocrites. Et ce savant de la science de l’économie est plus qu’habile : les contorsions et les ballets pour maintenir en vie une économie réussit à nous éblouir en marchant sur un fil invisible de New York à Shanghai… Une toile d’araignée, une toile de dettes…
 
Le show est beau… En autant que les pirouettes ne finissent pas par un accident… Et que la tente n’écrase pas les spectateurs…
 
***
 
Réal Caouette était pointé comme une sorte de Jacques Clouseau, inspecteur des séries de la Panthère Rose, un balourd, dans le monde de la « grande finance ». Les gens qui votaient à l’époque avaient passé par la crise des années 30, la guerre, et ils n’étaient pas instruits : on les avait formés à l’école de la terre et de la roche par une Église-usine occupée à « produire » des âmes. La misère faisait partie du péché « originel ». On les vaccinait à l’eau bénite pour qu’elles n’aillent pas en enfer. C’était l’époque où Vincent Lacroix était un personnage d’un livre de Science Fiction…
 
Et que comprenaient ces gens au mot « économie » ? Bas de laine…C’était tout de même un peu plus chaleureux que bas de gamme. Ils savaient ce qu’était un « riche ». Ils rêvaient, non pas de richesse, simplement d’une vie décente.
 
L’élito-créditisme : détournement de fonds
 
Nous vivons dans un régime “créditiste”. Évidemment, on n’a pas tout pris du “crédit social”. On a pris le crédit, mais on a négligé le social, de sorte que le “dividende” n’a pas été distribué à la population pour soutenir le pouvoir d’achat et faire tourner l’économie ; le “dividende” – la plus-value, année après année du progrès technologique – est resté sagement dans le giron des nantis et s’est soldé par une hausse météorique de la valeur des actions en bourse. (…) ! « Vers Demain »
 
On a ri longtemps de M. Couette… Imprimer de l’argent ! Ridicule ! On ne peut pas être plus ridicule qu’aujourd’hui. On ne l’imprime même pas, on l’égare dans le virtuel.
 
Le crédit social planétaire
 
Climat : 50 ans d’efforts contre la pauvreté, titrait Cyberpresse.
 
« Le véritable coût du changement climatique ne se mesurera pas en dollars, mais en millions ou milliards de vies », estime l’organisation qui appelle les pays industrialisés à s’engager immédiatement sur une réduction d’au moins 40% de leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici 2020. » Cyberpresse
 
Climat ? Et si on essayait de faire de prévisions sur les « détournements à venir » ? Le Tiers-Monde a été davantage – et l’est toujours – une source de pillage auquel s’adonnent les investisseurs internationaux. Il y a plus de pilleurs que de missionnaires. De sorte que ces pays pauvres ont été, depuis 50 ans, une source de revenus « répartis » parmi les plus rusés et les plus hypocrites. Il y a qu’il y a deux fois plus d’habitants qui souffrent de la faim depuis un an. Deux milliards… L’intérêt pour le Tiers-Monde est le premier mot de la phrase : intérêt.
 
La mondialisation est pire que le pillage géographique des puissants empires d’antan : en abattant les frontières, les richesses sont devenues privées. Mais la dette…publique.
 
Le coffre-fort des pays industrialisés étant éventré, le mot pays est lui aussi devenu virtuel.
 
Le Prince et le pauvre
 
Ce qui me rappelle un vieux livre : The Prince and the Pauper, Mark Twain :
Au temps des Tudor, à Londres, le Prince Edouard VI propose à un mendiant, Tom, d’échanger leurs vies. Chacun prend les vêtements de l’autre et en se voyant dans les habits de l’autre, ils sont surpris de constater que leur ressemblance physique est saisissante … Tellement saisissante que quand le roi vient à mourir, laissant le Prince hériter du trône, personne ne les croit …
 
Un coup de chance. Comme dans le film Slumdog Millionnaire …
 
Les pauvres du monde ne sont que des nègres de maîtres invisibles qui multiplient les compagnies à numéro. Et leurs profits vont dans des banques à numéros.
 
Les princes n’ont pas de pays… Ils se contrefichent carrément des pays et de leurs occupants. Les princes sont des scanneurs de richesse à grande échelle. Des Robin des « moi ». Robin Hood à l’envers : prend aux pauvres et donne aux riches.
 
On n’en a rien à cirer que Pablo vende sa terre pour une somme mirobolante pour lui qui ne connaît pas la valeur des devises. Après, il n’a plus de terre… Il est simplement devenu plus pauvre… Nous voilà rendus à l’ère de « l’humanisme » virtuel…
 
Comme disait M. Prix Nobel de l’économie : « Il n’y a pas de différence entre le crime organisé et l’argent organisé ». Le crime organisé a compris qu’il faut user de l’argent du crime et le transformer en valeur réelle. C’est « monnaie courante »…. Quand Pablo perd son lopin de terre, il ne lui reste rien de réel… Il a transféré son seul avoir à « l’argent organisé ». C’est ça la magie des « pouvoirés…
La douleur ne sera jamais virtuelle… La douleur des Africains et des millions d’habitants terriens partout dans le monde ne sera jamais virtuelle…
 
La grande question
 
C’est assez ignoble comme constat : depuis la « crise économique », après que les banques eurent sapé et vidé les goussets des petits épargnants, ne vivions-nous pas sur la « piasse à Caouette » ? À l’échelle mondiale ?
 
La guerre des « mondes »
 
Cette « douleur » à la Caouette ne valait rien… Pourtant, une fois utilisée dans son « idéologie » contrefaite, elle fait la fortune d’une élite crasse.
 
Alors, c’est la guerre des « mondes ». Celle où les entreprises internationales mettent main basse sur les terres agricoles. La pauvreté réelle, obligée de vendre par famine et le riche achetant par des moyens vicieux des terres où les enfants n’ont même pas de soulier pour marcher nous mène encore plus loin qu’en 19,998.
 
Il ne faut pas se leurrer. À chaque fois que nous vendons notre avoir « réel » pour un profit « excitant » à des Vincent Lacroix, ou autre placier de cinéma, nous lui donnons le pouvoir de flouer 9,200 autres petits épargnants. Et peut-être qu’avec les intérêts, il en arrive à 19,998.
 
La chose la plus dégoûtante de ce « rappel historique » est que le petit joufflu au teint ciré de Lacroix n’est rien : une puce sur la planète.
 
Les vrais escrocs, les plus dangereux, ont une « licence d’État »…
 
Les vrais floués, ce sont les pays…
 
De sorte qu’il ne faut pas s’étonner que le PIB fasse du bungee dans le grand resto qu’est la Terre, ne laissant au citoyen qu’un pourboire pour ses sueurs.
 
On aura beau se faire suer dans le jogging de la vie, nous n’aurons jamais assez d’eau pour faire le château de sable de ces gamins lunatiques.
 
On comprend pourquoi ils aiment la queue-de-pie.
 
Mais c’est bien plus expressif en anglais : Black-Tie.
 
Une grosse cravate noire qui traîne sur l’arrière-train.
 
Satan en avait une comme ça…
 

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