Du bon usage des dérivés par les investisseurs institutionnels

par Charlouss
vendredi 7 août 2009

Du bon usage des produits dérivés par les investisseurs institutionnels
Contradiction entre gestion à long terme et volatilité.
 
Cet article a pour vocation de démystifier le fonctionnement des produits dérivés, le travail des traders et de motiver un changement d’attitude des investisseurs institutionnels plus ambitieux et source de richesse pour l’économie réelle.
 En guise d’introduction, les investisseurs institutionnels dont traite cet article sont les fonds de pensions anglo-saxons, le Fonds de Réserve des Retraite, l’AGIRC-ARRCO, les caisses de retraite autonomes, les assureurs, les mutuelles, les institutions de prévoyance. Il s’agit de tous les investisseurs institutionnels à long terme. Les banques ne rentrent plus exactement dans cette définition..
 
Ces investisseurs institutionnels placent à très long terme des sommes très importantes sur les marchés mondiaux afin d’assurer la réévaluation des pensions ou des remboursement d’assurance. Souvent cité comme référence, le fonds de retraite de la fonction publique californienne – bien mal en point par ailleurs, Calpers, représente à lui seul 220 Md$. Pour se prémunir contre les risques de marché les investisseurs de ce type utilisent de plus en plus les produits dérivés et plus particulièrement les options de vente.
 
Les produits dérivés en quelques lignes
Il existe différentes familles de produit dérivés, ce qui fait leur charme diront certains.
Mais, en fait, ces produits servent -simplement parlant- à acheter ou vendre ce que l’on n’a pas encore. On parle alors d’effet de levier : avec un montant unitaire vous pouvez vous exposez sur les marché à un montant 2,3… 20 fois plus importants de gains ou de pertes à un horizon fixé à l’avance. Ces engagement sont pris à des termes, c’est-à-dire les échéances du contrat, qui varient de 1 jour à 50 ans.
 
Ces produits diffèrent entre eux entre l’aspect obligatoire de certaines opérations à terme ou leur aspect optionnel : optionnellement, vous avez le choix d’exécuter ou non l’opération d’achat ou de vente à l’échéance du contrat.
Par exemple et afin d’être concis, sur le marché des taux on trouve classiquement les produits suivants :

Les produits dérivés directionnels :
ü Forward Rate agreement : prêt commençant dans un futur proche à un taux fixé à l’avance ;
ü Swaps de taux vanille : échange entre les taux à court terme à l’avenir et un taux swap fixé à l’origine du contrat pendant x années (le tenor).
 
Les produits asymétrique ou optionnels :
ü Options de vente ou d’achat de swaps à terme : Swaptions
 
Graphiquement, l’asymétrie est patente :
 
 
Les produits dérivés directionnels sont l’équivalent financier d’investissement ou de désinvestissement en actifs obligataire et monétaire à l’avance – on emprunte simplement une somme pour se faire.
 
En revanche, pour synthétiser des produits dérivés dont le profil de gain est asymétrique, les opérateurs de marché pratiquent, mais pas uniquement pour m’éviter les cris d’orfraies des puristes, une stratégie dite de delta hedging. Fait inquiétant, cette stratégie est même de plus en plus répandue chez les assureurs mondiaux qui vendent des annuités variables – le nouveau produit retraite à la mode qui nous vient des US.
 
Pour synthétiser ces produit dérivés, le principe est simple :
ü Option de vente è L’opérateur vend quand les cours baissent pour limiter les pertes ;
ü Option d’achat è L’opérateur achète quand les cours montent.
Néanmoins, on achète toujours en retard d’un train, on accompagne la tendance en fait – stratégie momentum en langage de gestion d’actifs. Le terme technique consacré pour ce type de stratégie d’investissement est qu’on crée de la convexité pour les investisseurs en options. Un schéma est toujours éclairant :
 
 
Tant que les engagements, appelés notionnels, de ces produits dérivés restent faibles par rapport à la taille du marché, on peut penser que ces opérations d’achat / vente ne perturbent pas le cours des sous jacents – le terme dérivés vient de l’appellation produit dérivés de sous jacent, tels les indices boursiers. Ce qui au passage permet d’ailleurs de faire un prix valable théoriquement.
 
En revanche, lorsque les institutionnels investissent sur ce type de supports, les montants deviennent très conséquents :
ü On ne compte plus les opérations de couvertures des fonds de pensions anglais ou néerlandais qui ont perturbé les marchés des swaps de taux d’intérêt long terme ;
ü Afin de donner une idée des sommes en jeu, on peut citer une opération menée en 2005 par un assureurs allemand, Ergo filiale de Munich RE, sur le marché des dérivés de swaps avait un notionnel de 12,5 Md€…
 
Dès lors, les opérations de couvertures menées par les banques d’investissements pour proposer ce type de couverture font « bouger » le marché : elles perturbent le cours en les poussant dans les sens extrêmes.
En fait, ces opérations rendent les marchés plus volatiles, plus élastiques, on en revient d’ailleurs aux reproches faits aux stratégies d’assurance de portefeuille en 1987 aux États –unis : ces stratégies ne sont ni plus ni moins que du pur delta hedging.
 
De façon concrète :
 
ü Lorsque les marchés actions baissent, les options de vente poussent les traders qui ont vendus ces protections à vendre des actions pour se protéger et donc à amplifier la baisse ;
ü On peut faire le raisonnement symétrique pour les phases de hausse : les opérateurs de marchés qui ont vendu des options d’achat (les call) : ils achètent les sous jacents massivement dès lors et amplifient les hausses.
 
Pour l’anecdote, on doit se rappeler qu’à l’origine les hedge funds étaient les fonds de couvertures des fonds de pension. Cela revient à dire qu’il ne faut pas accuser les spéculateurs pour les crises récentes mais plutôt les institutionnels qui recherchent de hauts rendements et des faibles baisses, ils sont victimes de leur frilosité, appelée aversion au risques dans les milieux autorisés.
 
Le devoir institutionnels : Amortisseurs de crise
 
A mon avis, les investisseurs institutionnels doivent avoir un rôle d’amortisseur de crise, sans que cela ne nuise pour autant à leur profitabilité.
 
En effet, ces investisseurs sont les seuls à pouvoir effectuer le raisonnement inverse de la couverture :Acheter quand les cours sont « bas » et vendre quand les cours montent trop vite. C’est-à-dire, pour reprendre les termes de marchés, de créer de la concavité. C’est n’est ni plus ni moins que de la gestion à papa prônée par le sage de l’Ohama, Warren Buffet. Pour appuyer ma thèse, je signale que la holding contrôlée par Buffett, Berkshire Hathaway, a vendu en 2007 pour 4,5 milliards de dollars de puts (options de vente) sur l’indice Standard & Poor’s 500 et trois indices étrangers. Cela lui permet profiter de l’effet de levier dans un sens contra cyclique.
 
Les horizons de gestion des institutionnels leur permettent de tenir ces positions sans risquer les rachats massifs que subissent par exemple les OPCVM affichant de mauvaises performances. Cependant, ce type de stratégie est courageux et l’aversion aux risques propre à la nature humaine retient souvent les responsables de ces fonds institutionnels d’opérer sur ce mode. Ils adoptent un comportement mi figue mi raisin : ils ne vendent pas leur actifs tout de suite.
 
Normes de solvabilité et pensée unique
 
Les contraintes de solvabilité sont aussi un frein à cette approche. Pour reprendre les propos d’un assureur vie français d’envergure avec qui je travaille : nous n’avons plus de marge de solvabilité pour investir. La crise de 2008 est passé par là, les plus value latentes actions, i.e. les marge de manœuvre financières, ayant fondues les institutionnels ne disposent plus de la latitude nécessaire pour reprendre du risque de marché, c’est-à-dire investir au plus bas.
 
Or, un investisseur contra cyclique soutient les marchés de crédit en temps de crise et limite les dégâts causés par – par exemple - le manque d’analyse crédit des banques au niveau mondial. A l’heure actuelle, les banques centrales sont les seules à jouer ce rôle en réduisant la valeur de notre monnaie.
 
Pour enfoncer le clou, j’ajoute que ce manque de discernement dans la sélection des risques de crédit sub-prime a été catalysé par l’instauration des norme Bâle II qui encourage la titrisation des risques crédit.
 
Je mets donc dos à dos le régulateur – et par lui nos responsables politiques, pour sa conception à contraire à l’intérêt commun des normes de solvabilité & son manque de moyens de contrôle, et surtout les responsables des banques pour leur comportement avide et irresponsable dans cette crise des subprimes qui va coûter fort cher à l’homme de la rue.
 
Les vrais responsables de la crise actuelle sont encore à la tête des banques, ils vous préparent la prochaine crise – à moins que ce soit les assureurs ce coup ci, et je trouve que les traders ont bon dos à cause de leurs salaires faramineux et injustifiables.
 
Pour finir, je viens de lire le journal ce matin : Non Madame Obolensky les traders ne sont pas des commerciaux, mais alors vraiment pas, ce sont des ouvriers spécialisés, vous connaissez apparemment bien mal le monde bancaire.
 
 

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