EADS : « Nous avons été laxistes... »

par Aurelien
lundi 8 octobre 2007

Si l’affaire EADS ressort aujourd’hui, les éléments de ce casse de l’année sont connus depuis mai. Simplement, la presse s’est ressaisie du dossier alors que le rapport de l’AMF vient d’être remis au parquet après ces mois d’enquête préliminaire.

Espérons que Rachida Dati laissera l’instruction suivre son cours normal. Car en plus des 21 dirigeants menacés de mise en examen pour « délit d’initié » et « diffusion de fausses informations », il y a en effet un proche du président de la République, Arnaud Lagardère. Ensuite, il y a aussi 1 200 investisseurs qui ont manifestement eu connaissance des mauvaises nouvelles latentes et qui ont volé les autres actionnaires en vendant leurs titres avant leur publication. Une première association de petits porteurs s’est déjà constituée partie civile contre eux. D’autres suivront. CDC Ixis, qui s’était engagé à racheter de grosses quantités de titres (forcément à la demande de Bercy, alors que l’APE, agence de gestion des participations de l’Etat, avait recommandé dès janvier à l’Etat de liquider son stock d’actions EADS) au prix de l’époque, réfléchit à un moyen d’annuler son engagement sous la pression médiatique. Augustin de Romanet, directeur général de CDC va plus loin : "Si des agissements nuisant aux actionnaires étaient avérés, la CDC se joindrait à la procédure". En tout cas, Thierry Breton a aujourd’hui l’occasion de sortir de son placard avec cette affaire qui l’implique directement. Nous sommes tous curieux d’entendre sa version.


Pour sa défense, Arnaud Lagardère a choisi de se présenter comme un idiot plutôt que comme un escroc. L’un empêcherait-il l’autre ? La star des parachutes dorés, l’ex-président "au courant de rien" Noël Forgeard, réfute tout en bloc. Parmi les 21 responsables mis en cause, les langues commencent déjà à se délier : « Aucun des deux coprésidents exécutifs d’EADS à l’époque n’avait de compétence en matière de relations avec les marchés financiers. Ceux-ci n’ont pas été informés comme ils l’auraient dû ». Pour une entreprise du CAC 40, c’est un peu léger. Visiblement, la culture managériale du groupe n’était pas plus leur spécialité, la maîtrise technologique non plus. La gouvernance d’Etat, comme d’habitude, fait monter les meilleurs. Au moins ces responsables qui témoignent couverts par l’anonymat avouent-ils leur faute : « Nous avons été laxistes. Nous avons même commis une faute. La direction financière devait prendre des mesures conservatoires et, au minimum, bloquer toutes les demandes de cessions de titres dès septembre 2005. Personne n’aurait dû vendre en novembre 2005 et mars 2006 ainsi qu’a fortiori en avril 2006 ». Si Forgeard et Lagardère pouvaient aussi avouer pareils méfaits... Il faut dire qu’ils risquent deux ans de prison et une jolie fortune au terme de la loi.

Un délit d’initié est une affaire très grave, passible de deux ans de prisons. C’est pourquoi je ne peux qu’espérer que les dirigeants seront condamnés à des peines lourdes pour montrer l’exemple à ceux qui seraient tentés d’agir de même à l’avenir. Pour les libéraux, la meilleure régulation est avant tout judiciaire, certainement pas législative ou réglementaire. Le "laissez faire" exige le fameux "Rule of Law". Les délits qui contreviennent aux règles de fonctionnement des marchés doivent être sanctionnés avec beaucoup de rigueur. Inutile de légiférer davantage, appliquons strictement la loi. Nous retrouvons ici la distinction fondamentale entre le capitalisme, qui n’est qu’un mode de production, et le libéralisme qui est une pensée. Le capitalisme est un système qui peut prendre différentes formes et n’a rien de "moral" en soi. Le capitalisme de connivence français, le capitalisme d’Etat russe, le capitalisme sauvage chinois ou le capitalisme trop rigoureusement encadré (loi Sarbanes-Oxley, lois anti-trust...) des Etats-Unis constituent chacun un environnement économique singulier. Aucun ne satisfait les libéraux, même si leur jugement est plus sévère avec ses formes les plus choquantes. En tout cas, la gouvernance d’Etat a une fois de plus montré ses limites et ses dangers.

Pour rendre un système capitaliste plus éthique, il est nécessaire d’instaurer un cadre libéral : retrait de l’Etat des activités économiques, abolition des corporatismes et autres privilèges, ouverture des frontières, suppression de réglementations inutiles ou plus coûteuses que les gains escomptés et judiciarisation des actes frauduleux et autres délits qui violent les droits des uns au profit des autres.


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