Economie numérique : ne nous tirons pas une balle dans le pied !

par David Fayon
mercredi 17 décembre 2008

La création d’un secrétariat d’Etat à l’Economie Numérique par le président de la République est une avancée louable. Celle-ci, bien que timide, va dans le sens de l’histoire. En revanche, la taxation des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) pourrait avoir des conséquences dramatiques et des effets sous-estimés. A quoi bon nommer un ministre de la relance et à côté phagocyter la croissance de demain qui viendra en bonne partie des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) avec, il est vrai, le processus de destruction créatrice décrit par l’économiste Schumpeter.

L’Assemblée nationale a en effet voté lundi 15 décembre l’instauration d’une taxe de 0,9 % du chiffre d’affaires des fournisseurs d’accès à Internet (article de la loi sur la réforme du service public de l’audiovisuel). Cette taxe a été adoptée par 26 voix pour et 19 contre alors même que les députés sont au nombre de 577… Moins de 5 % des députés ont donc voté favorablement ! Cette taxe est destinée à financer en partie la suppression de la publicité sur les chaînes publiques.

Taxer une activité qui représente un gisement de croissance représente un mauvais calcul économique. Elle revient à « taxer la marine à vapeur pour financer la marine à voile ». Cette taxe est même antinomique avec le plan France Numérique 2012 présenté par le ministre Eric Besson. Reste à voir comment voteront les sénateurs en janvier prochain et éventuellement comment les opérateurs pourront réagir (saisie du Conseil constitutionnel, position de la Commission européenne). Dans l’hypothèse où cette taxe se confirme, il conviendra de voir si les opérateurs la répercutent auprès des clients, s’ils ne revoient pas à la baisse leurs investissements dans les infrastructures notamment en matière de fibre optique. En France, le taux d’équipement en haut débit avec le succès de l’ADSL est bon (94 % des accès à domicile) mais le très haut débit prend du retard.
 
On pourrait se dire que 0,9 % n’est rien. Mon propos est de montrer, au-delà de cet affichage symboliquement sous les 1 %, que ce montant est colossal. Ces 0,9 % portent sur le chiffre d’affaires de l’entreprise ! Or une entreprise qui dégage 2 à 3 % de résultat net – ce qui dans un contexte de crise n’est pas gagné d’avance à moins de s’appeler Microsoft ou Google – se verrait confisquer près la moitié de ses bénéfices. Les salariés en pâtiraient, de même que les actionnaires et les investissements futurs. Tout un pan de l’économie serait alors affecté (les équipementiers télécoms sont pour certains comme Alcatel Lucent moribonds) sans même parler en amont de la mesure qui occasionnera des manques à gagner pour les industries publicitaires du petit écran. Cette mesure est donc une bombe à retardement pour les fournisseurs d’accès à Internet (Orange, Free, SFR et les autres) qui utiliseront leurs moyens de lobbying pour faire pression sur le gouvernement pour que la copie soit revue voire abandonnée.
 
Il appartient aux internautes citoyens de générer du buzz sur la toile et d’alimenter la réflexion car, alliés aux FAI, ils pourront exercer une certaine pression démontrant le caractère nocif de la mesure.
 
Monsieur le Président, il est grand temps de prendre l’économie numérique sous toutes ses formes (les FAI n’étant il est vrai qu’une partie de celle-ci) au sérieux. Le nouveau président américain Barack Obama a gagné son siège grâce à Internet. Il en sera de même en France en 2012. La politique économique de notre pays doit être bienveillante à l’égard des nouvelles technologies et des industries naissantes. Les majors d’Internet sont toutes américaines : Google, Microsoft, Amazon, Yahoo, eBay, ce qui amène à réflechir. Alors que la France est au 14ème rang au sein de l’Europe des 27 en matière de connexion à Internet à domicile, agissons donc dans le sens de la croissance !
 

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