Essor de l’e-learning : pourquoi ne parle-t-on jamais de qualité ?

par Godefroy Picart
jeudi 27 février 2014

Les points de vue d’experts sur le marché de l’e-learning en France se multiplient dans la presse et autres média depuis des années. Nombreux sont ceux qui annoncent une explosion imminente du marché, d’autres argumentent les multiples avantages des formations à distance ou des solutions mixtes (blended learning), certains spéculent sur le succès des Massive open online courses (MOOC), les plus connectés vantent les mérites du mobile learning sur tablette ou smartphone.

Paradoxalement, les principaux intéressés de ce débat en sont quasiment absents. S’expriment publiquement au sujet de l’e-learning les éditeurs de contenu pédagogique à distance, les organismes de formation intégrant ce type de contenu dans leur offre, les pouvoirs publics souhaitant afficher une volonté de modernisation de l’enseignement. Il arrive également qu’un DRH ou responsable de formation saisisse l’occasion de communiquer sur le déploiement au sein de son grand groupe d’un nouveau programme de formation à distance.



Quid de l’avis des personnes en charge de la formation dans l’immense majorité des entreprises françaises, qui n’ont pas les moyens de s’offrir des programmes d’e-learning à quelques centaines de milliers d’euros ? Quel est leur point de vue sur la formation à distance, à commencer par ce qui leur est accessible, à savoir les modules d’e-learning « sur l’étagère » que proposent les organismes de formation en les adossant de plus en plus souvent à des sessions en présentiel ou à des séances de tutorat ?

En tant que courtier en formation professionnelle, nous interrogeons nos clients, pour chacun de leurs besoins, sur leurs souhaits en matière d’ingénierie pédagogique. Nous sommes surpris de constater que, quasi systématiquement, toute forme d’enseignement à distance est balayée d’un revers de main.

Qu’il s’agisse d’entreprises très traditionnelles ou bien de sociétés friandes de modernité et de technologie, la crainte de nos interlocuteurs en charge de la formation de leurs collaborateurs est qu’un module à distance, si bien conçu soit-il, ne puisse égaler une formation présentielle ni en matière de disponibilité et motivation des stagiaires, ni d’animation et interactivité, ni de spontanéité et richesse des échanges entre participants et avec le formateur, ni de personnalisation de contenu et ancrage des compétences acquises. La notion de suivi des stagiaires par le formateur semble également perdre de son intérêt lorsque ces derniers n’ont pas été réellement en contact.

Ce constat ne remet pas en question l’augmentation plus que probable des parts de marché de l’e-learning dans les prochaines années. Cela est d’autant plus prévisible que la réforme en cours d’adoption au Parlement supprime à compter de 2015 la cotisation obligatoire de l’employeur de 0,9% de la masse salariale au titre du financement du plan de formation. Les entreprises en quête de rationalisation auront dès lors une nouvelle raison de s’intéresser de près aux économies que peut indéniablement générer le recours à la formation à distance.

Mais notre expérience de terrain nous laisse penser que cette tendance ne devrait toucher qu’à la marge les achats de formation par les entreprises soucieuses de maximiser leurs investissements en termes de compétences acquises par euro dépensé : la qualité leur parait indissociable de la présence physique du formateur auprès des stagiaires. Or, ces entreprises sont les acteurs économiques les plus directement concernés par la qualité des formations. C’est certainement parce qu’elles ne se projettent pas dans ce format d’apprentissage que la notion de qualité est étonnamment peu abordée dans le débat sur l’essor de l’e-learning en France.


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