Faut-il nationaliser les banques ?

par Pierre Alain Reynaud
mercredi 14 septembre 2011

Au moment où la crise s'intensifie, les banques vacillent.

Que deviendra notre argent ? Courons-nous des risques ? Ne faudrait-il pas envisager la nationalisation des banques ?

Autant de questions qui nous préoccupent aujourd'hui et tès certainement ... demain ! 

Depuis la fin du mois d’août, les banques européennes ont perdu pratiquement la moitié de leur valeur en bourse. Dans cette immense tourmente financière, elles sont devenues les cibles de la spéculation. Bien évidemment, une telle situation était à prévoir en raison d’un Europe criblée de dettes depuis de longues années.

Dans de telles conditions, les investisseurs se posent de nombreuses questions, et se demandent notamment si les établissements bancaires qui possèdent énormément d’actions, pourront faire face en cas de faillite d’une ou de plusieurs nations européennes, telles la Grèce, l’Espagne, le Portugal et maintenant l’Italie, pour ne citer que les principaux Pays de l’Union en difficulté.
 
A l’heure d’aujourd’hui, il est devenu pratiquement certain que l’Etat grec va se retrouver d’ici quelques jours voire quelques semaines dans une faillite inévitable, tant son endettement est devenu astronomique.
 
En résumé, la menace de la crise bancaire réapparait, avec en fond de décor une nouvelle récession alors que la croissance est quasiment nulle, que ce soit sur le continent européen ou aux Etats Unis.
 
La certitude est que personne n’arrive à plus gérer les tensions croissantes qui survolent la planète, et même Christine Lagarde Directrice générale du FMI à qui on peut attribuer objectivement une certaine compétence, ne parvient pas à maîtriser par ses propositions, la colère de nombreux politiques européens comme celle de la plupart des banquiers. Il faut dire que le Fond Monétaire International a commis des erreurs dans ses calculs, en particulier en estimant ces jours derniers à 200 milliards d’euros le besoin de recapitalisation des banques européennes, si ces derniers devaient comptabiliser leur exposition au risque souverain de six pays dans la détresse, à savoir : la Grèce, l’Irlande, le Portugal, L’Espagne, l’Italie et la Belgique. En réalité, le FMI ne parait plus sûr du tout de ce montant.
 
De son côté, pour calmer les esprits, Laurence Parisot, patronne du MEDEF clame tout haut une phrase sur laquelle on peut avoir de sérieux doutes : « Nous avons les banques parmi les plus solides du Monde » a-t-elle déclaré en appuyant son argumentation sur les fameux « tests de résistance » menés en juillet sur les banques européennes ? Et quand on sait que ces résultats très optimistes ont été obtenu par un calcul savant qui évitait certains critères importants, on peut se poser des questions comme l’on fait aujourd’hui de nombreux économistes qui remettent en cause la véracité de ces tests.
 
Quoi qu’il en soit, chacun y va de son commentaire, optimiste ou pessimiste, selon les humeurs, les orientations ou les convictions des spécialistes de la crise. Mais dans les faits, il faut admettre sans pour autant voir l’avenir en noir, que la majorité des banques de l’Europe sont en très mauvaise passe. C’est ainsi que certains établissements bancaires ont de graves difficultés pour se refinancer ; elles sollicitent des rallonges de la Banque Centrale qui les acceptent pour éviter si possible le « remake » de la crise financière de 2008, période où les banques très prudentes ne se prêtaient plus, le tout entraînant alors un crédit rare et une douloureuse récession.
 
Et puis, souvenez-vous … Voici trois ans, la Banque Lehman Brothers avait fait faillite. De cette déroute, il faut tirer maintenant une véritable leçon, et donc apporter des réponses afin de résorber la montagne de dettes souveraines qui menace une fois de plus de déstabiliser l’économie de la planète.
 
Et le Monde n’a pas besoin de cela !...
 
Déjà en 2009, certaines banques avaient été nationalisées en Grande Bretagne comme aux Etats-Unis. Mais à défaut de règles très précises et astreignantes, la moralisation de la finance n’avait pas eu lieu.
 
A l’heure actuelle, il faut impérativement réagir et prendre les mesures qui s’imposent.
 
En conséquence, il faut rapidement nationaliser l’ensemble du secteur financier. Et tout au moins, le temps de restructurer les dettes publiques à l’échelon européen et de moraliser les pratiques bancaires.
 
C’est l’avis de Jacques Attali qui a expliqué sur le site du Washington Post que « la question de la nationalisation mérite d’être posée ».
Par ailleurs, Marc Fiorentino, banquier d’affaires, estime sur Nouvelobs.com « qu’il faudrait que le G20 décide d’une grande conférence mondiale pour restructurer la dette publique ».
 
Cette conférence devrait imposer l’obligation de retrouver un équilibre budgétaire en trois ans, et considérer le déficit comme illégal. Ici encore, de telles mesures supposent la nationalisation des banques pendant au moins 3 ou 4 ans, et de réaliser ce qu’on aurait dû faire d’ores et déjà en 2008 au lieu de les renflouer sans aucune contrepartie : en quelque sorte interdire aux établissements bancaires les activités de marché et les concentrer sur leur métier initial à savoir, le prêt d’argent aux entreprises et aux particuliers.
 
Bien évidemment, il n’existe aucun remède miracle pour se relever d’une crise financière sans précédent. Et la seule solution possible se dessine donc dans la nationalisation du système bancaire. C’est d’ailleurs ce qu’ont compris les politiques (en particulier ceux de gauche) qui prônent chacun à sa manière et avec certaines nuances un projet où la puissance publique possède les moyens de contrôler l’ensemble des établissements bancaires.
 
De toutes ces réflexions émanant des spécialistes de l’économie ou de la classe politique, je retiendrai volontiers les argumentations de Jacques Généreux qui considère que toute recapitalisation par la puissance publique devrait s’accompagner d’une prise de contrôle de l’Etat afin de préserver le rôle de financement de l’économie des banques.
 
« Il faut mettre dit-il, les finances publiques à l'abri des marchés, des flux spéculatifs et des agences de notation, en interdisant le financement des banques sur les marchés mondiaux ou bien en créant un pôle public bancaire finançant les biens publics et les investissements des collectivités territoriales ».
 
Ainsi pour l'économiste, nationaliser les banques serait la solution la plus simple pour restructurer l’ensemble des dettes.
 
Epilogue
 
A cette heure, en évidence, nous ne pouvons connaître le dénouement de la crise. Il faut savoir simplement que les Etats Européens plutôt à droite dans leur majorité, ne sont pas très ouverts pour étudier prochainement un quelconque projet de nationalisation.
 
Il est donc probable qu’un autre scénario de sortie de crise soit envisagé : en particulier, celui d’un passage d’éponge par la Banque Centrale Européenne qui face au risque systémique, reprendra sur son bilan le gros de la dette des souverains insolvables. Dans ce cas spécifique, c’est la BCE (donc le contribuable in fine) qui paiera la note. Certes, les banques seront sauvées, mais ce sauvetage sans conditions imposées, les encouragera dans l’idée que tout est permis.
 
Ce dernier scénario inquiète largement les économistes qui pensent avec certitude que rien ne changera dans le comportement des banquiers, avec sans aucun doute à l’horizon, le spectre d’une prochaine crise.
 
Pierre-Alain Reynaud

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