Faut-il se réjouir du retour de la Grèce sur les marchés ?

par Laurent Herblay
samedi 12 avril 2014

« La Grèce fait un retour triomphal sur les marchés  » : les Echos présentent l’emprunt souscrit par Athènes comme un « énorme succès  ». Une vision superficielle et caricaturale des choses, tout juste modérée par l’infographie qui rappelle un peu l’horreur que le pays traverse depuis 4 ans.

L’arbre devant la forêt
 
Bien sûr, les analyses à courte vue soulignent que le pays n’avait pas pu emprunter sur les marchés depuis quatre ans et que l’offre a été sur-souscrite six fois par les marchés. La Grèce a donc réussi à emprunter 3 milliards d’euros à 4,95% à 5 ans, une forme de « retour à la normal ». Mais l’infographie du journal apporte une perspective différente : taux de chômage passé de 8 à 27%, dette publique passée de 100 à près de 180% du PIB, doublement du taux de suicide, envolée des nouveaux cas de sida… Bref, il serait bon de mettre en perspective cette information avec l’horreur que traverse le pays depuis 4 ans, qui pourrait bien demain être qualifiée de véritable crime contre l’humanité
 
Sur son très recommandable blog, Jean-Claude Werrebrouck y voit trois gagnants  : les banques, qui vont empocher des sommes rondelettes avec un minimum de risques, Bruxelles et les dirigeants grecs qui peuvent afficher ce retour sur les marchés comme une preuve du succès de leurs plans… Mais l’essayiste souligne justement que les perdants seront les citoyens grecs, qui vont devoir payer les charges tout en supportant encore une monnaie bien trop chère qui a laminé son industrie (et donc l’emploi), poussant le pays dans une véritable déflation pour relancer sa compétitivité. Il rappelle aussi le caractère illusoire de ces dettes : qui peut croire qu’Athènes pourra les rembourser ?
 
Un esclave qui change de maître

Cette introduction amène plusieurs remarques. D’abord, que les plans européens pour Athènes, Lisbonne ou Dublin n’étaient pas des plans d’aide aux pays mais bien à leurs créanciers. Sans l’intervention de la troïka, ils auraient perdu beaucoup plus et auraient du affronter plusieurs défauts sévères. Cependant, la situation grecque est absolument intenable  : comment le pays pourrait-il honorer une dette publique de plus de 170% du PIB sans croissance ni inflation pour en réduire le poids ? En fait, cette introduction bénéficie de la subvention implicite de l’UE, les investisseurs partant du postulat qu’elle aidera Athènes à régler la facture pour éviter que la tour de babel monétaire ne s’effondre.

Ce faisant, l’impression que donne cette levée de fonds, c’est que la Grèce a seulement changé de maître. Après avoir été l’esclave de l’UE (qui lui a refusé un référendum sur les plans puis poussé à un changement de premier ministre), elle change juste de maître en devenant à nouveau dépendante des humeurs des marchés. Cela pose un double problème. D’abord, comme l’UE protège les marchés, cela signifie que le pays est toujours saigné pour ses créanciers. Ensuite, cela rappelle que le pays n’a plus de banque centrale, moyen d’échapper à la tyrannie financière et d’alléger la facture pour le peuple, par la monétisation de la dette publique, comme cela se fait presque partout.
 
Ce retour de la Grèce sur les marchés n’est en aucun cas le signe que la situation va mieux en Grèce. D’abord, l’état du pays et de la population s’est profondément dégradé en 4 ans, comme le rapporte le Monde. Mais, pire, rien dans les décisions récentes ne lui permettra de se redresser.

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