Fermeture de Fessenheim : la solution passe par la révocation immédiate du PDG d’EDF

par Stéphane Lhomme
mercredi 28 novembre 2012

Mercredi 28 novembre 2012
Par Stéphane Lhomme
Directeur de l'Observatoire du nucléaire

http://www.observatoire-du-nucleaire.org

Des voix s'élèvent ces jours-ci pour prétendre que, pour des raisons juridiques, la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim serait difficile, voire impossible, à mettre en oeuvre . En réalité, cette affaire peut être immédiatement réglée par la révocation du PDG d'EDF, Henri Proglio. A moins que M. Hollande n'ait finalement pas très envie de respecter sa propre promesse...

Les débats actuels sont surréalistes : les uns tentent de montrer que le Président de la République n'a tout simplement pas le droit de décider de la fermeture d'une centrale, d'autres prétendent qu'il faut pour cela qu'une loi soit votée par les parlementaires.

Certains énumèrent les cas qui peuvent permettre au gouvernement de décréter une telle la fermeture, par exemple du fait d'un risque imminent ou d'un changement officiel de politique énergétique.

André-Claude Lacoste, désormais ex-président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), s'enhardissant à quelques jours de son départ à la retraite, s'est lui aussi mêlé aux discussions, mettant en doute la possibilité du gouvernement de pouvoir fermer la centrale avant 2017.

D'aucun enfin estiment que la fermeture de Fessenheim, si elle est imposée par le pouvoir politique, obligera l’État à verser de lourds dédommagements à EDF. D'ailleurs, on nous dit qu'une véritable fronde est menée contre cette fermeture, et que le leader des opposants n'est autre que le PDG d'EDF, Henri Proglio.

Tout ceci est proprement surréaliste, la solution à cette affaire étant d'une simplicité enfantine : il suffit que ce soit l'entreprise EDF elle-même qui décide de fermer la centrale de Fessenheim. Dès lors, plus besoin de loi, de dédommagements, de circonvolutions.

Le PDG d'EDF n'est pas disposé à prendre lui-même cette décision ? Et bien il doit illico être remplacé par une autre personne, choisie certes pour ses compétences mais aussi parce qu'elle s'engage à décider dès sa nomination de la fermeture de la centrale en question.

Car, tout de même, la légitimité de M. Proglio pour être à la tête d'EDF est absolument nulle : il a été placé là par son ami M, Sarkozy lequel, chacun s'en souvient, a été congédié lors de l'élection présidentielle.

Et qu'on ne nous dise pas qu'il est impossible de mettre subitement un terme au mandat du PDG d'EDF : interviewé par Reuters, le 18 novembre, M. Proglio a lui-même reconnu que l’État pouvait le remercier à tout moment, ajoutant clairement : "Vous savez quand vous êtes actionnaire à 85%..."

Il est évident que M. Hollande a tous les moyens, officiels et officieux pour débarquer M. Proglio et faire en sorte que soient engagées immédiatement un certain nombre d'opérations de démantèlement de la centrale.

Bien sûr, il faudra des années, voire des décennies avant de s'attaquer aux réacteurs proprement dits. Mais il est d'ores et déjà possible, et a fortiori d'ici fin 2016, de supprimer divers bâtiments qui sont dits « annexes » mais sans lesquels l'exploitation de la centrale devient impossible.

Il nous faut aussi évoquer la « porte de sortie » qui pourrait permettre à M. Hollande de voir sa promesse mise en œuvre... sans avoir à l'assumer politiquement, et à M. Proglio de s'y conformer... sans pour autant s'y plier : l'ASN exige, pour que la centrale de Fessenheim continue à fonctionner, que certains travaux (lourds et chers) soient effectués avant juin 2013.

Il s'agit en particulier du renforcement du radier, la dalle de béton sur laquelle est posée la centrale : sans jeu de mot, ce n'est pas une mince affaire.

Si ces travaux s'avéraient subitement – et opportunément ! - trop difficiles à réaliser, ou trop chers pour une centrale devant théoriquement fermer « fin 2016 » – la Cour des comptes est d'ailleurs saisie à ce sujet - alors la fermeture de la centrale serait décrétée par l'ASN. Ce ne serait politiquement pas glorieux pour M. Hollande, mais cela lui enlèverait une sacré épine du pied.

Cependant, à ce jour, EDF a décidé de faire ces fameux travaux, compromettant d'autant l'hypothèse d'une fermeture prochaine de la centrale.

Si M. Hollande ne prend pas au plus vite les décision qui s'imposent, à commencer par la révocation de M. Proglio, et l'annulation des travaux prévus, ce sera la confirmation de ce l'annonce de la fermeture de Fessenheim n'est qu'un leurre.

En effet, « fin 2016 » se situe juste avant la prochaine élection présidentielle : il est clair qu'un changement de majorité en 2017 aboutirait assurément au « sauvetage » de la centrale. Même M. Hollande, en cas de réélection, pourrait changer d'avis : il lui suffirait d'arguer d'un contexte différent, rien de plus facile pour un politicien professionnel.
 

C'est en ce moment que se joue l'avenir de la centrale nucléaire de Fessenheim, avec en toile de fond la prééminence du lobby nucléaire sur le politique. M. Hollande cèdera-t-il devant M. Proglio ?

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