Fiscalité, pour quoi faire, et comment y voir clair ?
par Retorix
jeudi 18 mai 2006
Taxe Tobin, TVA, éco-fiscalité, prélèvement à la source, impôt sur les personnes physiques, impôt sur les sociétés, impôt sur les grandes fortunes, impôt sur les successions, CSG... Comment débrouiller tout cela, et essayer d’y voir clair ? Bien sûr, on pourrait, d’une phrase, répondre à cette question et clore ainsi le débat. C’est ce qu’a fait Jean-François Kahn, lançant en boutade, lors d’une émission politique : « Résoudre le problème de l’impôt, rien de plus facile, que l’on impose tous les revenus, quelles que soient leur nature et leur origine, de la même manière. Un taux unique. » Il est certain que cela pourrait paraître simpliste, et pourtant, cela ne manque pas de bon sens. Mais ce serait faire fi de l’élaboration du budget qui, dans tous les Etats, fixe et détermine la manière de percevoir cet impôt. Et cette élaboration budgétaire (lois de finance, budget des voies et moyens, etc.) est éminemment politique, c’est même l’acte législatif majeur de tous les gouvernements.
Si certains impôts et taxes sont inscrits depuis longtemps dans l’inconscient collectif et relativement bien acceptés par beaucoup, il en est d’autres, bien plus nombreux, qui alimentent les débats politiques, l’actualité politique et les conversations. C’est que la matière est devenue de plus en plus complexe depuis une vingtaine d’années. Le principal facteur en est la mondialisation de l’économie et les nouvelles règles internationales de droit qui en découlent. Le GATT (devenu l’OMC (Organisation mondiale du commerce, les AMI (Accords multilatéraux sur les investissements), l’Union européenne, mais aussi la virtualisation des capitaux et leur libre-circulation, rendent toute volonté nationale de légiférer en la matière de plus en plus complexe. Tout cela aboutit à une inflation législative en la matière, qui fait dire à beaucoup de juristes spécialisés en droit fiscal qu’ils ne pourront eux-mêmes bientôt plus s’y retrouver.
C’est qu’en effet les marges de l’État sont à ce point faibles qu’il s’agit la plupart du temps pour les gouvernements d’aller très profondément dans le détail. Cela pour « corriger » les accords internationaux, signés pourtant par eux ou leurs prédécesseurs, et tenter de les rendre plus acceptables d’une part, et d’y insérer une partie de leurs programmes politiques d’autre part. Cependant, est-ce pour cela qu’un gouvernement serait autorisé à prendre ce prétexte pour ne rien faire ? Ou qu’un ministre pourrait trouver là une réponse à une question embarrassante ? C’est pourtant ce que l’on entend parfois. Or il existe des pistes, il existe des marges de manœuvre. Mais il serait vain et politiquement indécent d’utiliser ces pistes et ces marges de manœuvre dans le seul but de trouver le nécessaire équilibre budgétaire. Ce que l’on attend d’un gouvernement, c’est une vision globale, qui commanderait son action, surtout son action en matière d’imposition, et donc de budget.
TVA et emploi
On a pu lire ici, dans les colonnes d’AgoraVox, un intéressant article sur une TVA « sociale ». Bien qu’ainsi exprimée, l’idée semble difficilement compatible avec nos engagements internationaux, l’article d’Albert Mévellec reste intéressant, en ce qu’il propose une réflexion. Car pour la TVA justement, domaine où les Etats ont encore les coudées franches, sauf sous certains aspects liés à l’Union européenne, des pistes sont à creuser. Depuis le temps de la CSG de Rocard, les débats, pour n’en prendre qu’un des aspects, ont été nombreux pour faire diminuer la TVA sur les produits et services à haute intensité de main d’œuvre. La directive européenne 77/388/CEE amendée de nombreuses fois par le Conseil, dont fait bien sûr partie la France, permettait déjà une certaine souplesse en ce sens.
Tous les gouvernements nous parlent d’emplois et de créations d’emplois. On sait que 2/3 des emplois du secteur privé sont situés dans les PME et les TPE (Très petites entreprises). On sait aussi, ce sont les statistiques officielles (http://www.pme.gouv.frwww.pme.gouv.fr), que c’est dans les PME et les TPE que la quasi-totalité des nouveaux emplois sont créés. On sait aussi que c’est là que l’on trouve la production à haute valeur ajoutée « travail ». On peut aisément comprendre aussi que ce ne sont pas ces PME et TPE qui peuvent facilement délocaliser, voire pas du tout (artisanat et commerces de proximité). Qu’a fait le gouvernement ? Et qu’attend-il par exemple pour introduire un taux de TVA à 5,5% dans le secteur de la restauration (HORECA) qui le demande depuis si longtemps ? Un amendement de la directive 77/388/CEE demandé notamment par la France est passé au JO de l’UE le 14 février dernier et l’autorise explicitement. Le secteur attend toujours la baisse du taux de TVA en France.
Et ceci n’est pas à considérer uniquement parce que cela créerait de l’emploi ! Les représentants du secteur ont fait la promesse de répercuter cette baisse dans le prix, dans la formation du personnel et dans la création d’emplois. Point besoin d’ailleurs de leur promesse en la matière, car c’est dans leur intérêt bien compris, et on pourrait leur imposer de répercuter cette baisse de TVA dans le prix et l’emploi. Allons plus loin encore, dans une vision politique globale, cela signifierait aussi plus de lien social, et le maintien d’un restaurant ou d’un bar-tabac rendu plus accessible financièrement aux consommateurs modestes dans tel ou tel quartier. Ces établissements y jouent un rôle capital, au même titre que la poste ou le légumier, ou encore la gare SNCF pour les villages.
Voilà des exemples pour faire de la TVA un outil plus « social ». On pourrait trouver d’autres pistes que celles-là, et ailleurs que dans la TVA qui restera de toutes manières, c’est clair, la plus injuste des impositions. Cela nécessite avant tout une vision politique qui n’a rien à voir avec une politique budgétaire, trop souvent électoraliste. Une politique qui fait que, trop souvent, les gouvernements ont le nez dans le guidon, et nous disent : « On ne peut rien faire, c’est Bruxelles... »
[NDLR : sur le même sujet un autre article du jour sur AgoraVox]