Fonds stratégique d’investissement : plaidoyer pour un « investissement durable »

par s.legoec
mardi 6 janvier 2009

Un internaute s’interrogeait récemment sur un forum : « A quoi bon soutenir massivement les banques si leurs investissements ne soutiennent pas nos intérêts nationaux ? »… Le fonds souverain à la française instauré par le gouvernement, s’il est un tant soit peu stratégique, devrait en effet concevoir une politique d’investissement exclusivement consacrée aux entreprises dont l’activité concourt à la préservation d’activités technologiques de pointe sur notre territoire. A plus forte raison, une vision prospective de l’indépendance et de la souveraineté de la France devrait amener le FSI à promouvoir certaines « filières durables », d’où émergeront les leaders mondiaux de demain. Non pas par chauvinisme ou par activisme écologique, mais simplement par volonté de procurer au pays la sécurité d’approvisionnement énergétique, dont est tributaire toute économie nationale. Alors quelles priorités d’investissement pour 20 milliards d’euros ? Investir dans le développement durable permettrait à l’Etat de faire coup double : rentabiliser le financement de l’innovation en France, ainsi que le plan de soutien aux énergies nouvelles et renouvelables (ENR).

Investir dans une double logique de retour sur investissement public

S’il est une référence bibliographique en matière de souveraineté technologique de la France, il s’agit bien de l’étude Technologies Clés 2010 de la DGE qui recense 83 technologies conférant à leurs détenteurs, à moyen terme, un avantage compétitif durable. Exercice ô combien judicieux, lorsque l’on sait la part de l’investissement public dans la recherche, qu’elle soit fondamentale ou appliquée. Et ce sans compter sur les multiples dispositifs fiscaux et budgétaires d’incitation à l’innovation. N’oublions pas, au passage, les coûts salariaux et de formation des chercheurs et ingénieurs français. L’innovation implique un niveau d’investissement public considérable, et il est légitime d’espérer que l’Etat préserve les actifs immatériels développés par nos entreprises et nos laboratoires. Le dispositif de soutien au développement durable, pour sa part, gagnerait en cohérence à accompagner les entreprises françaises de la filière des ENR. Soutenir la diffusion et la consommation d’ENR ? Bien entendu. Autant que faire se peut, favorisons leur rencontre avec l’offre française, gage de création d’emplois et d’indépendance énergétique !

Les technologies françaises : constat et enjeux

Comparativement à l’Allemagne, la France semble avoir accumulé un certain retard, notamment dans les énergies éolienne et photovoltaïque. Une explication majeure de cette atonie tient à la structure de l’investissement public consacré à l’énergie dans les organismes de recherche français : les nouvelles technologies énergétiques ne percevaient en 2002 que 130M€, contre 580 M€ pour le nucléaire et 230 M€ pour les énergies fossiles. Mais lorsque l’on sait l’effet de levier que provoque la réglementation européenne sur la consommation d’ENR, l’Etat aurait tout intérêt à promouvoir la recherche dans ces filières, en favorisant les transferts de technologies vers les entreprises nationales du secteur. Quel intérêt ? Le rapport Technologies Clés 2010 rappelle les quatre enjeux primordiaux dans ce domaine, institués par la loi du 13 juillet 2005 :

-  « contribuer à l’indépendance énergétique nationale et garantir la sécurité de l’approvisionnement ;



-  assurer un prix compétitif de l’énergie ;

-  préserver la santé humaine […] ;

-  garantir la cohésion sociale et territoriale en assurant l’accès de tous à l’énergie ».

J’y ajouterai modestement, pour ma part :

-  contenir le risque d’inflation lié à la dépendance en matière d’approvisionnement ;

-  se tailler la part du lion sur un marché en pleine expansion, tiré par la demande énergétique croissante des pays émergents ;

-  écarter à long terme tout risque de chantage diplomatique, dont la querelle russo-ukrainienne en est une triste illustration…

La nomination de Gilles Michel à la tête du FSI : une opportunité pour certaines filières ?

Gilles Michel a quitté le directoire de Citröen pour prendre la direction générale du FSI. Influencera-t-il la doctrine d’investissement du fonds ? Espérons-le : PSA s’est toujours targué d’avoir une longueur d’avance sur le développement des véhicules propres. Jean-Pierre Goedgebuer, directeur scientifique du groupe, déclarait début octobre que le véhicule électrique était « réaliste à moyen terme ».. Même Christian Streiff, son PDG, ajoutait : « sur la voiture électrique, nous avons été les premiers. Et c’est une piste que nous n’arrêtons pas ». Souhaitons que Gilles Michel soit enclin au même optimisme, à l’heure où le plan de relance annoncé pour le secteur automobile conditionne le soutien de l’Etat par une obligation d’innovation dans les technologies propres. C’est en tout cas le souhait formulé par le Président de la République ! Le FSI serait par conséquent inspiré d’examiner avec attention le dossier de certaines PME qui, aujourd’hui en difficulté, ont pendant des années développé des projets parfois fous, souvent visionnaires, et toujours courageux : moteur électrique, pile à combustible, technologies à hydrogène et rechargeables…

Le cas de ces technologies propres n’est qu’un exemple parmi l’ensemble ENR. Mais la France dispose d’une belle occasion de profiter de la crise pour affirmer sa volonté de soutien au développement durable. Prenons l’exemple de la société Uniross, partenaire de plusieurs projets technologiques français (CEA, OSEO, ST Microelectronics), par ailleurs soutenus par divers ministères (Industrie, MEDAD) dans le développement de la batterie à lithium-ion et la gestion de la « micro-énergie » : menacée de liquidation judiciaire, son PDG s’est fendu d’un appel au secours dans le quotidien La Tribune. A y regarder de plus près, on comprendrait mal que cette PME en pleine croissance (qui ne réclame qu’une dizaine de millions d’euros pour entretenir son ambition) voie sa requête déboutée tandis que l’aide apportée à Thomson devrait atteindre plusieurs centaines de millions d’euros ! Le proche avenir nous dira si le fonds souverain a su se montrer stratège… 


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