France : Airbnb plus que jamais dans le viseur

par LGuer
jeudi 9 novembre 2017

«  Nous demandons à l’État de permettre aux villes touristiques de s’inscrire dans une fourchette de 60 à 120 nuitées, en modifiant la loi Alur.  » Cette déclaration de Jean-François Martin, l’adjoint chargé du tourisme à la mairie de Paris, le 30 octobre 2017, ne laisse pas de place au doute. La Ville Lumière n’entend pas faire de cadeau à Airbnb. Même son de cloche au plus au niveau du gouvernement : Emmanuel Macron souhaite en effet mettre fin à l’évasion fiscale des Gafa. Airbnb n’est ainsi plus en odeur de sainteté dans l’Hexagone…

Une modification de la loi Alur viendrait compléter le dispositif déjà mis en place par la mairie de Paris. Depuis le 1er octobre, les loueurs doivent en effet obtenir un numéro d’enregistrement pour leur logement avant de mettre celui-ci en location sur une plateforme de location en ligne. Si ce dernier est absent, le loueur s’expose — à partir du 1er décembre — à une amende. Et gare aux contrevenants : «  en l’espace de deux ans, nous avons doublé les équipes d’inspecteurs de la ville qui vont vérifier sur le terrain la réalité d’usage  », prévient Jean-François Martin.

Ces démarches interviennent dans un contexte d’explosion du marché de la location saisonnière. L’américain Airbnb bat ainsi des records de fréquentation. A Paris notamment, deuxième marché de la plateforme dans le monde. Problème : en 2016, malgré un chiffre d’affaires estimé entre 1 milliard et 1,5 milliard d’euros, l’entreprise californienne a payé moins de 100 000 euros d’impôt dans l’hexagone.

La réduction du nombre de nuitées autorisées serait donc un signal fort envoyé par l’État français à l’heure où Emmanuel Macron tente de mener la fronde européenne contre l’évasion fiscale pratiquée par les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon et tous les grands groupes du numérique). Ces géants du Web génèrent des profits records, mais s’arrangent pour échapper à l’impôt en transférant de manière artificielle leur activité dans des pays où la fiscalité est plus accueillante. C’est le cas d’Airbnb, dont le siège européen est domicilié en Irlande, pays qui pratique l’un des taux d’imposition les plus faibles d’Europe, 12,5 %.

Taxation des Gafa, les États-Unis sceptiques

Or, la France entend taxer les GAFA dans chaque pays européen sur la base de leur chiffre d’affaires et non plus uniquement sur leurs bénéfices dont la majeure partie est rapatriée dans des paradis fiscaux. «  Nous souhaitons une régulation ambitieuse des géants d’internet qui ne respectent pas les règles du jeu  », a ainsi réaffirmé Emmanuel Macron en marge du sommet européen consacré à l’économie numérique, à Tallinn. Reste à lever les réticences des États-Unis, d’ordinaire peu gênés quand il s’agit de s’ingérer dans les affaires des entreprises européennes.

Les autorités de régulation américaines traquent en effet le moindre faux pas de gestion chez les entreprises transnationales. Devant la menace d’un procès à rallonge ou de se voir interdire l’accès au marché américain, ces dernières préfèrent coopérer et s’acquitter d’amendes colossales en achetant la paix avec les autorités américaines.

C’est en vertu de ce «  deal of justice  » que la banque BNP Paribas, accusée d’avoir utilisé des dollars dans des transactions avec des pays subissant des sanctions américaines, a dû accepter la mise en place d’un moniteur américain qui a eu accès à l’intégralité des informations de l’entreprise. De l’espionnage en bonne et due forme, mais «  paré des vertus de la légalité  », comme l’explique dans son rapport sur le renseignement l’ancien ministre et député, Jean-Jacques Urvoas.

Mais curieusement, rétablir l’équité fiscale au niveau mondial ne semble pas être leur préoccupation première. Ainsi, alors que l’Hexagone souhaite «  un accord sur deux ans  » et est à l’origine de la mise en place d’un «  groupe de travail commun pour étudier les propositions de la Commission européenne, notamment de taxer ces géants du numérique sur leur chiffre d’affaires  » entre la France et les États-Unis, le secrétaire américain au Trésor, Steven Mnuchin «  pense qu’une taxe sur le chiffre d’affaires n’est pas logique et que cela ne va pas dans la bonne direction  ». Reste à savoir si la France se laissera — une fois encore — dicter sa conduite par le «  grand frère  » américain…

 


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