France-Suisse, salaires comparés
par Argoul
jeudi 6 octobre 2005
En 2003, l’heure salariée suisse est très proche de l’heure salariée française, elle ne coûte que 9% de plus à l’employeur. Mais pour les salariés eux-mêmes, la différence en salaire net est très forte, car l’employeur est beaucoup plus taxé en France qu’en Suisse. Quand un Suisse encaisse 1000, il coûte à son employeur 1344. Quand un Français encaisse 1000, il coûte à son employeur 2010.
Dit autrement, un salarié français ne touche que 50% de ce qu’il coûte à l’entreprise ; suisse, il touche 74%. Cet écart passe dans les charges diverses, où l’imagination d’une fonction publique pléthorique s’en donne à coeur joie pour justifier son activité. Chacune est bénigne en pourcentage, mais l’accumulation donne cet écart de 24%. Si le coût d’emploi ne diffère pas trop, le disponible pour la consommation et l’épargne est largement écorné.
Bien sûr, ces charges sont des assurances contre les risques de maladie, de chômage, de vieillesse, et ainsi de suite. Mais sommes-nous mieux soignés en France ? Mieux employés, notamment avant 25 ans et après 45 ans ? Avons-nous une retraite meilleure ?
La principale différence entre les deux pays est que la France assure la couverture santé de toute la famille du salarié, alors que la Suisse la limite au salarié lui-même. Une seconde différence est que l’âge de la retraite est en Suisse à 65 ans contre « légalement » 60 ans en France, mais vous devez avoir travaillé un nombre de trimestres croissant pour y parvenir chez nous ; cette différence s’amenuise donc d’année en année. Une troisième différence est que les Suisses font plus de présence, 40 heures par semaine au lieu de 35, ils ont une semaine de congés payés en moins (mais des jours supplémentaires en fonction de leur âge) et des jours chômés moins nombreux. Malgré cela, leur productivité horaire est inférieure à celle des Français, ce qui montre bien que la différence véritable n’est pas là.
Elle est dans la conception des choses. Les Suisses, en majorité protestants, sont laissés libres d’employer leurs gains comme ils l’entendent, en assurances santé mutualistes, en compléments de retraite ou en consommation. Et, comme ils sont personnellement juges de ce qui leur convient, et non traités comme des citoyens mineurs, le coût de ces prélèvements supplémentaires, pour une garantie équivalente à la française, est bien inférieur aux charges prélevées d’office en France. La concurrence joue, alors que personne ne contrôle vraiment comment sont employés ces prélèvements chez nous, ce qui encourage l’irresponsabilité collective au nom de vagues principes inattaquables. « Vagues » parce qu’ils ne sont nulle part formulés clairement, et qu’aucun bilan de résultat n’est établi avec transparence. Tout cela tombe dans l’escarcelle d’un Etat omnivore, dont le budget officiel n’est que marginal dans l’ensemble des dépenses obligatoires.
Il serait plus clair, et démocratiquement plus sain, de faire supporter à l’impôt les dépenses collectives, qui ne concernent pas plus les salariés que l’ensemble de la population : le logement, la construction, les allocations familiales, l’apprentissage, la vieillesse. Un impôt direct et indirect est plus lisible que des charges sociales prélevées avant même tout salaire « brut ». L’obstacle est que la France a déjà une TVA plus élevée de 10% qu’en Suisse.
Dans quel gouffre sans fond va tout cet argent ? Vivons-nous mieux, et plus vieux, qu’en Suisse ? J’en doute fort : les chômeurs y sont bien plus aisés là-bas et le nombre de centenaires est, comme en France, l’un des plus élevés au monde.