Frédéric Motte, un candidat nordiste... sans le soutien du Nord

par eugene vermersch
vendredi 18 mai 2018

Véritable parrain local, Frédéric Motte a bâti sa carrière dans le Nord, où il a exercé toutes les fonctions patronales possibles et imaginables. Sans grand succès : les chefs d’entreprise nordistes l’ont lâché en rase campagne, critiquant sa gestion et ses émoluments. Comment un candidat marginalisé par ses propres troupes peut-il espérer redorer le blason du Medef national  ?

Il fut parmi les premiers à annoncer concourir à la succession de Pierre Gattaz : Frédéric Motte, président du Medef Hauts-de-France, a lancé sa candidature à la présidence nationale du Mouvement des entreprises de France en décembre 2017. Depuis, sa campagne patine. Et pour cause : dépourvu de soutien dans sa propre région et sans réseaux dans la capitale, l’élection du candidat paraît mal engagée.

Mais qui est donc Frédéric Motte  ? Âgé de 53 ans, héritier d’une famille d’entrepreneurs spécialisés dans le textile, notre homme se pique aussi de politique : il a été conseiller municipal, maire de Beaucamps-Ligny et vice-président au sein de la Communauté urbaine Lille Métropole. Mais c’est bien dans les arcanes patronales que Frédéric Motte a son rond de serviette. Président du Ceser Nord-Pas-de Calais entre 2007 et 2013, il a été de 2015 à 2018 vice-président du Medef national, en charge du pôle branches, mandats et des territoires.

Un patron lâché par ses pairs

On l’aura compris, Frédéric Motte n’a manifestement rien contre le cumul des casquettes et des mandats. À la tête du Medef Hauts-de-France depuis 2013, ce perpétuel candidat aux honneurs a également dirigé Entreprises & Cités, une structure faisant la pluie et le beau temps dans le Nord. Forte de 2 700 collaborateurs, nouant des contacts avec toutes les entreprises de la région, l’organisation rassemble le groupement d’employeurs Alliance Emploi, la société de financement IRD et le bailleur social Vilogia.

C’est précisément cette double casquette qui a inquiété les responsables d’Entreprises & Cités. En 2016, ils organisent dans son dos un changement de statut et de gouvernance, afin que leur outil ne devienne pas l’instrument exclusif de Fréderic Motte, et donc du Medef. Une décision qui va faire sortir de ses gonds le principal intéressé, celui-ci n’hésitant pas à qualifier la manœuvre de «  véritable hold-up  ». Sur ce point, il n’avait sans doute pas tort : Fréderic Motte est, de facto, marginalisé et renvoyé à ses seuls mandats au sein du Medef, Medef qui perd définitivement tout contrôle sur cette poule aux œufs d’or. Une sacrée réussite, donc.

Évincé, désavoué par ses propres troupes, mis au ban de la communauté patronale nordiste, Frédéric Motte finira par jeter l’éponge et claquera la porte d’Entreprises & Cités à la fin de l’année 2016. Mais pourquoi un tel coup de force  ? Au-delà de ses prétentions hégémoniques, Frédéric Motte s’était attiré une solide animosité au sein de l’organisation qu’il dirigeait. En cause, ses somptuaires émoluments et son absentéisme récurrent.

À la tête d’Entreprises & Cités, Frédéric Motte touchait en effet la jolie somme de 300 000 euros par an. Une somme rondelette, ramenée par l’intéressé à «  seulement  » 200 000 euros annuels pour un temps partiel (resic) à 80 %. Soit l’équivalent de 13 000 euros nets par mois, tout de même. Et, quand il a quitté l’organisation, il a à nouveau empoché plusieurs milliers d’euros. Sans doute en rétribution de ses bons et loyaux services...

Problème, là encore, rien ne semble justifier un tel niveau de rémunération. Surnommé par certains «  Président-pas-là  », ou encore le Jean-Marie Messier du Nord, «  Monsieur Maître du Monde  » a longtemps brillé... par ses absences. Toujours par monts et par vaux, Frédéric Motte a rapidement délaissé Entreprises & Cité au profit de ses fonctions de vice-président du Medef en charge des territoires.

Frédéric Motte se voit déjà à la tête du Medef national. L’espoir fait vivre, certes. Mais avant de convaincre les huiles patronales de lui faire confiance, peut-être aurait-il dû s’atteler au rassemblement de ses partisans dans son propre fief nordiste. Sa candidature vire au vaudeville : il y aurait de quoi en rire, si le Medef ne souffrait pas déjà d’un fort discrédit en termes d’image publique.


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