Fusion GDF - Suez : à chaque poids sa mesure

par engen
mercredi 1er mars 2006

La réalité politique, économique et sociale que le rapprochement annoncé de GDF et Suez met en lumière, n’est pas la même vue de France, d’Italie...

En France, tout d’abord, il est cocasse de voir syndicats et partis de gauche s’alarmer de l’effet désastreux, sur l’emploi et sur le service public de l’énergie, qu’aurait ce rapprochement, avant même d’en connaître les modalités exactes. On entend déjà vociférer, ici et là, contre la privatisation de l’énergie, les restructurations inévitables, l’énergie du pays jetée en pâture à l’immonde bête boursière. La réponse ne tarde pas : le patriotisme économique  ! Menacée par l’horrible monstre transalpin Enel, la bonne fée Villepin trouve en GDF un champion national, chevalier de la pauvre Suez sans défense...N’avons-nous pas là une magnifique petite scène ?

La réalité mérite plus d’objectivité. Indéniablement, le marché de l’énergie sera moins étatique après cette opération, et pour cause : GDF est bien plus petit que Suez ! La part de l’Etat sera donc diluée mécaniquement par le rapprochement. Toutefois, l’Etat conserve 30% de l’ensemble en direct, sans compter les 10% supplémentaires indirectement détenus par Areva et autres. L’Etat conserve donc, et de loin, l’écrasante majorité des actions et droits de vote. Il faut aussi se souvenir que Suez a racheté il y a peu Electrabel, fournisseur d’énergie historique de la Belgique. Du point de vue belge, la France ne jette donc pas l’ensemble dans la jungle du marché, mais nationalise les centrales nucléaires belges. Voilà qui devrait nous inciter à plus de discrétion dans cette affaire...

Du point de vue de l’Italie, la France viole les règles du marché. Ici, l’accusation tient moins la route. Concrètement, Enel a tenté un ballon d’essai la semaine dernière, en affirmant, dans la presse, sans offre formelle et chiffrée, qu’éventuellement, au passage, un jour, il lancerait bien une petite OPA sur Suez. Cela n’a fait qu’accélérer un projet préparé depuis longtemps (il est illusoire de croire que la décision a été prise en un week-end autour d’une table). Certes, la méthode est cavalière, l’Etat jouant au "chevalier blanc" a priori et intervenant bien, dans les faits, sur le marché. Mais Enel ne peut s’en prendre qu’à lui même. La question est en effet la suivante : quelle offre la France bloque-t-elle ? Dans les faits, Enel-Suez n’aura été qu’un fantasme de presse financière. Même dans la "jungle" boursière, une OPA se lance encore par une offre concrète, et non par article de presse.

Du point de vue de la France, enfin, la levée de boucliers fait sourire. Si l’Etat avait laissé Enel ou quiconque prendre le contrôle de Suez, quelle n’aurait pas été la réaction de ceux qui crient aujourd’hui au scandale, au chantage boursier, à la fin du service public de l’énergie ! Vous avez voulu le patriotisme économique ? Vous l’avez ! De plus, les actionnaires de Gaz de France, et donc l’Etat, devraient être les principaux bénéficiaires de l’opération en termes strictement financiers. Là encore, attendons les modalités exactes de l’opération pour en juger, mais la perspective d’un dividende exceptionnel, et de l’intégration d’une société très rentable et au poids considérable, sont autant d’atouts pour l’actionnaire, dans un secteur où taille critique n’est pas un vain mot.


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