Fusionner impôt sur le revenu et CSG : oui, mais comment ?

par Catherine Segurane
vendredi 29 avril 2011

La fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG est une idée de plus en plus partagée, puisqu'elle est à la fois au programme du Parti socialiste, du Front National, et même de certains responsables de l'UMP comme Jean-François Copé, qui, dans une interview aux Echos, présentait clairement le projet de fusion comme destiné à réduire les déficits et la dette, en d'autres termes à augmenter les impôts.

Une telle fusion est facile à énoncer tant qu'on reste dans les généralités, et il est aisé de la présenter comme marquée du coin du bon sens : on fusionnerait les deux principaux impôts qui touchent le revenu. Mais ce sont les détails d'exécution qu'il importerait de connaître, et là, les programmes sont flous, voire réduits à quelques lignes. Est-ce l'impôt sur le revenu qui absorbera la CGS ou le contraire ? Le nouvel impôt sera-t-il prélevé sur une base individuelle ou familiale ? Selon l'hypothèse retenue, les gagnants et les perdants ne seront pas les mêmes.

Or, les perdants perdront gros. C'est pourquoi une telle fusion ne peut se concevoir qu'accompagnée non d'une stabilisation des prélèvements fiscaux, mais d'une pure et simple diminution. Il faudrait donc nous dire dans quelles dépenses on taillera.

DES PROGRAMMES FLOUS OU INQUIETANTS

Le programme du Parti socialiste nous dit peu de chose :

"Pour davantage de justice dans les impôts, nous fusionnerons l’impôt sur le revenu et la CSG dans un impôt citoyen plus progressif et prélevé à la source."

Le Front National, dans le style un peu télégraphique d'un programme non entièrement finalisé, nous promet des précisions ultérieures, et nous indique ses objectifs : plus de justice pour les classes populaires et moyennes, progressivité, possible intégration ultérieure des cotisations "salariés".

Tels sont les deux programmes flous.

Les programmes inquiétants sont celui de Jean-François Copé, qui annonce sans ambage qu'il attend des rentrées fiscales supplémentaires de la fusion. Et celui du PS (encore lui) qui, à d'autres occasions, a largement eu l'occasion d'exprimer son goût pour l'impôt.

PEUT-ON CONCILIER SIMPLIFICATION ET PROGRESSIVITE ?

Aucun des programmes mis sur la table aujourd'hui ne nous précise quel sera le sort du quotient familial. Va-t-il disparaître ? Ce serait dans la logique de l'objectif de prélèvement à la source affiché par le Parti Socialiste, ainsi que de la recherche de simplification annoncée par tous. En effet, des éléments d'individualisation tels que la situation de famille peuvent difficilement être mis en oeuvre sans une déclaration de revenus. Une telle déclaration permettrait aussi d'assurer la progressivité de l'impôt dans les cas où les revenus de la personne ou de la famille ont plusieurs sources dont aucune ne connait le montant total des revenus imposables, montant total dont la connaissance est pourtant indispensable pour opérer un calcul sur une base progressive.

Nous observons donc déjà une difficulté pour concilier les deux objectifs annoncés par tous : progressivité et simplification.

PRELEVEMENTS CONSTANTS, EN HAUSSE OU EN BAISSE ?

 Les autres choix à faire auront des conséquences particulièrement sévères pour les catégories perdantes, celles-ci n'étant pas connues tant que les choix ne sont pas faits. La montée en flèche du niveau des impôts est d'autant plus à craindre que le nombre d'hypothèses et la façon dont elles peuvent se croiser, de cumuler ou s'annuler, est presque infinie et demande à tout le moins un bon ordinateur.

 Une étude détaillée avait été faite en 2007 sous l'égide de Sciences Po. Elle n'est plus parfaitement à jour dans le détail, mais elle reste d'un grand intérêt. Elle a le mérite de souligner le risque, très présent dans plusieurs hypothèses, d'augmenter la charge fiscale des plus pauvres, des plus seuls, et des retraités.

Il est donc important de savoir si l'on veut faire la fusion à prélèvements constants, en hausse ou en baisse. Il importe aussi de savoir ce que l'on entend par "prélèvements constants". L'exemple de Nicolas Sarkozy nous l'a montré : nos politiciens ne se gênent pas pour annoncer la main sur le coeur que les prélèvements n'ont pas augmenté globalement (ils ont même diminué pour les catégories qu'ils favorisent) alors que, si nous n'appartenons pas à leur clientèle électorale, nous savons très bien qu'ils ont augmenté dans notre cas (hausses et baisses se compensant ; il faut qu'il y ait des perdants pour qu'il y ait des gagnants).

La vigilance est d'autant plus de mise que le sujet se prête à l'entourloupe. Par exemple, parler d'un taux de 10 %, ce n'est pas du tout la même chose si les 10 % commencent au premier euro, ou s'ils ne concernent que la fraction du revenu supérieure au seuil de la tranche considérée.

IMPOT INDIVIDUEL OU FAMILIAL ?

Deux grands scénarios sont possibles (chacun avec de multiples variantes) : le nouvel impôt pourra être soit individuel soit familial.

Dans l'hypothèse "familialisée", retraités, chômeurs et personnes seules seraient les grands perdants. L'impact sur les faibles revenus serait très dépendant de la question de savoir ce que devient la prime pour l'emploi. Les familles seraient les grandes gagnantes, puisque le quotient familial serait étendu à la CSG, sauf peut-être celles qui subissent le plafonnement du quotient familial (à supposer que ce plafonnement soit maintenu).

Dans l'hypothèse "individualisée", les perdants sont les familles, ainsi que certains handicapés qui ont des demi-parts supplémentaires. Cette hypothèse devrait donc être accompagnée de mesures compensatoires en direction des personnes pour qui les parts supplémentaires étaient justifiées.

IDENTIFIER LES COUPES BUDGETAIRES A OPERER

Comme nous l'avons vu, la pente naturelle de la fusion est une augmention exponentielle des impôts, du moins pour les catégories perdantes. Il importe donc de connaître cette pente naturelle à l'avance et de la compenser par des coupes budgétaires substantielles, coupes dont les candidats doivent annoncer la nature précise à l'avance afin que les électeurs votent en toute connaissance de cause.

Ce serait un piège mortel que de cumuler la fusion IR/CSG avec des dépenses "gérées" comme elles le sont aujourd'hui, en particulier celles destinées à sauver l'euro à tout prix, à nationaliser les pertes des banques en leur laissant les profits, à loger des immigrés clandestins à l'hôtel, à couvrir la France de mosquées, à payer des prestations familiales à des polygames, à soigner gratuitement des ressortissants de pays qui regorgent de pétrole, et j'en passe ...

La question est donc de fuir ceux des partis qui nous annoncent une grande générosité mal placée et ceux qui aiment la dépense (pas toujours sociale ; la droite d'affaires dépense largement pour ses amis les riches) ; pour les partis que nous jugeons sérieux dans leur intention de maîtriser la dépense, il importe de savoir où se situent les coupes budgétaires qu'ils nous annoncent.

 MES SUGGESTIONS POUR PRECISER LE PROGRAMME DU FN SUR LA FUSION

Comme je l'ai dit, c'est tous les programmes qui annoncent la fusion IR/CSG qui devraient être précisés quant aux modalités, mais je ne parlerai ici que du programme du Front National, car c'est celui qui me parait le plus facile à améliorer. Que les socialistes s'occupent du leur, et les zuhèmepistes de celui de Copé.

Les suggestions qui suivent n'engagent que moi.

Je suggèrerais donc (vous m'entendez, Marine ?) de choisir la formule d'un impôt payé sur une base individuelle. C'est la seule formule que l'on puisse, en y travaillant, rendre compatible avec la simplicité et avec le prélèvement à la source sans déclaration de revenus. Elle est également compatible avec une progressivité importante quoique imparfaite : chaque source de revenus (par exemple : salaire d'une part et dividences d'autre part) peut être imposée de façon progressive. Cependant (et je ne vois pas comment s'affranchir de cette limite), si l'on décide de supprimer la déclaration de revenus, on ne pourra pas additionner les différentes sources de revenus et faire porter la progressivité sur un revenu totalisé.

La formule de l'impôt individuel est aussi la plus juste, celle qui évite de faire du social à l'envers en tondant retraités et personnes seules au profit de jeunes couples en pleine forme et de communautés qui ont décidé de conquérir la France par le ventre des femmes.

L'objectif nataliste doit évidemment rester (en le limitant au soutien de la natalité française), mais il doit passer par d'autres chemins que l'impôt.

L'ancien programme du Front National, dont je ne sais pas ce est destiné à rester, comprenait une proposition très intéressante, celle d'un revenu parental très astucieusement conçu, qu'il serait souhaitable de conserver précieusement. Elle s'exprime ainsi :

"Création d’un revenu parental destiné à offrir, pendant la période souhaitée, aux mères ou aux pères de famille la possibilité de choisir librement entre l’exercice d’une activité professionnelle et l’éducation de leurs enfants. Description du dispositif : versement du SMIC pendant 3 ans pour le 1er enfant, renouvellement d’une durée de 3 ans pour le 2e enfant et d’une durée de 10 ans pour le 3e enfant ... Mise en place d’un statut juridique et social dans le cas du choix du revenu parental, pour la mère (ou le père) de famille : protection sociale, droit à la formation professionnelle et droit à la retraite."

Comme on le voit, il s'agit d'un vrai revenu apportant un vrai salaire (SMIC à temps plein) comptant our la retraite. Certaines prestations familiales classiques pourraient de plus être maintenues. Si ce système est mis en place, les familles françaises ne seront donc pas perdantes, même si le quotient familial disparait parallèlement.

J'observe aussi que rien n'est prévu au delà du troisième enfant, ce qui évite d'encourager la fabrication d'enfants à la chaîne.


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