Futur 2.0 : un New Deal pour la France (et l’Europe...)

par Jean-Michel Billaut
lundi 5 mars 2007

Roosevelt avait réussi son New Deal avec son réseau électrique... La France devrait faire son New Deal avec un réseau de télécommunications tout fibre. Cela préparerait au mieux notre Futur 2.0.

En lisant ce qu’écrivent et disent les uns et les autres sur le thème du très haut débit et de l’eventualité d’une stratégie "tout fibre" pour tout un chacun en France, il m’est revenu quelques souvenirs des cours d’économie politique de mon jeune temps...

1929 : grande crise économique... Les USA sont exsangues... En 1933, Franklin Delano Roosevelt, alors président, lance l’idée d’un New Deal... En appliquant les conseils du grand John Maynard Keynes. Investissement public massif... avec notamment le Tennesse Valley Authority... 10 milliards de dollars par an (si j’ai bonne mémoire) pendant plusieurs années... Objectif : apporter la fée électricité chez les agriculteurs du Middle West...
Donc fabriquer de l’électricité hydraulique (avec la Tennesse River) et mettre en place une infrastructure de distibution sur tout le pays (les grandes villes étant déjà plus ou moins équipées).


Eh bien, figurez-vous que des esprits bien intentionnés, ultralibéraux pour la plupart, se sont répandus partout en disant que les "bouseux" (sic) n’avaient nul besoin de fibre... pardon de fil électrique à la maison... Mais pour quoi faire, grands dieux, de l’électricité ? On avait besoin d’électricité dans les usines (donc près des villes)... Mais pour faire pousser le maïs, en avait-on besoin ?

Roosevelt a réussi son New Deal. Certes, cela n’a pas redressé complétement l’économie US (c’est la Seconde Guerre mondiale qui le fera.). Mais en tout cas, cela a enrayé la montée vertigineuse du chômage. Pourquoi ? Eh bien, les agriculteurs, une fois l’électricité installée, se sont mis à acheter, non pas des matériels "productifs’", mais des réfrigérateurs, congélateurs, de l’électroménager divers, etc... (choses que n’avaient pas vu les libéraux qui pensaient électricité "productive").
Cela a renforcé un secteur industriel en émergence : le secteur de l’électroménager (dans les petits appartements de Chicago on ne met pas un coffre de congélation comme dans une ferme où il y généralement davantage de place). Secteur qui a dû embaucher pour satisfaire la demande. Par la suite, les agriculteurs ont acheté du matériel électrique pour renforcer leurs activités (moteurs divers, etc.).

Il en serait de même aujourd’hui avec une infrastructure à très haut débit.
Nos agriculteurs - qui sont loin de tout - ont besoin de très haut débit, plus que les gens des grandes villes peut-être. Pourquoi faire ? Pour disposer de services nouveaux que permettront ces réseaux (santé, éducation, loisirs...). Certains existent déjà de par le monde (centres de soins à distance par exemple que j’ai vus au Japon...). Il faut imaginer les autres : agences visiophoniques de tout poil, avec co-browsing et "objets métiers" (pas besoin de se déplacer), programmes éducatifs en 3D interactifs, etc.
On dit dans le vaste monde que le Gaulois est imaginatif... Nous serions donc très à l’aise semble-t-il pour fabriquer la société de l’information, et ensuite aller vendre ces applications ailleurs, quand les autres peuplades se mettraient elles aussi au très haut débit.
De même, cela renforcerait l’attrait touristique du pays. Par exemple, l’un des responsables de nos gîtes ruraux (53 000 gîtes dans la France d’en bas) me faisait la réflexion qu’avec un tel réseau, cela augmenterait le nombre de nuitées car les couples étrangers qui découvrent notre pays en utilisant ce type d’hébergement resteraient certainement plus longtemps si le mari ou la femme pouvait télétravailler facilement.

Et n’oublions pas que la fin des énergies fossiles est programmée. Et que si nous n’arrivons pas à faire la soudure avec des énergies renouvelables au même côut, on ne pourra plus se déplacer comme aujourd’hui.. On sera alors bien content de disposer d’une infrastructure à très haut débit. Simple devoir de précaution, dont notre élite nous bassine les oreilles.

Doit-on investir de l’argent public comme Roosevelt, alors que notre Etat est en fâcheuse posture financière ? Il me semble qu’avec nos éminents énarques et nos non moins zélés polytechniciens (bon, vous allez me dire qu’ils ne s’entendent pas très bien..) on pourrait très bien trouver une solution financière de panachage privé + public du meilleur aloi, avec un amortissement sur trente ans, qui satisfasse tout le monde. Il suffit de le vouloir et de s’en donner la peine...

Et puis, nos aimables présidentiables, quand même, ne devraient-ils pas se prononcer là-dessus ? Au lieu de se préoccuper de l’appartement de l’un et des éléphants de l’autre. Enfin...

Le monde va bougrement changer dans les trente ans qui viennent. Il nous faut préparer ce Futur 2.0. La France doit faire son New Deal... C’est une ardente obligation... comme dirait Qui vous savez...


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