Garder raison sur les 2000 milliards de dettes

par Laurent Herblay
vendredi 3 octobre 2014

Le passage du cap des 2000 milliards de dette publique cette semaine est du pain béni pour les tenants du moins d’Etat austéritaires, qui se déchainent. Malheureusement, cette ligne se retrouve autant dans ce qu’on appelle la gauche avec le papier du Huffington Post que dans le Figaro.

Concours de catastrophisme
 
Bien sûr, le chiffre est symbolique et marquant, mais une grande partie des médias est tombée dans un grandiloquisme effarant. Le Huffington Post dénonce le fait que le gouvernement « lâche l’austérité sous prétexte de la crise ». Il est malheureux que l’auteur de ces lignes n’aient pas lu les rapports du FMI qui affirment justement que l’austérité produit la criseLe Monde semble presque se réjouir du fait que « l’Etat va vendre des actifs pour se désendetter  ». Passons sur le fait que les sommes en jeu sont dérisoires par rapport à la dette publique. Mais il est effarant que les médias dits de gauche s’engouffrent avec un tel manque de recul dans la dialectique austéritaire des néolibéraux.
 
Mais les médias de droite ne sont pas en reste. Le Figaro en rajoute trois tonnes dans son édition de mercredi. En une, nous avons droit à « 2000 milliards de dettes : la France coule ». Rien que cela. Suit un éditorial sans nuance de Gaëtan de Capèle « Himalayesque  », où il soutient que « la France se trouve, de facto, à la merci des marchés  », ce qui n’est pas faux mais doit être nuancé par les taux auxquels on nous prête aujourd’hui. Les pages saumon titrent « la dette explose  » et les pages intérieures accordent une large place à une interprétation catastrophiste sans nuance et profondément néolibérale, entre menace d’un nouveau 1789 et appel à privatiser plus encore le service public.
 
Un non événement

D’abord, il faut noter que la France emprunte à 1,35% à 10 ans, un plus bas historique, ce qui relativise grandement le discours alarmiste des uns et des autres. Ensuite, même si le niveau de la dette publique a fortement augmenté depuis 2007, il faut rappeler que notre pays est plutôt moins endetté que la moyenne. En Europe, si Berlin l’est moins que nous, Madrid et Londres, qui affichaient une dette publique 20 points du PIB plus bas que la nôtre il y a 7 ans, affichent désormais un niveau similaire. Et Rome nous domine, du haut de ses 135% du PIB. En outre, on peut également citer le cas du Japon, où la dette publique abyssale de plus de 200% du PIB ne semble pas provoquer d’inquiétudes.

Pour qui a un peu plus de culture historique, il faut savoir que les Etats-Unis et la France ont déjà vécu avec plus de 100% du PIB de dette publique et que la Grande-Bretagne a dépassé le cap des 200%, sans être poussée au défaut. Qui plus est, c’était une époque où les recettes publiques étaient moins importantes. Après tout, la dette publique ne représente que 2 ans de prélèvements obligatoires. Les Etats-Unis de Truman ont connu un multiple de 5 et la Grande-Bretagne de Churchill, un multiple sans doute proche de 10. En outre, il ne faut pas oublier qu’en reprenant notre indépendance monétaire, nous pourrions alors faire financer la dette publique par la banque centrale, que le font la grande majorité des pays (25% du PIB en 4 ans en Grande-Bretagne, 10% du PIB par an au Japon).
 
Bref, malgré l’abysse que représente la somme, le niveau de la dette publique de la France n’est pas si alarmant que cela, ce que démontrent les taux auxquels nous empruntons. Ce qui est alarmant, c’est son mode de financement, avec une zone euro qui se prive de l’action de la banque centrale.

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