Gaz/Electricité : la pression monte sur le démantèlement des réseaux

par ÇaDérange
lundi 26 mai 2008

Vous connaissez la position de la Commission de Bruxelles pour séparer les opérations de production de gaz ou d’électricité des activités de distribution, c’est-à-dire des réseaux que possèdent dans maints pays les anciennes sociétés nationales énergétiques. C’est le cas en France avec EDF et GDF qui possèdent les seuls réseaux de distribution d’électricité ou de gaz qui existent dans le pays et qui les exploitent avec leur propre personnel.

Que leur reproche-t-on ? L a Commissaire à la Concurrence , Neelie Kroes, les suspecte de profiter de posséder et surtout d’opérer ces réseaux pour empêcher la concurrence de se développer contre eux. Et il est vrai que dans notre beau pays les concurrents d’EDF et GDF ont bien du mal à arriver jusqu’aux usines et bientôt jusqu’aux domiciles de leurs clients industriels ou particuliers. A preuve, la faible part de marché arrachée à EDF et GDF par leurs concurrents. Il est vrai que si nous étions employé d’EDF ou GDF et ayons à décider sur le réseau d’à partir de quelle source nous allons approvisionner tel ou tel client, même inconsciemment, nous aurions tendance à privilégier comme source celle de la société qui nous emploie.

La Commission de Bruxelles vient d’ailleurs de déclencher une enquête contre GDF à la suite de perquisition faites en 2006 dans les locaux de GDF durant laquelle auraient été saisis des documents qui attesteraient de l’utilisation du réseau de gazoduc de manière quasi monopolistique. Autre reproche, le sous-investissement dans les dépôts de réception de gaz à l’entrée sur le territoire français. Et en effet pourquoi investir par exemple 2 milliards dans un nouveau dépôt de 200 000 tonnes qui permettrait à la concurrence de pénétrer sur votre marché quand 1 milliard et 100 000 tonnes suffiraient à vos besoins propres. Toutes déviations qui disparaîtraient si les sociétés de dépôts et de gazoduc étaient indépendantes et seulement intéressées à développer leurs activités de distribution.

De même, Bruxelles aurait établi une "entente formelle" (qui daterait d’il y a trente ans !) entre le français GDF et l’allemand E.ON lors de la construction du gazoduc "Megal" (51 % E.ON, 44 % GDF) qui achemine du gaz russe des frontières tchèques et autrichiennes jusqu’à la frontière française, par laquelle les deux sociétés se seraient engagées à ne pas se concurrencer avec ce gaz transitant par ce réseau sur leurs territoires mutuels.

Il reste à la Commission à prouver tout cela et à aller en justice si nécessaire, mais il n’est pas innocent que de telles plaintes émergent en ce moment car le débat sur la séparation patrimoniale des réseaux est en train de passer au stade législatif au Parlement européen. La Commission de Bruxelles veut en effet mettre en place la séparation patrimoniale des réseaux gaziers et électriques des sociétés de production et commercialisation de gaz et d’électricité. Ce que les Allemands dénomment le ’Unbundling’. Un certain nombre de pays, France et Allemagne en tête, dont le modèle traditionnel est celui de l’intégration production/distribution sont violemment contre et soutiennent que ce problème de concurrence pourrait être résolu par la mise en place d’une Haute Autorité de régulation. Les autres pays (Grande-Bretagne, Danemark, Pays-Bas, etc.) soit parce qu’ils sont de philosophie libérale soit parce que c’est leur modèle historique, sont pour la mise en vente de ces réseaux par les opérateurs historiques, ce qui signifie pour EDF et GDF un démantèlement. Connaissant l’attachement de nos gouvernements pour la paix sociale, vous imaginez l’ampleur du problème pour eux et donc leur acharnement à défendre ce modèle historique.

Pour l’instant, la Commission de Bruxelles a présenté au Parlement européen un projet de directive qui inclut la séparation patrimoniale production/distribution. Le projet est dans les mains de la Commission de l’Industrie du Parlement auquel des amendements sur l’option alternative (maintien de la possession des réseaux et mise en place d’autorités de régulation qui assure une "dissociation effective et efficace" entre vendeurs et transporteurs) ont été présentés par la France et l’Allemagne.

Pour les réseaux électriques, la Commission de l’Industrie du Parlement a déjà rejeté l’amendement franco-allemand par 26 voix contre 23 pour et 3 abstentions. Pour les réseaux gaziers, par contre, la Commission parlementaire a accepté l’amendement et donc la possibilité de conserver la propriété des réseaux en l’état avec mise en place de Hauts régulateurs. Mais c’était avant la dernière offensive de Neelie Kroes.

Il reste en fin de compte à passer au vote plénier au Parlement européen dont on sait qu’il entérine généralement l’avis de sa Commission parlementaire. On s’oriente donc pour l’instant vers la vente par EDF de son réseau électrique RTE, avec transfert des personnels, et pour le réseau gazier par le statu quo, mais avec mise en place de la Haute Autorité de régulation.

De longues semaines de grèves en perspective et des soucis à se faire pour la popularité du gouvernement.

A suivre...


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