GDF privatisé, les Français grugés

par Daniel Roux
mardi 25 octobre 2011

GDF SUEZ a déposé un recours en Conseil d'Etat contre le gel des tarifs décidé récemment par le Gouvernement Sarkozy. La société a fait valoir que cette décision n'était pas conforme aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur. Elle a de forte de chance d’obtenir gain de cause, il est en effet peu probable que le Conseil d’Etat considère que l’échéance électorale de 2012 soit un cas de force majeure.

La multinationale reçoit le soutien de la Commission de régulation de l'énergie (CRE). Dans sa délibération sur les tarifs du gaz au 1er octobre, le CRE a estimé qu'une hausse était inévitable et que, "contrairement à ce qu'exige la loi, l'évolution était très insuffisante pour couvrir les coûts" de GDF Suez.

Les Français pourraient croire que le Gouvernement de Sarkozy et la CRE nous protègent d’une augmentation excessive des prix du gaz. Il semble que ce soit le contraire.

Le prix réglementé est calculé selon une formule rendue publique pour la première fois en 2009, instituée par décret gouvernemental :

“ m ” = FOD€/t*0,01642 + FOL€/t*0,02244 + BRENT€/bl*0,05384 + TTF€/MWh*0,09478 + EURUSD*1,33269

“ m ” : Evolution du terme représentant les coûts d'approvisionnement en gaz naturel.
FOD€/t : Evolution de la cotation du fioul domestique à 0,1 % en € par tonne.
FOL€/t : Evolution de la cotation du fioul lourd basse teneur en soufre en € par tonne.
BRENT€/bl : Evolution de la cotation du baril de pétrole en € par baril.
TTF€/MWh : Evolution de la cotation des contrats futurs trimestriels de gaz naturel en €/ MWh.


EURUSD représente l'évolution du taux de change euro contre dollar US.

Cette formule fumeuse est conçue pour calculer l’évolution du prix par rapport au prix existant. Ce dernier prend en compte le transport, le stockage, la distribution et la marge commerciale. On constate que l’évolution des cours dépend plus de l’évolution des prix du produit pétrolier (fioul + pétrole) que du gaz naturel sur le marché mondial. C’est tout à fait arbitraire.

Les graphiques ci-dessous, montrent que les prix du gaz et du pétrole sont dissociés sauf que GDF SUEZ a signé des contrats d’approvisionnement longs indexés sur le pétrole et qu’il a décidé, avec la complicité des pouvoirs publics, de nous faire payer ses erreurs de stratégie.



Les prix du gaz réglementé n’ont pas cessé d’augmenté, pour les particuliers, entre 2005 et avril 2009. L’année 2008 fut une année de fête pour GDF SUEZ qui a vu le prix du gaz augmenter de 4% puis de 5,5% puis encore de 5% en quelques mois alors même que les prix du gaz naturel, du pétrole et du dollar s’effondraient. A l’époque, la formule ci-dessus n’était pas publique. On ignore ce qu’elle était et comment elle était appliquée.

La seule baisse de rattrapage n’est intervenue qu’en avril 2009, après les excès de 2008 et après l’hiver. Avril 2010 a connu une nouvelle hausse vigoureuse et très controversée des prix.

GDF SUEZ estime que le gel des prix représente un manque à gagner estimé à environ 290 millions d'euros sur le second semestre 2011. Ne pleurez pas, braves gens, son résultat opérationnel 2010 était de 9,5 milliards.

La multinationale est en effet en excellente santé financière. Elle se montre d’ailleurs très généreuse avec ses actionnaires. En 2011, le bénéfice par action sera de 1,80€. Le dividende distribué aux actionnaires sera de 1,56€ par action soit une rentabilité de 7%. L’année 2012 s’annonce encore meilleure avec une prévision de bénéfice par action de 2€.

Le gaz naturel n’est pas une marchandise comme une autre. Il est indispensable à la vie courante de millions de Français. Il n’aurait jamais dû être laissé aux intérêts privés. Sans parler de la concurrence, plus théorique que réelle, et des défauts d’investissements, qu’arriverait-il si GDF SUEZ faisait faillite ou était racheté par une entreprise étrangère. Que l’on ne prétende pas que cela est impossible, GDF SUEZ est responsable à travers des filiales de centrales nucléaires et n’est pas plus à l’abri des conséquences financières d’une catastrophe que ne l’était TEPCO au Japon.

Sarkozy a vendu GDF en 2008 pour quelques milliards d’euros vite dissipés dans les déficits budgétaires. Par pure idéologie dans laquelle l’intérêt bien compris des riches investisseurs n’est pas absent, il a privé les Français d’une entreprise qui leur appartenait et d’une importante contribution au budget national qui nous fait bien défaut aujourd’hui.

Aujourd’hui les Français sont des clients captifs liés par des contrats d’adhésion à un quasi monopole privé et leurs factures de gaz ne cessent de grimper. Le gaz vendu aux Français n’a jamais était aussi cher alors que le prix sur le marché mondial n’a jamais été aussi bas. C’est le moment que choisit le CRE pour envisager une remise à plat des tarifs du gaz en France. Cela pourrait se traduire par une plus grande prise en compte des prix du gaz (sur le marché mondial).

GDF SUEZ peut être satisfait. Si le CRE obtenait satisfaction, le gaz, après avoir monté alors même que le prix du gaz sur le marché international s’effondrait profiterait du rebond inévitable des cours, malin, non ? D’autant que le pétrole lui, est au plus haut.

Tout ce qui précède oblige à se poser les questions de la loyauté du CRE et du gouvernement Sarkozy et son indépendance par rapport aux intérêts privés. N’est-il pas légitime de craindre que notre pays ne soit mis en coupe réglée par des intérêts aussi convergent qu’illicites ?

Il semble indispensable pour le débat démocratique à venir que le Parti Socialiste prenne position sur l’avenir et le contrôle de ces groupes géants d’origine publique en position de quasi monopole dans des secteurs d’intérêt public.
 


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