Gorille dans le brouillard : dix mythes sur la Fed

par Mor Aucon
mercredi 15 juin 2011

Ils sont venus, ils sont tous là… Ils serrent les coudes autour de la grabataire Réserve Fédérale des États-Unis, guettant un ultime hoquet de la grande inconnue. L'imposant gorille est malade. il en perd sa traditionnelle pudeur et expose ses turpitudes aux yeux du monde. Que faire, que lui donner ? Une perfusion ? Des prières ? L'extrême onction ? Doit-on sauter de joie et crier bon débarras ? Edward Flaherty, docteur en science économique et professeur à l'université de Charleston, avait déjà tenté d'écarter ce qu'il pensait être les anathèmes de sorciers paranoïaques. La bête n'est pas si laide, disait-il.

Flaherty avait donc recensé, en l'an 2000, les principaux racontars qui, selon lui, souillaient l'honneur de la presque centenaire. Résultat : dix petits potins. Chiffre qui ne devrait étonner personne, la « God blessed » Amérique, même blessée, ne perd pas sa foi. « In God we trust, mais voyons voir ce qui se passe ici-bas », a dû se dire le brave Edward. Voici la liste dressée par ses soins des, toujours selon lui, canulars au sujet de la, pas si vielle que ça, Dame de trèfle.

L'acte fondateur de la Fed de 1913 fut le fruit d'une réunion secrète entre les banquiers de Wall Street et quelques sénateurs.

En Géorgie, l'américaine, une rencontre secrète entre la crème des banquiers de Wall Street et Nelson W. Aldrich, sénateur pour Rhodes Island, a lieu, en 1910, dans les installations d'un luxueux complexe sur l'île de Jekyll, explique E. Griffin dans son désormais célèbre The Creature from Jekyll Island ( 1995, Appleton : American Opinion Publishing, Inc ). Il s'agissait de la cupide élite financière tentant de faire main-basse sur le contrôle du système financier américain. 

Trois ans après la panique de Wall Street de 1907, qui signifiât la pire dépression économique jusqu'alors endurée par les États-Unis, l'atmosphère était tendue. Les grandes banques du pays s'étaient imposé des vacances forcées en suspendant leurs opérations. John P. Morgan avait réagi en injectant, par le biais de prêts, du liquide dans les coffres des banques et en faisant appel aux prêtres et aux pasteurs pour calmer, à doses massives de sermons, le peuple paniqué qui se ruait aux guichets pour réclamer son argent. Cette réaction avait empêché la situation d'empirer mais le doute était semé. Qui allait éviter la redoutable panique bancaire, la prochaine fois ? À Washington et à Wall Street, on commençait à penser à la création d'une institution publique chargée de renforcer la liquidité du système bancaire, si tout cela venait à se reproduire.

Nous sommes donc en 1910. Un mouvement, rassemblant républicains, Wall Street, et les démocrates de l'est du pays, exige une réforme. Mais la confiance du peuple américain envers ses banquiers a fondu comme neige au soleil. Les démocrates ont récupéré la majorité face aux républicains et bloquent les tentatives de réforme de ces derniers, tout en en reconnaissant un besoin certain. Le sénateur Nelson Aldrich, Frank Vanderlip de la National City, aujourd'hui Citibank, Henry Davison de la Morgan Bank, et Paul Warburg de la Kuhn, Loeb Investment se rencontrent secrètement sur l'île de luxe. Ils y dressent le plan d'un futur système de banque centrale, en toute discrétion car ils savent que la Chambre des Représentants rejettera toute proposition associée, peu ou prou, à Wall Street : le plan Aldrich. Ce plan dessinait un système composé de quinze banques centrales régionales - National Reserve Associations - dont le rôle serait de délivrer des prêts d'urgence, en cas de besoin, aux banques membres ainsi que la convoitée mission de création de la monnaie, tout cela coordonné par une assemblée nationale de banquiers.

Mais, rien n'est jamais longtemps secret au pays des ragots et le mouvement pour la réforme était beaucoup trop connu pour que le plan puisse rester sous la couverture politique du nom de Aldrich. L'affaire, ébruitée, fut rejetée par la Chambre des Représentants. Le populiste Woodrow Wilson, du parti démocrate, ne pouvait accepter autant de pouvoir entre les mains des banquiers. Néanmoins, le plan « secret » fut conservé comme ligne de travail, en vue de la réforme que tout le monde savait inéluctable. Le complot des banquiers était tombé à l'eau.

Le système qui émerge de la bataille est composé de huit à douze banques de réserves régionales - Regional Reserve Banks -, pratiquement autonomes, détenues par les banques opérant dans ces régions et dont les actions sont coordonnées par un Conseil de la Réserve Fédérale - Federal Reserve Board - nommé par le Président des États-Unis. Á l'origine, composaient le Conseil, le Secrétaire du Trésor, le contrôleur de la monnaie, et d'autres fonctionnaires nommés par le Président en représentation de l'intérêt public.

Le système fédéral de réserve sera donc, d'une part privé et d'autre part, sous contrôle public. Wilson signe le projet de loi le 23 Décembre 1913. La Réserve Fédérale des États-Unis était née.

L'acte fondateur de la Fed fut approuvé illégalement.

Pour notre brave Edward, il s'agirait de la plus idiote de toutes les théories de la conspiration touchant à la Fed. La Constitution des États-Unis exige la présence d'au moins la moitié des membres de la Chambre des Représentants et du Sénat ( le quorum ) pour voter l'approbation ou le rejet d'un projet de loi. La Chambre approuva la loi par 298 voix à faveur, contre 60, le 22 décembre 1913 ( Money bill goes to Wilson today New York Times, pp. 1-3, Dec. 23, 1913 ). Le jour suivant, à 10 heures, le Sénat ouvrait les débats, terminant par approuver la loi, à 14 heures 30, sur le score de 43 voix pour, contre 25 ( Wilson signs currency bill New York Times, pp. 1-2, Dec. 24, 1913 ). Edward nous explique que l'erreur des partisans de la nullité de cette votation, provient de la confusion entre le quorum et la majorité des votes. Chaque État disposant de deux représentants et l'union de l'époque étant formé de 48 états , le quorum ( la moitié des sénateurs ) est atteint puisque 43 + 25 font 68. Mais ce n'est pas tout, continue Flaherty, car la position de 23 d'entre les sénateurs absents fut enregistrée et consignée dans les archives. 11 « yeas » à faveur, contre 12 « nays » ( Congressional Record, 63rd Congress, 2nd Session, Dec. 23, 1913, pp. 1487-1488. ). Le Sénat au complet aurait donc, aussi, approuvé la loi.

Une banque centrale et le papier-monnaie sont anticonstitutionnels.

Suivant la ligne d'interprétation de Thomas Jefferson de la constitution des États-Unis, certains assurent que le Congrès ne doit disposer que des pouvoirs que la constitution énumère explicitement. Donc pour eux, la Fed est anticonstitutionnelle, puisqu'elle n'y figure pas, et le gouvernement ne peut que battre monnaie en or ou en argent. Le papier-monnaie serait donc illicite. Edward Flaherty s'enflamme et se lance dans un long et technique exposé dont nous ne retiendrons que les points les plus importants.

Dans la constitution n'apparait pas clairement défini ce que ses auteurs entendent par le terme « valeur ». Traditionnellement, c'est le poids de la pièce. Edward ne conteste pas cette interprétation, mais rappelle que la seule signification pertinente de « valeur » dans le contexte de la monnaie est sa valeur dans le commerce, également connu sous le nom de pouvoir d'achat, que le gouvernement ne peut réguler par une simple loi approuvée par le Congrès. Le seul outil dont dispose le gouvernement pour ce faire, est la modification de la masse monétaire. L'article I, sect. 8, Cl. 18 de la constitution accorde au Congrès le droit de voter une loi si elle est « nécessaire et appropriée pour l'exécution de ses pouvoirs énumérés ». Une loi créant un Bureau de la Monnaie, par exemple, est nécessaire et appropriée pour que le Congrès exerce son droit de battre monnaie. Cet argument peut justifier la création d'une banque centrale qui facilite le contrôle de l'expansion et la contraction de la masse monétaire et sert à réguler l'activité du secteur bancaire.

Faire valoir que la Constitution autorise seulement la frappe de pièces d'or ou d'argent est une interprétation erronée, nous dit Flaherty, comme l'indique clairement le tribunal fédéral dans le cas U.S. contre Rifen ( 577 F.2d 1111. C.A.Mo. 1978 ) :

La Constitution des États-Unis interdit aux Etats de déclarer de cours légal quoi que ce soit d'autre que l'or ou l'argent, mais ne limite pas le pouvoir du Congrès de déclarer ce qui est légal pour toutes les dettes ... Les Notes de la Réserve fédérale sont des dollars imposables. ( Loi sur la Monnaie de 1965, § 102, 31 USCA § 392 ; USCA. Art. 1, § 10 ).

Puis un trait d'humour dans Foret contre Wilson, ( 725 F.2d 400. C.A.La. 1984 ) :

La pièce d'or ou d'argent ne constitue pas la seule monnaie légale aux États-Unis ; par conséquent, l'appelant, qui offre 2,80 $ en pièces de dix cents d'argent sur une propriété saisie nécessitant une enchère minimum de 80.000 $ en vertu du droit de la Louisiane, n'avait pas droit au titre de propriété.

Edward, plaisantin, propose de remplacer les billets de 1 $ de la Réserve Fédérale par une pièce de monnaie de 1 $ estampillée sur un document. Apparemment, dit-il, cela rendrait les adversaires du papier-monnaie, heureux.

La Fed est la propriété de banques privées.

Outre ce qui est déjà exposé dans le premier point de cette liste, Edward Flaherty croit bon d'ajouter que les banques régionales de la Réserve Fédérale sont, effectivement, de propriété privée, mais elles sont contrôlées par le Conseil des gouverneurs, un organisme fédéral dont les membres sont nommés par le Président et confirmés par le Sénat. Le Conseil établit la politique monétaire que les banques de la Réserve Fédérale exécutent. 

Il donne un exemple en se supposant créant une nouvelle banque privée à Charlotte, Caroline du Nord. La loi l'oblige à s'associer avec la banque de la Réserve Fédérale du district de Richmond. Serait-il, pour autant, propriétaire de la Réserve Fédérale ? Non, dit-il, je serais copropriétaire, avec d'autres banques ainsi que l'État, du réseau de distribution correspondant à la succursale de la banque régionale de la Réserve Fédérale du district de Richmond. Pas plus. 

La Fed est, pour lui et selon les propres statuts de cette institution, un organisme semi-public dont le Conseil est nommé par le Président des États-Unis. Les banques privées doivent se plier aux décisions du Conseil pour tout ce qui se rapporte à la politique monétaire qui est la fonction la plus importante de la Fed ( 12 USCA §301 y 12 USCA §302 ).

La Fed est contrôlée par des étrangers.

Un peu outré, Flaherty rappelle que le Système de la Réserve Fédéral est le principal organisme de réglementation du secteur bancaire américain. Elle a une importance singulière dans la politique monétaire et de nombreux économistes pensent que son influence est considérable sur le cours du cycle économique.

Gary Kah (1991) et Eustace Mullins (1983) allèguent qu'une secrète élite bancaire internationale possède et contrôle la Fed. Kah prétend que des étrangers possèdent directement la Fed de New York, la plus grande et plus importante d'entre la douzaine de régions. Par ce biais, les collaborateurs internationaux contrôleraient l'ensemble de la Fed et se bénéficieraient de ses profits gigantesques. Eustace Mullins est, lui, d'accord sur l'importance de la Fed de New York, mais prétend qu'elle est détenue indirectement par des étrangers, par le biais d'un club bancaire européen qu'il appelle la « London Connection », qui contrôlerait la politique de la Fed depuis l'étranger.

Kah prétend avoir identifié les principaux actionnaires de la Fed de New York : Banques Rothschild de Londres et Berlin, Lazard Brothers de Paris, Israel Moses Seif d'Italie, Warburg d'Hambourg et Amsterdam, Lehman Brothers de New York, Kuhn, Loeb de New York, Chase Manhattan et Goldman, Sachs de New York (Kah, p. 13). Il décrit ces groupes comme « actionnaires de classe A » de la Fed new-yorkaise (p. 14). 

Edward trouve cela curieux parce que les actions de la Fed ne sont pas classées de cette manière. Elles peuvent être soit « actions pour membres » soit « actions publiques », mais il n'existe pas d'actions de « classe A ». Toutefois, les administrateurs de la Fed sont répartis en classes A, B et C selon la façon dont ils sont nommés ( 12 USCA § 302 ). Cela peut être la source de la confusion de Kah. 

Mullins dresse une liste très différente. Pour lui les 8 premiers actionnaires de la Fed de New York sont : Citibank, Chase Manhattan Bank, Morgan Guaranty Trust, Chemical Bank, Manufacturers Hanover Trust, Bankers Trust Company, National Bank of North America et Bank of New York. Selon lui ces institutions en 1983 possédaient un total de 63% des actions de la Fed de New York. Ces banques américaines, à leur tour, seraient détenues par des institutions financières européennes. Grâce à que les banques commerciales élisent le conseil d'administration de la Fed de New York, la « London Connection » serait en mesure d'utiliser leurs agents américains pour choisir les administrateurs de la Banque et, finalement, contrôler l'ensemble de la Fed.

La prémisse de Mullins est que les banques membres contrôlent la politique de la Fed. Rien de plus faux, s'écrie Edward. La Fed n'est pas contrôlée par la Fed de New York, mais par le Conseil des gouverneurs et les « Federal Open Market Committee » (FOMC). Le Conseil est un groupe de sept membres nommés par le Président et approuvé par le Sénat. Il détermine le taux d'intérêt des prêts aux banques commerciales et caisses d'épargne, sélectionne les ratios de réserves obligatoires, qui détermine la quantité de dépôts des clients qu'une banque doit garder sous la main, et décide également la masse de nouvelle monnaie que peuvent délivrer, chaque année, les banques de la Fed (12 USCA § 248). Le FOMC est composé par le Conseil, le président de la Fed de New York, et quatre présidents des autres banques régionales de la Réserve Fédérale. Il détermine la quantité d'obligations de l'État que les banques de la Fed peuvent acheter ou vendre, ce qui constitue le principal outil de la politique monétaire (12 USCA § 263).

Pour conclure Flaherty assène : « l'assertion selon laquelle un cartel bancaire international contrôle la Réserve Fédérale est fausse. »

La Fed n'a jamais fait l'objet d'un audit. 

« Chaque année, le Congrès propose une loi pour l'audit de la Fed », écrit Thomas Schauf, « et chaque année elle est rejetée ». Pourquoi ? Les théoriciens du complot comme Schauf, Gary Kah (1991), et Pat Robertson (1994) disent que la raison est que la Fed est impliquée dans un complot international visant à subvertir la souveraineté des États-Unis et à créer un gouvernement mondial. Pour cela, la Fed ne permettrait jamais au Congrès un audit de ses activités.

Flaherty ne l'entend pas de cette oreille et rappelle que depuis sa création en 1913, la Fed a été soumise à une série de vérifications des états financiers et de rendement par le Congrès, le pouvoir exécutif et des cabinets comptables privés, bien que les commis à cette tâche ont changé au fil du temps. De 1913 à 1921, le Conseil des gouverneurs, qui définit la politique monétaire et réglemente les activités des banques de la Fed, a été vérifié annuellement par le Département du Trésor américain. En 1921, le Congrès a créé le « Government Accounting Office » ( GAO ) et lui a assigné l'audit du Conseil jusqu'en 1933. La loi bancaire votée par le Congrès en 1933, soustrait le Conseil de la juridiction de la GAO. De 1933 à 1952 les équipes de vérification des douze banques de la Fed ont examiné annuellement les livres du Conseil. De 1952 à 1978, le Conseil, après autorisation du Congrès, a décidé d'employer des cabinets d'expertise comptable reconnus à l'échelle nationale, pour effectuer les vérifications, afin de garantir une surveillance indépendante. Cela a fourni une évaluation externe de la pertinence et de l'efficacité des procédures d'examen. En 1978, le Congrès vote la loi « Federal Banking Agency Audit Act  » ( 31 USCA § 714 ) et redonne au GAO la responsabilité d'audit de la Fed. Cette loi augmente significativement l'accès du GAO aux banques de la Fed, au Conseil, et au FOMC.

Depuis lors, le GAO a mené plus de 100 audits financiers et de performance de ces trois composants du système de la Fed.

La Fed perçoit un intérêt sur la monnaie.

Pour Flaherty, ce mythe est celui qui a alarmé plus de personnes que n'importe quel autre. Les gens se disent : la Fed est une banque, non ? Les banques ne prêtent pas d'argent gratuitement, non ? Notre monnaie n'est mise en circulation que lorsque le gouvernement emprunte, avec intérêt, à la Fed, non ?. Cela signifierait, donc, que les citoyens payent des intérêts sur la monnaie qu'ils utilisent.

Schauf pense que la Fed fait partie d'une conspiration bancaire internationale. Cette question de l'intérêt sur la devise est également soulevée par le prédicateur évangélique Pat Robertson dans son livre Le Nouvel Ordre Mondial et par Jacques Jaikaran dans Le Virus de la Dette.

Ces allégations sont-elles fondées ? se demande le pauvre Edward, débordé. Certaines d'entre elles le sont, finit-il par avouer. Le département du Trésor imprime des Federal Reserve Notes et les vend ensuite au système de la Fed pour un coût moyen d'environ 4 cents la note. Toutefois, la Fed doit présenter, à titre de garantie, un montant de titres du Trésor équivalent à la valeur de la devise achetée. La Fed perçoit des intérêts sur la totalité des titres du Trésor qu'elle détient, y compris ceux détenus en garantie. C'est le maximum que l'on puisse concéder à ces allégations, nous dit Flaherty, légèrement condescendant. 

Mais il reprend : ce que ces critiques ne disent pas, c'est que presque tous les bénéfices nets de la Réserve Fédérale sont remboursés au Trésor. Cela se fait par un accord entre le Conseil des gouverneurs et le Trésor. 

Si la Fed ne percevrait pas d'intérêt au gouvernement, il n'y aurait pas de dette publique.

Flaherty dénonce l'idée fausse, très répandue, qu'il y aurait un rapport entre la Fed et la dette nationale. L'argument de ce mythe dit que, comme le gouvernement doit payer les intérêts sur l'argent qu'il a emprunté au fil des ans, le déficit budgétaire d'aujourd'hui est plus élevé que ce qu'il serait sans cet intérêt.

Mais Edward rappelle que, tout d'abord, la Réserve fédérale détient très peu du montant total de la dette nationale. La Fed ne détient qu'environ 8,7% des obligations du gouvernement actuellement ( 2001 ) en circulation. Cela signifie que la majeure partie des paiements d'intérêts ne vont pas à la Réserve fédérale, mais à d'autres détenteurs d'obligations.

JFK fut assassiné pour stopper sa tentative d'usurper le pouvoir de la Fed d'émettre la monnaie.

Notre démolisseur de mythes attaque un gros morceau : le décret présidentiel 11.110 ou, la Fed comme mobile de l'attentat de Dallas, rien que ça. Jim Marrs, dans Crossfire : Le complot qui a tué Kennedy, suppose que, par ce décret, John F. Kennedy aurait ordonné au secrétaire du Trésor d'émettre environ 4,2 milliards de dollars de certificats d'argent comme une forme de monnaie à la place des notes de la Réserve fédérale. Marrs s'interroge : cet ordre pourrait-il faire partie d'un vaste plan du Président pour réduire l'influence de la Réserve Fédérale en augmentant le pouvoir du Trésor d'émettre la monnaie ? L'ordre fut signé le 4 Juin 1963. Quelques mois plus tard Kennedy était assassiné. Le lien s'établit immédiatement et l'hypothèse selon laquelle la Fed serait impliquée dans l'attentat pour récupérer son pouvoir sur l'émission de monnaie, s'étend rapidement.

Aucun américain ne rigole au sujet de JFK. Edward, non plus. Il a l'air fâché. Ce décret, bougonne-t-il, en modifiait un autre de Harry Truman signé en 1951 ( E.O. 10.289 ) qui habilitait le Secrétaire du Trésor à exercer certaines fonctions présidentielles sans l'approbation, ratification, ou quelconque autre acte du Président. Aucun des pouvoirs attribués au trésorier par ce décret avait trait à la politique monétaire. L'ordre exécutif 11.110, a trait à la personne qui peut prendre de telle mesure, le trésorier, mais ne crée pas ce pouvoir monétaire, qui existait déjà. Kennedy modifie ce décret dans le but de réduire les certificats en circulation, et non pas de les augmenter. Le bon docteur Flaherty rappelle aussi que ce décret ne fut pas supprimé par Lyndon Johnson mais demeura dans les livres jusqu'en 1987, quand fut entrepris un grand nettoyage général des ordres exécutifs ( EO 12608, 9/9/87 ).

Ed Flaherty attribue, aussi, à Marrs quelques erreurs factuelles dans son récit qui suggèrent qu'il ne comprend pas grand-chose à la Réserve Fédérale et au système financier. Puis de terminer par cette impitoyable sentence : dans l'introduction de son livre, Marrs conseille au lecteur de ne pas faire confiance à ses écrits, ce qui semble être un excellent conseil. Il est vache.

La tirade légendaire de McFadden.

Louis Thomas McFadden fut membre de la Chambre des Représentants dans les années vingt et trente. C'est un des héros de théoriciens de la conspiration de la Réserve fédérale, lance Flaherty, goguenard. Républicain, de Canton, en Pennsylvanie, il fut président de la « United States House Committee on Financial Services », de 1920 à 1931, puis simple membre du même Comité à partir de 1932. Il utilisa sa position dans sa croisade contre la Réserve Fédérale. Gary Kah pense que, peut-être, cela lui coûta la vie.

Le 10 Juin 1932, la Chambre débattait un projet de loi qui élargirait les types de titres de la Réserve Fédérale. McFadden saisit cette occasion pour lancer une tirade 25 minutes contre la Fed : « Monsieur le président, nous avons dans ce pays l'un des établissements les plus corrompus que le monde n'ait jamais connu. Je me réfère à la Réserve fédérale et aux banques de la Réserve Fédérale. Le Conseil des gouverneurs a fraudé au gouvernement des États-Unis, suffisamment d'argent pour payer la dette nationale. Les déprédations et les iniquités de la Réserve Fédérale et ses banques, agissant de concert, ont coûté à ce pays, l'argent suffisant à payer la dette nationale plusieurs fois. Cette institution a appauvri et ruiné le peuple des États-Unis, s'est mis lui-même en faillite, et a contribué à la faillite de notre gouvernement. Il l'a fait par le biais des défauts de la loi en vertu de laquelle elle opère, la mauvaise administration de cette loi par le Conseil et les pratiques corrompues des vautours riches qui la contrôlent ». Ça ne pouvait que devenir légendaire, en effet.

Cruel, Edward commence par en amincir la portée en jugeant qu'une fois retirés le cabotinage et les hyperboles, il ne reste plus grand chose de la tirade. Puis se fend d'un arithmétique calcul basé sur les recettes et dépenses, en millions de dollars, entre 1914 et 1931 : recettes 970,7 - dépenses 363,3 = bénéfice 607,4 ; rémunération en dividendes 102,0 + paiements au Trésor 147.1 = 249,1 ; bénéfice 607,4 - paiements 249,1 = 358,3 non répartis par la Fed. Les banques de la Réserve fédérale ont empoché 359 millions de dollars ! « Oh my God !  » pourrait-on s'écrier. 

Mais le bon docteur, impassible, nous rassure : « la dette nationale en 1932 était de 19,5 milliards de dollars, même si la Réserve fédérale aurait versé tous ses profits au gouvernement durant toute cette période, cela n'aurait suffit qu'à payer 3% de la dette nationale. On est bien loin de l'apocalyptique calcul de McFadden.

C'était il y a plus de dix ans. Les mythes ont-ils la vie dure ou la généreuse aspersion d'insecticide, perpétrée par le brave docteur Flaherty, ne fut-elle rien d'autre qu'un léger enfumage ? That is the question !

Mor Aucon.

 

Sources en ligne :

- Edward Flaherty on Political Research Associates - http://www.publiceye.org/conspire/flaherty/Federal_Reserve.html

- Edward Griffin : Meet Edward Flaherty, conspiracy poo-pooist http://www.freedom-force.org/freedomcontent.cfm?fuseaction=meetflaherty&refpage=issues

- Edward Flaherty : A Brief History of Central Banking in the United States - http://odur.let.rug.nl/%7Eusa/E/usbank/bankxx.htm

- Ellen Brown : The Fed now owns the world’s largest insurance company but who owns the Fed http://www.webofdebt.com/articles/time_to_buy_the_fed.php

- Historical Beginnigs - The Federal Reserve - http://www.bos.frb.org/about/pubs/begin.pdf ( PDF, 12,9 MO )

- The Federal Reserve System - Purposes & Functions - http://www.federalreserve.gov/pf/pdf/pf_complete.pdf ( PDF, 29,8 MO )

- Board of Governors of the Federal Reserve System - http://www.federalreserve.gov


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