Grèce-Europe (1) : Reconstruire la confiance (GreTRUST)

par Laurent Simon
lundi 20 juillet 2015

De tout temps, la confiance [1] a été un élément essentiel de l'économie, n'en déplaise aux marxistes [2]. Le référendum grec et les volte-faces de A. Tsipras ont dynamité le peu de confiance qui restait entre les créanciers et les négociateurs grecs, et ont énormément compliqué les négociations du week-end dernier.

La nécessaire confiance est donc urgente à reconstruire, y compris avec les potentiels investisseurs (grecs, européens ou mondiaux) dont la Grèce a un impératif besoin pour construire (enfin) une véritable économie saine et durable, par opposition à l'économie de rente, et marquée par clientélisme, corruption et pouvoir énorme des oligarques.

Rappelons qu'une certaine confiance revenait fin 2014 avec une amélioration certaine de l'économie grecque : suite aux fameuses "mesures d'austérité", le déficit public primaire, c'est-à-dire avant de payer les intérêts de la dette, était revenu mieux que zéro, ce que ne fait pas la France, au passage, depuis des années.

Mais le peuple grec a voté (à 36%) pour A. Tsipras (et dans une moindre mesure pour son parti Syriza), et s'est détourné des forces politiques traditionnelles, qui avaient toutes renforcé le clientélisme, laissé la corruption et les phénomènes de rente se développer, et soutenu l'oligarchie omnipuissante dans ce pays dont l'économie est loin d'avoir les caractéristiques saines des autres pays de la zone euro. Sans même parler des comptes publics truqués par les dirigeants grecs, avec l'aide active, et très bien rémunérée (de l'ordre de 600 M€ par an), de la banque Goldman Sachs.

En quelque sorte, A. Tsipras représentait l'espoir d'un vrai changement des pratiques, et d'un tournant vers des mesures permettant de (re)construire un système économique durable.

Mais en se concentrant exclusivement depuis janvier 2015 pendant 5 mois, avec son turbulent Ministre des finances Varoufakis, sur la restructuration de la dette, et en n'engageant aucune véritable réforme structurelle (ce qui aurait montré leur bonne volonté de résoudre les problèmes, et non de les aggraver), A. Tsipras a, au fur et à mesure, accru la tension avec les créanciers. En l'occurrence surtout les pays européens qui avaient aidé les banques grecques [3] à survivre, pour échapper à l'énorme crise financière et économique.

Cette tension a atteint son paroxysme avec le décision d'A. Tsipras d'organiser un référendum sur la question des mesures en discussion avec les créanciers, et non sur la volonté de rester ou de sortir de la zone euro.

Ce faisant, A. Tsipras s'exposait irrémédiablement à trahir à la fois les 61% de votants (soit 61% x 62% = 38% des électeurs) qui allaient voter NON, et les créanciers qui s'évertuaient à trouver une solution pour aider la Grèce à sortir d'une situation extraordinairement complexe, via un 3e plan d'aide de 53, puis 70, puis 85 Mds d'euros. Rappelons au passage que ces montants ne viennent pas s'ajouter au montant actuel de la dette (323 Mds), puisqu'ils consistent à prolonger cette dette (ils servent à rembourser ules montants de la dette à échoir dans les 3 ans à venir).

Rappelons aussi que le "plan Juncker" de l'UE de relance des investissements -315 Mds d'euros- intègre 35 Mds pour la Grèce.

Du coup, les négociations avec les créanciers sont devenues encore plus difficiles, conduisant les pays d'Europe du Nord ou du Centre à exiger des mesures interprétées comme humiliant la Grèce et les Grecs.

Ce qui ne facilite évidemment pas la reconstruction d'une économie grecque en perdition, très affectée par le bras de fer des 5 derniers mois et la fermeture des banques grecques pendant plusieurs semaines, et ce pendant le plus haut de la période touristique (cherchez l'erreur).

Des 'analystes politiques' ont jugé que le référendum était une bonne idée, puisqu'il avait permis de mettre sur la table la question de la dette grecque. Et puisque Tsipras avait alors pu s'appuyer le peuple grec dans ses négociations avec les créanciers.

A. Tsipras et ces 'analystes politiques' restent évidemment persuadés que 'le politique prime sur l'économique', et ils ne semblent pas toujours pas avoir compris l'extrême importance de la confiance, que ce processus a complètement détruite.

D'autant que maintenant Tsipras a un problème ('économique') non seulement avec les créanciers, mais aussi ('politique') avec les 61% de NON aux mesures 'austéritaires' qu'il présente désormais comme nécessaires...

Et que plusieurs pays (Espagne, Portugal, Irlande, Slovaquie, Estonie, Lettonie par exemple) ne pouvaient accepter que l'on fasse des conditions très particulières à la Grèce, alors qu'eux avaient su faire les réformes nécessaires et qui commencent à payer ! Ou que dans d'autres pays (ex Europe de l'ESt, comme la Roumanie), le montant des retraites est bien inférieur à celui des retraités grecs, et que les salariés grecs partent beaucoup plus tôt actuellement à la retraite (jusqu'à 52 ans !), La marge de manoeuvre des créanciers était (et reste) donc très faible.

Et que le FMI, que le gouvernement grec semble pourtant vomir, revient régulièrement à la charge auprès des pays (créanciers) européens, au sujet d'une dette grecque considérée comme non viable. Une discussion sérieuse avec les créanciers n'aurait-elle pas fait apparaître cette appréciation du FMI beaucoup plus tôt ?

Mais c'est peut-être trop demander à des personnes qui ne croient qu'au rapport de force au bord de l'abîme... et qui ont laissé pourrir la situation pendant 6 mois, s'étonnant maintenant de l'ampleur du désastre !

Quel gâchis !

Enfin, soit ! A. Tsipras vient de corriger la trajectoire, en demandant de faire voter les fameuses mesures par le Parlement grec, par 2 fois.

Maintenant que le mal est fait, et que A. Tsipras semble avoir enfin compris ce que veut dire le mot 'responsable', soutenons ses efforts !

Pour qu'il mette en oeuvre ce plan de la façon la plus efficace possible, qu'il le complète par un programme d'incitations économiques fondamentales (voir les pages ultérieures de cet article), et qu'il évite de grossières erreurs comme la hausse de TVA immédiate.

Car dans la suite de l'article nous verrons aussi que cette hausse immédiate de TVA pouvait utilement être différée, pour plusieurs raisons, économiques et politiques.

Tsipras torpillerait-il à dessein cette mesure, en montrant des inconvénients qui auraient pu être évités ? Serait-ce une façon pour lui de montrer pourquoi il "ne croit pas à ce plan", dont les mesures "étaient nécessaires" ?

Soutenons-le donc, tout en restant très vigilant. Car le principal est l'intérêt des Grecs et des Européens de la zone euro ! Et car les observateurs en Grèce soulignent tous qu'il n'y a pas actuellement d'autre leader grec capable de prendre le relais, que les dirigeants de Nea Democratia (droite grecque, équivalente de l'ex UMP) et du Pasok (PS grec) ont démissionné, et que surtout ces partis ptraditionnels ont tous été décrédibilisés récemment, avec des scores électoraux faibles, ou très faibles (Pasok).

Comme le disait récemment Philippe Dessertine (Cdansl'air) : il n'y a pas le choix, il faut faire avec les dirigeants grecs, d'autant que la réouverture des banques grecques va être extrêmement délicate.


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