Groupe Carrefour : « Vous ne contrôlez rien ! »
par Anne Gaudron
vendredi 17 juillet 2009
Qui n’a pas vu sur le net la vidéo de l’assemblée générale du groupe Carrefour interrompue de manière surprenante par un petit actionnaire qui s’est plain d’avoir eu « la chiasse » en consommant des produit Carrefour ? Cette dénonciation est signe de beaucoup de changements. Décryptage.
Le 25 juin dernier, s’est tenu l’assemblée générale des actionnaires du groupe Carrefour réunissant. Six mois après sa prise de fonction, Lors Olofsson, directeur général du groupe a rendue public son ambition : « devenir le commerçant préféré dans les pays où carrefour est implanté » tout en mettant en place une politique de récession : « Nous devons réduire nos couts pour être en mesure de réaliser nos ambitions qui sont de générer une plus forte croissance et d’améliorer nos marges. ».
Effectivement, le numéro deux de la distribution prévoit une chute d’au moins 15% de son résultat opérationnel cette année. Alors ce ne sera pas à la rentrée que la réduction des prix et la qualité des produits seront plus visibles par le consommateur qui se tourne vers les enseignes de Hard discount. D’ailleurs, histoire de régler ce petit problème de concurrence, le groupe Carrefour a trouvé une solution rapide : la suppression d’une de ces filiales : ED afin de valoriser la marque Carrefour et de contraindre encore une fois le consommateur de faire le bon choix. Un petit porteur intervient « Numéro 4 ». Il prend le micro et dit alors de manière surprenante : « Bonjour monsieur le président. Je suis actionnaire individuel depuis fort longtemps, titulaire d’une carte Pass et je vais tous les vendredis, à midi, au magasin Carrefour de Saint Brice, dans le Val-d’Oise ». Avec ses mots, il explique que la stratégie de Carrefour ne peut pas fonctionner, cette dernière n’étant pas qualitative. : « J’ai acheté des fraises à 1 Euro la barquette de 500 grammes, j’ai eu la chiasse. J’ai acheté du blond qui vient du Costa Rica à 1,40, j’ai eu la chiasse, je vous passe tous vos articles en promotion sur le marché alimentaire, c’est bourré de pesticide, c’est de la vraie merde ! »
Des constatations peu étonnantes : l’enseigne et les pouvoirs publics privilégient la relance de l’investissement au détriment de la consommation. Amaury-Daniel de Seze, président du conseil d’administration garde durant cette intervention un sourire maîtrisé mais le petit porteur de pantalon taille 52 continue dans sa lancée en s’étonnant d’un manque de professionnalisme au rayon textile et provoque l’hilarité générale : « Par ailleurs au rayon textile, j’ai demandé pour acheter des caleçons longs au début de l’hiver. Les caleçons, ils sont arrivés au 15 janvier, et au 15 janvier, ils étaient trop courts au genou, Les pantalons, j’ai voulu en acheter un, c’était taille 58, je ne rentrais pas dedans, et 52, c’est ma taille. J’ai acheté des chaussettes 46-48, une fois lavées elles sont revenues à 38, la taille de ma femme. Vous ne contrôlez rien. »
Crise oblige, les consommateurs affichent moins d’enthousiasme pour les produits non alimentaires. Fort heureusement, les dirigeants n’ont pas interrogé l’intervenant sur l’origine de la machine à laver de sa femme. Sans doute venait-elle également du même hypermarché, importée de chine et achetée à crédit via la carte Pass du monsieur. Amaury-Daniel de Seze a répondu (trop) rapidement sans manquer de remettre l’actionnaire à sa place de petit porteur de caleçon long « Tout d’abord, merci de ces précisions, c’est toujours important de savoir les mensurations, les dimensions, les problèmes techniques que l’on peut rencontrer dans les achats et ça peut nous arriver à tous. » Le directeur général, lui, en profite pour nous rappeler SA stratégie magique car, c’est un super héro, ce nouveau directeur : il va sauver la chaine d’hypermarché ! « J’ai plein de sympathie pour vous monsieur et ça me renforce d’ailleurs dans l’initiative qu’on vient de lancer, il faut réinventer l’hypermarché, et je vous assure que dans le domaine du textile, il paraît qu’on a beaucoup à faire. »
SA stratégie basée sur deux phases. Son objectif : réaliser des économies en France, en Espagne, en Italie et en Belgique pour permettre au groupe de conforter ses parts de marché et d’assurer son expansion dans les marché prioritaires. La première est (heureusement) centrée autour des consommateurs et clients. Elle devrait permettre de dégager 3,1 milliards de gains d’ici 2012 et de prendre (enfin !) en compte la tendance du consommateur-acteur qui passe sa vie sur Internet et se soucie autant de ce qu’il met dans son assiette que de ce qu’il lui reste dans son porte-monnaie. La seconde phase est une simple réduction des stocks à 7 jours qui devrait permettre 1,4 milliards d’économie. Bref, l’important pour Carrefour c’est la marge et la croissance. « Nous voulons nous engager dans une culture de performance et dégager à la fois des marges et de la croissance », a déclaré Lors Olofsson. Que vont devenir les 490000 employés du groupe (dont 140000 en France) ?
Le directeur générale nous rassure : « Je n’ai pas parlé de plan de restructuration ni de plan de licenciement. », mais, Gilles Petit, directeur exécutif de Carrefour France reste plus nuancé : « Il n’y aura pas de plan social majeur », alors peut-être y aura-t-il des plans sociaux mineurs ? Notre petit actionnaire l’a bien compris et clos son discours ainsi : « Par ailleurs, le prix de l’action a terriblement chuté, le dividende aussi. C’est la raison pour laquelle je voterai non à toutes vos propositions de résolution. Au revoir. » En attendant 2012, le groupe a déjà réalisé une belle économie en communiquant gratuitement sa stratégie corporate : 100000 visiteurs rien qu’hier (jeudi 9 juillet) sur You Tube pour 0 Euros de dépensé.