Hausse des prix : les causes et les solutions

par antoineray
mardi 11 mars 2008

La hausse des prix dans le secteur alimentaire en France est le fait d’un oligopole. Afin d’instaurer la concurrence qui manque à ce secteur, l’Etat doit faire pression sur les prix en devenant patron de sa propre enseigne.

Etat des lieux

On le constatait dans la vie de tous les jours, c’est maintenant « officiel » : les prix de l’alimentaire explose.
Dans son numéro du mois de mars, le magazine 60 millions de consommateurs estimait que cette hausse pouvait atteindre 48 % sur certains produits. La répression des fraudes, elle, la chiffre entre 11,5 % et 18,2 % dans son étude comparée des prix du mois d’octobre 2007 à ceux de mars 2008.
Mais cette hausse n’est ni nouvelle ni spontanée, elle s’est étalée dans le temps depuis le début des années 2000.
Déjà en 2004, alors que M. Sarkozy n’était que ministre des Finances de M. Raffarin, il avait demandé aux responsables des grandes enseignes alimentaires de faire « un effort sur les prix des aliments de consommation courante » par le biais du désormais célèbre « panier type » de la ménagère. Une solution qui avait permis sinon de faire réellement baisser les prix, au moins de limiter les augmentations brutales à court terme. Mais quatre ans après, force est de constater l’échec de ces mesures, inefficaces à moyen terme.
Comment expliquer cette hausse vertigineuse des prix lorsque l’inflation est au plus bas ? Par quel moyen l’Etat peut-il intervenir efficacement, afin, non pas de réguler les prix, mais de faire pression vers le bas sur ceux-ci ?

L’oligopole du secteur alimentaire, une concurrence monopolistique qui tire les prix vers le haut

Afin de comprendre ce qui se trame dans le secteur des super et hypermarchés français, il est nécessaire de revenir à la base de la théorie économique.
C’est lors de la Révolution industrielle, durant la seconde partie du XIXe siècle que les économistes ont, pour la première fois, tenté de théoriser l’analyse économique par le biais du « marché de concurrence pure et parfaite ».


Sur un marché de concurrence pure et parfaite, le prix de chaque bien est au plus bas possible, chaque entreprise est contrainte de vendre ses produits à leurs coûts de revient sous peine de ne plus rien vendre compte tenu de la concurrence.
Il existe cinq conditions de base au marché de concurrence pure et parfaite :

1. L’atomicité : il doit y avoir, sur un même marché (celui des aliments par exemple) un grand nombre d’entreprises si petites qu’elles ne peuvent influer sur les prix. Par exemple, si je souhaite entrer sur le marché des bananes, je ne pourrai imposer un prix, je devrai indexer le prix de mes bananes sur celui de mes concurrents afin de rester compétitif.

2. L’homogénéité des produits : il faut que les produits vendus par les entreprises en concurrence soient équivalents, c’est-à-dire, de même qualité. Si je désire entrer sur le marché des bananes, mes fruits doivent être de qualité égale à ceux de mes concurrents.

3. La libre entrée sur le marché  : il est nécessaire que chacun puisse entrer sur le marché qu’il désire, au moment où il le désire, sans aucune contrainte. Cela signifie que je dois pouvoir entrer sur le marché de la banane sans avoir à payer de taxe ni tout autre forme de restriction. Il en va de même pour la sortie du marché ; si je désire ne plus vendre de bananes, je dois pouvoir me retirer du marché quand bon me semble.

4. La transparence : l’information doit être transparente, illimitée et gratuite, ce qui signifie que, si je veux acheter des bananes, je peux avoir accès à une grille des prix de tous les producteurs de bananes du marché sans payer et à tout instant. Je peux donc voir où les bananes sont le moins chers.

5. La mobilité des facteurs de production  : à tout instant je peux changer de marché, aussi bien sur le plan géographique que sectoriel. Je peux, du jour au lendemain aller vendre mes bananes à Lille plutôt qu’à Paris. Je peux aussi du jour au lendemain vendre des pommes plutôt que des bananes.

La suite de cet article ne débattra pas des bienfaits et méfaits de la concurrence pure et parfaite, mais se centrera sur un fait : elle permet les meilleurs prix possibles en instaurant une réelle concurrence sur le marché.
Afin de connaître le problème du secteur alimentaire, il convient donc de se demander quelles sont les conditions non respectées par celui-ci. Elles sont au nombre de trois : l’atomicité, la libre entrée sur le marché et la mobilité des facteurs de production.
Il est en effet impossible de dire que le secteur alimentaire se compose de plein de petits vendeurs, mais plutôt de quelques grandes enseignes. Chacun ne peut pas entrer sur le marché aussi facilement que cela, le seul coût de construction d’un supermarché peut être considéré comme une barrière. Enfin, il est évident que les facteurs de production du supermarché ne sont pas mobiles, vous ne pouvez pas changer de secteur ni de lieu géographique si facilement.
Au contraire, la transparence est plutôt respectée ; vous pouvez assez aisément connaître les prix pratiqués dans les supermarchés proches de chez vous. L’homogénéité est aussi plutôt respectée ; vous trouverez à peu de choses près les mêmes produits dans chaque enseigne.
Puisque trois conditions ne sont pas respectées, le marché de l’alimentaire en France n’est pas un marché de concurrence parfaite, il est même tout le contraire : un oligopole.
Un oligopole est présent lorsque qu’il n’y a que quelques producteurs sur le marché, et c’est bien le cas ici : quelques grandes enseignes composent le paysage de l’alimentaire en France. Cela pourrait ne pas être un problème si celles-ci étaient en concurrence, mais ce n’est pas le cas. Plutôt que de perdre leurs marges en se concurrençant sur les prix, les grandes enseignes ont choisi de mettre en place un cartel : se mettre d’accord sur des prix afin de ne plus se faire concurrence. De ce fait, les consommateurs ne peuvent pas faire marcher la concurrence et sont contraints de consommer au prix fort, au profit des supermarchés.
La hausse des prix dans le secteur alimentaire français n’a donc rien à voir avec une supposée hausse du prix des matières première, mais est simplement le résultat d’une concurrence monopolistique due au manque d’acteurs sur le marché.

Pour la création d’une enseigne publique !

Face à ce problème, que faire ? Madame la ministre de l’Economie a choisi, comme le fit son prédécesseur M. Sarkozy avant elle, de réunir les responsables de la grande distribution afin de leur demander plus de concurrence. Monsieur le Premier ministre a, quant à lui, repris la désormais célèbre technique du panier type qui n’arrangera aucunement les choses sur le long terme.
Faut-il alors revenir à un contrôle des prix qui stopperait net toute augmentation ? Cette solution pourrait paraître attrayante puisqu’elle permettrait de garantir le pouvoir d’achat. Mais au-delà même d’une impossibilité de la mettre en œuvre, une telle proposition n’est pas souhaitable dans la mesure où elle mettrait fin à toute concurrence et donc à toute innovation. La concurrence permet la baisse des prix, mais elle incite aussi à l’innovation. Si l’on fixe les prix, on met fin à la concurrence et donc à l’innovation et la marche en avant d’une société.

En revanche, il existe une solution bien plus réaliste et extrêmement plus ambitieuse : mettre en place une enseigne de supermarché publique !
Il n’est pas question de financer celle-ci par un impôt afin d’y faire des prix plus bas, mais, au contraire, de faire de cette enseigne la même que les autres... En concurrentielle !
Une enseigne qui joindrait l’oligopole, mais sans accepter le cartel, une enseigne qui viendrait concurrencer le cartel en instaurant de vrais prix de marché et non des prix d’entente. Une enseigne qui ferait des bénéfices comme n’importe quelle société et qui n’aurait de public que l’éthique, la volonté d’instaurer une vraie concurrence.
Cette idée permettrait de faire pression vers le bas sur les prix, et les concurrents de cette enseigne publique n’auraient qu’à baisser leurs marges pour ne pas perdre leurs clients.

Le seul moment où l’Etat doit intervenir sur le marché, c’est quand celui-ci n’est pas concurrentiel. Certains pensent que le meilleur remède est alors que la fonction publique se substitue au marché en fixant les prix, ils ont tort. Je pense que l’Etat doit au contraire devenir un acteur sur le marché, guidant celui-ci à la concurrence pour l’intérêt général.


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