IKEA : le capitalisme sympa

par Lilian Elbé
mardi 5 octobre 2010

Tournez-vous sur 360° ; que vous soyez dans un bureau, dans votre chambre ou surtout dans votre appartement, vous trouverez forcément un objet acheté chez IKEA, le géant suédois. Le meuble suédois est devenu un mythe moderne, à l’image sympathique, à la fois jeune et familiale. Mais IKEA n’en reste pas moins un géant du capital, qui vient pour la première fois de son histoire de dévoiler le secret sur ses bénéfices.

 

 

Retour sur un brillant « success-storytelling » 

IKEA fut crée il y a soixante ans par Ingvar Kamprad, à Älmhult en Suède. Vous pouvez penser que de préciser le nom de la ville n’est pas ici primordial. Eh bien détrompez-vous : Älmhult a donné sa première lettre au logo « IKEA », en réalité un acronyme composé à partir des premières lettres du prénom du créateur, du nom de la ferme de ses parents (Elmtaryd) et, si vous suivez, de sa ville. Voilà de quoi briller en société avec cette anecdote inutile, non ? Allez une autre : saviez-vous que le nom imprononçable de chaque produit a été élu en fonction de critères bien particuliers ? Par exemple, les rideaux sont des noms de femmes, les meubles de jardin des îles suédoises, les objets pour enfants des animaux ou des adjectifs. Pourquoi ? parce que le fondateur de la société est dyslexique, alors des termes courants sont plus simples a retenir !

Plus sérieusement, le distributeur mondial du meuble a toujours eu un statut particulier par rapport aux autres marques. D’abord, parce que tout le monde aime IKEA. Si vous êtes sceptique (vous ne chercheriez pas à dénigrer cet article par hasard ?), ouvrez simplement un magazine d’annonces immobilières, et vous pourrez lire, entre autres arguments mensongers, « proche IKEA », ou « A 20 minutes d’IKEA ». Pour une ville, la présence d’un énorme bâtiment bleu et jaune est un atout majeur, attirant bien plus de visiteurs qu’un musée des beaux-arts, qui lui ne vend même pas les posters aux couleurs ternies qu’il expose. C’est pourquoi la construction d’un nouvel établissement est un réel événement, ayant droit depuis toujours à petit son reportage régional : voir la video d’archives INA.

Et si vous êtes un inconditionnel assumé, sachez que la ville d’Almhult, siège historique, est surnommée Ikéaville, avec des maisons IKEA, des restaurants IKEA, et même un hôtel IKEA !

Le capital sympathie de la firme est aussi et surtout du à ses techniques commerciales. Des prix non seulement très bas, au point que les studios étudiants d’aujourd’hui pourraient tous figurer dans le catalogue annuel, mais également une myriade d’autres services : une épicerie « suédoise », un restaurant, un bar, un espace nounou pour enfants trop bruyants, jusqu’au légendaire petit crayon à papier pour noter les références et mesures. On peut même acheter du gel douche pour se laver « IKEA ». Aujourd’hui ces atouts se démocratisent dans d’autres établissements, mais ce sont eux qui ont fait du magasin un lieu de séjour où l’on achète des séjours ! C’est d’ailleurs IKEA qui a inventé le concept d’aménager des pièces-témoins testables, copiées sur la maison du consommateur idéal.

Ses atouts, son image, la société suédoise en est consciente. Ses campagnes jouent sans originalité du storytelling à tout-và (en 2009 dans le catalogue une page complète était consacrée à l’histoire trentenaire de la bibliothèque Billy). Le plus dur sera de conserver cette image tout en se développant encore plus. Aujourd’hui, avec 280 magasins dans le monde dont plus de 200 en Europe, la firme prévoit d’ouvrir d’ici à 2020 douze établissements supplémentaires rien qu’en France, pour porter le parc national à quarante. Cependant, si 64 % des Français sont à une heure de distance d’un magasin et qu’ils passent à 80 %, la posture quelque peu « touristique » de la marque risque de s’estomper, et de faire tomber IKEA dans le rang de ses concurrents, où l’on s’y rend par habitude avec une mine morose le samedi après-midi...

Sympa, mais pas moins fructueux

Si on peut acheter des tables basses à 5 € et qu’il faut monter son armoire soi-même, ce n’est pas car Monsieur Kamprad, au bord de la faillite, tente de sauver les meubles (hum). Bien au contraire. Vendredi dernier, pour la première fois depuis sa création, la multinationale a révélé un bénéfice annuel, sur 2008-2009, de 2,5 milliards d’euros, pour un chiffre d’affaire d’environ 22 milliards d’€. En 2009-2010, celui-ci a même augmenté de 7,7 %, et ce malgré des "conditions économiques difficiles", se permet-on de préciser dans le communiqué officiel ! Difficiles surtout les employés, qui il y a quelques mois ont dû se mettre en grève pour réclamer des salaires décents...

Puisque la société n’est pas en Bourse, la fortune revient intégralement à la fondation familiale (à but lucratif tout de même). Il doit en falloir des armoires pour faire dormir inutilement toute cette somme d’argent !


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