Il faut démanteler les géants bancaires

par Michel Santi
mercredi 30 septembre 2009

Naïveté ? Incompétence ? Hypocrisie ? Nos politiques évoquent incessamment l’intensification de la régulation bancaire et se targuent d’adopter des mesures en ce sens au rythme des sommets internationaux mais qui cherchent-ils au juste à berner ... à moins qu’ils se plaisent à se bercer d’illusions car toute nouvelle réglementation est à terme condamnée à être outrepassée, violée ou subtilement contournée par le système bancaire.

L’ingéniosité du système est en effet toujours en avance sur un régulateur dont les gènes ne le prédisposent pas à anticiper sur l’inventivité - parfois sur la duplicité - financière. Au besoin, des institutions, des moyens et des instruments spécifiques sont créés de toutes pièces dans le seul but de s’affranchir de ces nouvelles règles...Ces géants de la finance, à l’instar de ces microbes développant progressivement une résistance aux antibiotiques, sont assurés de synthétiser en définitive - souvent à l’aide des mathématiques - la bonne antidote à la régulation en vigueur.

Nos politiques doivent impérativement se rendre à une évidence dont tout le monde est aujourd’hui conscient : Les concentrations bancaires excessives sont dangereuses et les méga institutions " too bigs to fail " doivent être démantelées ! Ces géants - qui entravent le développement des petites banques -, induisent une telle distorsion dans l’environnement économique d’un pays, d’un continent voire du monde que le préalable au rétablissement de nos économies et au retour de la croissance passe malencontreusement aujourd’hui par le sauvetage et la prospérité de ces too bigs to fail. 

Comment et pourquoi décemment persister à laisser ces mastodontes monopolisant toutes les activités, pouvoirs et dépôts bancaires entraîner l’économie réelle et le niveau de vie de nos citoyens dans leur chute suite à leurs mauvais choix stratégiques ? Comment de surcroît feindre d’ignorer l’interconnexion potentiellement dévastatrice de ces institutions qui, avides de levier, de titrisation et de produits dérivés, sont susceptibles de toutes s’effondrer comme un jeu de dominos dès lors qu’une seule d’entre elles est sinistrée ? Bank of America, Goldman Sachs, Citigroup, Morgan Stanley et JP Morgan Chase ne détiennent-elles pas à elles cinq 96% de l’exposition aux dérivés de crédit et 80% de l’encours global en produits dérivés des Etats-Unis ?

Ce démantèlement des banques se doit de tracer une frontière claire entre les établissements d’intérêts publics qui ont pour mission de collecter les dépôts, d’assurer les transferts bancaires et les prêts aux entreprises et aux privés et ceux impliqués dans la prise de risque. Par ailleurs, une surveillance permanente et transfrontalière devra être mise en place afin d’éviter les tendances "naturelles" aux fusions et acquisitions d’établissements désireux de mettre en commun leurs complémentarité en vue de se transformer en too big to fail...

Pourquoi les Banques ne pourraient-elles pas après tout faire faillite et disparaître exactement comme des entreprises du secteur industriel et en vertu de quelle loi ancestrale devrions-nous consentir à rester éternellement à la merci et les otages des faillites bancaires ? La stabilité de notre système financier et, partant, de l’ensemble de notre tissu économique exige une décentralisation des pouvoirs des banques et leur éclatement en diverses entités aux attributions et aux modèles économiques variés. En fait, l’hyper régulation qui doit s’exercer à tous les niveaux et qui doit toucher l’intégralité des secteurs d’activité de l’hyper concentration bancaire sera forcément plus simple à mettre en place dès lors qu’elle s’adresse à des établissements de taille raisonnable et pas forcément impliqués dans des transactions sophistiquées. La déconcentration bancaire assainirait le paysage financier tout en optimisant la tâche du régulateur.

Par ailleurs, un établissement financier qui, par sa taille et par sa structure, pourrait être laissé en faillite sans aucune répercussion sur des déposants bénéficiant de la garantie de l’Etat pour leurs avoirs, verrait une pression intense émanant de son actionnariat qui pousserait pour une gouvernance irréprochable et pour une prise de risques limitée. Effectivement, cette crise raconte également l’échec - et la négligence - de l’actionnariat institutionnel et privé n’ayant pas su ou pas voulu exercer de vigilance sur les conseils d’administration et sur les directions générales.

Le démantèlement des banques importantes n’éliminera certes pas le risque systémique mais insufflera néanmoins une bonne dose de responsabilité auprès de banquiers qui n’oseront plus encore et toujours impunément pousser leurs mécaniques aux extrêmes. Pour autant, une telle entreprise audacieuse nécessiterait absolument une coordination des Etats car, sans volonté politique commune et globale, les banques bridées par un pays s’empresseraient de délocaliser leurs activités dans un autre Etat plus permissif. Nous vivons dans un monde et dans une économie globales : tandis que nos financiers s’y sont adaptés depuis longtemps, nos Gouvernants, eux, ne parviennent toujours pas à apporter des réponses globales.


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