Indemnité inflation : l’adieu aux ruraux ?

par Laureen Reyrolle
jeudi 28 octobre 2021

Les revoilà les classes moyennes et populaires, grondantes, éternelles insatisfaites, prêtes à renfiler leur gilet jaune. À moins que ce ne soit leur masque jaune ? Deux ans après la vague de contestation, des millions de français se retrouvent encore pris à la gorge, le porte-monnaie vide, à l’approche de Noël. Les populations rurales, à l’époque sur le devant de la scène, se taisent. Serait-ce le signe d’une lente agonie ?

L’explosion des prix de l’énergie porte un coup fatal au pouvoir d’achat

En cette fin d’année, la flambée de l’énergie touche tous les secteurs et tous les foyers. Le gazole et l’essence atteignent de nouveau des montants records avec respectivement 1,53 et 1,66 euro par litre. De quoi atteindre durement le budget des français et leur moral, déjà bien éprouvé par la crise sanitaire. Nul n’est épargné, et surtout pas les zones rurales, une nouvelle fois frappées de plein fouet. Les habitants des campagnes appartiennent essentiellement aux classes populaires. La voiture est un élément central de leur vie… et de leur survie. Sans elle, pas de travail, pas de soins, pas de courses, pas de loisirs, impossible de s’en passer. Il est facile d’atteindre les 400 km ou plus, par semaine, et il ne reste alors qu’à assumer le surcoût des pleins et se serrer la ceinture en silence.

D’autant que la hausse des prix ne concerne pas que le carburant, elle touche également les autres énergies, l’électricité et le gaz. Prenez votre respiration, c’est parti pour durer. Mutuelles et assurances vous attendent sagement en Janvier. D’ailleurs, l’aide destinée aux carburant a été habilement renommée « indemnité inflation ». A l’extérieur du logis, comme à l’intérieur, tout n’est qu’augmentation. Les entreprises, de leur côté, ne parviennent plus non plus à faire face à leurs factures et doivent répercuter cette hausse de coûts sur les prix de leurs produits. Faire ses courses coûte donc plus cher, jour après jour, et la baguette, notre icône nationale, ne devrait pas, elle aussi, tarder à flamber. Une bonne nouvelle pour nos politiques cependant, qui de manière exceptionnelle, à l’aube des élections, ne seront pas trop déconnectés en l’estimant à 7 euros. Lionel Jospin avait tout d’un visionnaire.

Le tribut des campagnes s’alourdit

Pourquoi le payent-elles au fait ? Nul ne le sait. Éternelles grandes perdantes de toutes les mesures politiques, cette situation, établie depuis des années, n’a jamais cessé d’empirer. Pourtant l’espoir renaissait, début Octobre, lorsque Emmanuel Macron visitait la SPA de Gray, et affirmait « un chasseur, il aime son chien, il aime les animaux, il aime la nature ». Forts de ce syllogisme, nous voilà à espérer que le Président, qui aime les chasseurs (ce n’est plus à démontrer étant donné les faveurs accordées), aime aussi la nature, les campagnes, et donc les habitants des campagnes ! Un espoir vain ? Privées de l’accès aux soins, avec une espérance de vie désormais bien supérieure dans les grandes villes, et de l’accès à l’éducation, avec la fermeture de 400 écoles rurales en 2019, les campagnes se languissent de tout ce qui leur a été ôté. Vont-elles désormais bientôt mourir de froid ou de faim ? 3,5 millions de foyers se chauffent encore au fioul, et bien évidemment, ces français se trouvent en majorité dans les zones rurales. La montée en flèche des carburants n’a pas épargné le fioul dont le litre dépasse maintenant 1 euro, soit 20 % d’augmentation par rapport à l’an dernier... De quoi obliger certains, notamment les plus âgés ayant de faibles retraites, à opérer des choix draconiens : ne plus se chauffer ou rogner sur les autres postes, comme l’alimentation, pour pouvoir passer l’hiver. Si la saignée se veut thérapeutique, la guérison de nos chancelants territoires ruraux se fait bel et bien toujours attendre.

L’indemnité de 100 euros n’y changera rien, la campagne est déjà bien mal en point, silencieuse et résignée. Un mépris politique qui, par ses assauts répétés, pourrait cette fois avoir des conséquences, non pas sur les ronds-points, mais dans les urnes.


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