Industrie : qui sont les gagnants et les perdants de la mondialisation ?
par Christophe Bugeau
mardi 21 septembre 2021
Relocalisation ou pas ? Ceci est devenu un large débat politique depuis la crise du COVID de 2020. La mondialisation heureuse a entraîné une délocalisation de la production industrielle des pays développés vers les pays en développement, notamment ceux d’Asie de l’Est. Mais où en est-on exactement aujourd’hui ?
Au niveau mondial, le poids de l’industrie (fabrication uniquement, sans l’énergie et la construction) dans le PIB est passé de 16,9 % en l’an 2000 à 14,5% en 2019 (https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NV.IND.MANF.ZS). Le poids de l’industrie baisse dans le PIB mondial (due aussi à des prix de revient moins importants dans les nouveaux pays industriels ?), mais bien sûr cette évolution est très contrastée et dépend pour beaucoup du type de pays.
Commençons par l’Europe : L’Allemagne est le seul grand pays à bien s’en tirer : l’industrie représentait 20,5 % de son PIB en 2000 et 19,1 % en 2019 soit une quasi-stabilité due à son positionnement sur des produits de qualité (qui sont peu sensibles aux variations de prix) et aux délocalisations partielles vers les pays d’Europe centrale qui sont devenus pourvoyeurs de produits intermédiaires à un coût très raisonnable. Ainsi, la République tchèque sur ces 20 dernières années a vu le poids de l’industrie passer de 23,4 % à 22,4 % et la Pologne de 16 % à 16,6 %. Ces pays ont vu s’installer de nombreuses usines allemandes.
La France, l’Espagne et l’Italie positionnées sur des produits à plus faible valeur ajoutée, et donc plus sensibles aux prix, ont perdu une partie de leur industrie du fait de l’Euro fort : de 2000 à 2019, ces trois pays ont vu leur industrie passer respectivement de 14,5% à 9,8%, de : 16,2 % à 11,1% et de 17,5% à 14,9% de leur PIB. C’est donc l’Italie qui s’en tire le mieux, alors que la France et l’Espagne ont une production de biens industriels proche de 10% du PIB.
Les pays anglo-saxons ne sont pas en reste, leur désindustrialisation se précise : de 2000 à 2019, la Grande-Bretagne voit l’industrie passer de 13,5 % à 8,7 %, les Etats-Unis de 15,1 % à 10,9 % et le Canada de 17 % à 9,7 % (en 2017). Ces pays, comme la France ont une industrie qui pèse 2 fois moins dans leur PIB que l’Allemagne.
Et qu’en est-il dans le nouveau centre du monde, l’Asie de l’Est ?
Le japon conserve une industrie puissante malgré des délocalisations : de 22,5 % en 2000 le poids de l’industrie est passé à 20,7 % (en 2018). Quant à l’Atelier du monde, la Chine voit l’industrie passer de 31,9 % à 26,8 % en 2019. Ce plus faible pourcentage tient certainement au développement progressif du pays qui commence à passer à de plus fortes activités tertiaires tout en conservant ses usines. L’Indonésie pour sa part est passée de 22,6 % à 19,6 % entre 2000 et 2019.
Concernant les autres pays émergents, la situation est plus contrastée : l’inde passe de 15,9 % à 13,3 %, la Russie de 15,2 % (en 2002) à 13,2 % et le brésil de 13,1 % à 9,8 %. Ces pays qui par leur salaires, leurs matières premières ou leurs ressources énergétiques ont de véritables atouts ont du mal à tirer leur épingle du jeu.
Il n’en est pas tout à fait de même du Mexique dont l’industrie se maintient sur cette période de 18,9 % à 17,3 % du PIB. Ceci sûrement grâce aux usines américaines installées sur son territoire (comme le fait l’Allemagne avec les pays d’Europe de l’Est).
En conclusion, deux types de pays émergent, ceux dont le poids de l’Industrie dans le PIB reste important (autour de 20 %) : Allemagne, Japon, pays d’Europe de l’Est, pays d’Asie du Sud-Est et une Chine plutôt à 25 %. Et des pays qui sont fortement désindustrialisés (industrie à 10 % du PIB) : pays de l’Europe du Sud et France, pays Anglo-saxons, et des pays émergents dans une position un peu intermédiaire mais qui perdent du terrain, Russie, Brésil et même Inde.
Ces différences ont bien sûr des effets sur les flux commerciaux, les pays les plus industrialisés étant fortement exportateurs et les pays désindustrialisés étant fortement sous leur dépendance.