Introduction au CMN : Revenu d’Existence, refondation de l’économie ?

par Abolab
samedi 24 mai 2008

Introduction au Cycle Monétaire Négatif. Un récent article signalait que le Premier Ministre François Fillon a mandaté un groupe de travail pour réfléchir à la possibilité d’instauration en France d’un Revenu d’Existence, qui pourrait remplacer à terme, le Revenu Minimum d’Insertion. La barrière psychologique d’un tel revenu franchie au niveau de l’Etat, celle, financière, de la mise en application d’une telle mesure n’en demeure pas moins plus délicate à dépasser. Mais si l’idée d’un Revenu d’Existence peut être intéressante, nous allons voir qu’elle est économiquement déterminée par les faiblesses du modèle économique actuel, basé, paradoxalement pour un système libéral, sur une interdiction, et non sur une libéralisation monétaire, et sur une division de l’économie, régulée par une politique économique européenne centralisée au niveau des nations.

Les trois principes théoriques du Revenu d’Existence

Le Revenu d’Existence (RE) s’inscrit dans la droite ligne de l’idée d’une allocation universelle, dont disposeraient tous les citoyens. Elle s’inscrit comme toutes les allocations existantes dans l’ancien modèle libéral historique qui attribue à l’Etat une position de distributeur légal de telles allocations en direction des citoyens concernés. Ce revenu se définit ainsi comme allouable, déductible et capitalisable.

Allouable, le Revenu d’Existence est distribué par l’Etat et est donc soumis potentiellement aux restrictions budgétaires politiques de ce dernier.

Déductible, le Revenu d’Existence est ponctionné sur le salaire minimum légal. En effet, selon l’Association Pour le Revenu d’Existence (AIRE), un salarié au SMIC perçoit 960 euros net par mois. Cela inclut 300 euros de Revenu d’Existence. Le RE n’est donc pas théoriquement une création monétaire, car se déduisant de la masse monétaire déjà effective dans le cadre de l’économie actuelle.

Capitalisable, le Revenu d’Existence se définit, toujours selon l’AIRE, par l’ouverture d’un compte spécialisé : A l’ouverture du plan de transition, chaque citoyen ouvre dans la banque de son choix, pour lui et ses enfants, un nouveau " compte d’existence " individuel. Chaque mois le compte sera crédité du montant du RE.

Les principes d’allouabilité, de déductibilité et de capitalisabilité, définissent donc le Revenu d’Existence (RE), mais en constituent également les limites et les restrictions nouvelles ou anciennes, héritées du sytème monétaire actuel.


Critiques théoriques du Revenu d’Existence

Aussi, plusieurs critiques théoriques peuvent être énoncées sur cette réforme potentielle :

1°) Le Revenu d’Existence apparaît comme une mesure politico-économique centralisée.

Le plan de financement du RE se place dans ses fondement au niveau de la politique économique internationale, et nécessite d’enfreindre pour sa mise en place son deuxième principe de définition : le principe de déductibilité. En effet, son lancement nécessite selon l’AIRE, la mise à contribution du réseau bancaire, par de la création monétaire, sous forme d’un prêt non remboursable sur cinq ans dont les intérêts seraient pris en charge par l’Etat. Le Revenu d’Existence serait par la suite financé par les impôts. De part son principe d’allouabilité, il correspond donc à la mise en place d’une centralisation nationale des distributions, qui se concrétise par son évaluation arbitraire au regard du marché. Cette centralisation sous l’égide de l’Etat n’est donc pas à l’abri des aléas politiques nationaux, en transférant son financement hors du flux monétaire lui-même représenté par le réseau bancaire, qui seul peut garantir la faisabilité et la fiabilité du système économique.

2°) Le Revenu d’Existence autorise la création d’une économie parallèle de la pauvreté

De part son principe de capitalisabilité discriminante (création d’un « compte d’existence »), le Revenu d’Existence permet la mise en place au sein même du système bancaire d’une économie parallèle de la pauvreté. Car si le RE, de part son principe de déductibilité, concerne tous les citoyens, sa capitalisation concerne sans exception toutes les classes sociales défavorisées de la société, ce qui est d’autant plus accéléré, par la prévision de suppression de tout un large panel d’aides sociales accompagnant la mise en place de cette réforme. Ce regroupement bancaire de toute une partie de la population de part ses revenus apparaît comme discriminante, et segmente l’économie dans une logique à terme, à double vitesse : en séparant l’économie d’existence de l’économie normalisée, au niveau bancaire, l’Etat autorise la spéculation financière ciblée et garantie, sur les classes de population les plus pauvres.

3°) Le Revenu d’Existence ne répond pas aux contraintes nouvelles de l’économie mondialisée.

La dette publique des états, les déficits publics en terme de sécurité sociale, le problème des retraites, des allocations chômage ou celles concernant les personnes dites « non-actives », toutes ces contraintes économiques gouvernementales héritées du modèle libéral historique alourdissent considérablement les activités politiques actuelles. Les solutions apportées, le plus souvent composées de mesures isolées et fragmentaires, demeurent insuffisantes, et restent inscrites dans un système économique régi par un réseau bancaire dont les outils fiscaux deviennent de plus en plus complexes, et sur lesquels les citoyens n’ont plus de prise. Dans une perspective de gestion éco-compatible des activités humaines avec l’économie mondialisée, le Revenu d’Existence ne s’inscrit pas dans une relocalisation de l’économie monétaire incitant à l’entrepeuneuriat individuel, mais dans une logique d’assistanat étendu, déconnectée des marchés directs, et celle uniformisante de blocs économiques nationaux en compétition à l’échelle de la communauté de marché européenne.



Le Revenu d’Existence, révélateur du non libéralisme de l’économie monétaire européenne


De part son principe de déductibilité, le Revenu d’Existence ne consiste pas en une création monétaire, mais à une transformation et à un transfert de logistique économique. Cependant, son lancement nécessite l’appui du réseau bancaire par de la création monétaire sous forme d’une rente perpétuelle dans le cadre d’un plan quinquennal. Cet état de fait souligne la contradiction économique existant au cœur du sytème libéral actuel, la politique économique européenne étant basée sur une interdiction et non sur une libéralisation monétaire.

En effet, la Banque Centrale Européenne (BCE) et le pacte de Stabilité et de Croissance européen reposent sur un interdit institutionnel d’accorder des découverts à des organismes ou institutions non bancaires, énoncé dans le Traité instituant la Communauté Européenne à l’article 101 (ex article 104), et conformément au Traité de Lisbonne, ceci afin bien sûr d’éviter la corruption mais aussi la banqueroute des acteurs économiques hors réseaux bancaires. Cette interdiction repose sur la division institutionnelle entre le réseau bancaire, garant économique de la Communauté, et les acteurs institutionnels économique et politique de cette Communauté. Aussi, dans une optique d’économie mondialisée éco-compatible aux activités humaines (cf par exemple le principe de longue-traîne énergétique), l’interdiction de découverts, appliquée aux institutions, ne se légitime pas, économiquement, en ce qui concerne les individus composant la Communauté, et la libéralisation de ces découverts par le réseau bancaire constitue une réelle possibilité d’alternative directe au Revenu d’Existence, qui est quant à lui centralisé de manière étatique et déconnecté des réseaux bancaires et donc des marchés.





Pour les particuliers, ce sont les banques dites de détail qui gèrent et s’occupent du commerce de l’argent et de son flux dans le cycle monétaire bancaire. Au niveau des Etats, les banques centrales réglementent et supervisent les activités bancaires territoriales, ainsi que la production de monnaie, en vue de réguler la croissance selon des objectifs définis dans le cadre de l’Union Européenne, par des consensus entre les Etats membres. La Banque Centrale Européenne (BCE) ne peut prêter qu’aux organismes de crédits publics ou privés, et ces derniers n’autorisent des découverts aux citoyens que de manière limitée et soumise, par exemple en France, à l’ "Autorité des Marchés Financiers" (AMF). L’autorisation de découvert ou « facilité de caisse » est couramment proposée par les banques à leurs clients, de manière temporaire ou permanente, sur des montants limités, permettant ainsi de faire une avance à un client sur un revenu, allant même jusqu’à la forme de prêts encore appelés : « crédit à la consommation ». Le découvert permet généralement pour le client de la banque de pallier à une situation débitrice de courte durée (quelques jours à quelques mois, selon les banques et la situation financière du client). Ce système de monétarisation négative limitée est à la base du cycle de monétarisation négative.


Le Cycle Monétaire Négatif

Tiraillés entre l’étatisme et la libéralisation tout azimut des marchés, les gouvernements semblent ne pas trouver de mesures adéquates aux contraintes économiques et sociales, dans le système bancaire actuel, et c’est pourquoi une nouvelle approche de la régularisation du commerce monétaire de détail est à envisager afin de dépasser les contradictions inhérentes au libéralisme actuel.

Un cycle de monétarisation négative ouvert, ou « découvert illimité » permet de s’affranchir des multiples complications économiques générées par le système bancaire actuel, au service des Etats et non des particuliers, et peut remplacer avantageusement un Revenu d’Existence, tout en évacuant ses contraintes. Effectivement, par rapport au Revenu d’Existence, le principe de « découvert illimité » recouvre un spectre d’action économique beaucoup plus large, et définit un Revenu Minimum Vital (ou de Subsistance), non pas arbitrairement évalué, mais calculé en fonction d’un taux d’Autorisation de Découvert directement lié au taux de croissance du PIB d’une nation.

D’autre part, ce Revenu de Subsistance est, contrairement au Revenu d’Existence, non allouable, non déductible et non capitalisable, éludant toutes les contraintes identifiées, générées par ce dernier. Instauré pour les particuliers uniquement, le découvert illimité est régulé directement par la masse salariale cliente de la banque, et en fonction de l’activité ou de la non-activité du salarié autorise l’accumulation dégressive des capitaux, par capitalisation négative(1).


Le flux monétaire du découvert étant non capitalisable (principe de : "à un client particulier correspond un compte et un seul"), celui -ci est approvisionné directement par les banques centrales par l’intermédiaire des banques de détails. L’économie de groupe a ainsi un impact direct sur l’équilibre financier global, en étant liée directement à la consommation des individus. Ce cycle de monétarisation négative est régulé par un Taux d’Autorisation de Découvert (tAD), inversement proportionnel au Taux de croissance du territoire (tC) (taux de variation du PIB) , tel que :


tAD(%) = k* 1 / tC

avec :
tAD(%) Taux d’Autorisation de Découvert
k coefficient correcteur (= 1 pour une croissance normalisée de 3%)
tC taux de croissance ou taux de variation du PIB


L’Autorisation de Découvert (AD) est alors de :
AD = s * tAD

s étant le revenu d’activité de la personne considérée (net) (2)



Le Revenu Minimum Vital ou de Subsistance est défini de la manière suivante :
MV = p * AD

avec :
MV MinimumVital
p coefficient de subsistance-logement individualisé (p=1 si pas de loyer à charge)
AD autorisation de découvert normalisée sur le SMIC (3)



Les découverts illimités pour particuliers permettent, outre une véritable libéralisation de l’économie monétaire, une recentralisation de l’économie des places financières sur l’individuel, via l’approvisionnement des banques de détail par les banques centrales. Cette mesure couplée à une régulation des flux internationaux via la simplification des outils boursiers, la mise en place d’un système de gestion des revenus générés par les transferts internationaux via les chambres de compensation internationales, permettrait ainsi de réduire les déficits publics des territoires tout en renforçant leurs systèmes de protection sociale, par un changement de paradigme monétaire bien plus profond dans ses conséquences et plus facile à mettre en place que l’instauration d’un Revenu d’Existence.


(1) Exemple de capitalisation négative : je dispose d’un solde de "moins 1340 euros". Je réapprovisionne de 1000 euros. Mon capital dégressif sera de "moins 340 euros".

(2) Par exemple :Pour une personne au SMIC (disons : 1000 euros net, salaire mensuel), pour un taux de croissance de 3%, le découvert serait de :
AD = (1000 * 1 / 0.03) / 100 = 333, 33 soit une autorisation de découvert de 333, 33 euros net. La personne pourrait donc ponctionner en solde négatif 333,33 euros par mois.

Pour une personne gagnant 1800 euros net (salaire mensuel) :
AD = (1800 * 1 / 0.03)/ 100 = 600 euros nets. La personne pourrait donc ponctionner en solde négatif jusqu’à 600 euros net par mois. La non capitalisation du cycle monétaire négatif répond aux besoins directs des consommateurs, en favorisant son pouvoir d’achat et en maintenant l’efficience et la liquidité des marchés.

(3) Ainsi, pour une personne n’ayant pas de loyer à charge, MV = 333, 33 euros pour un taux de croissance de 3%. Cette personne sans revenu pourrait ponctionner jusqu’à 333, 33 euros par mois sur son compte.

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