Irlande : allons-nous payer pour sauver l’euro ?

par Catherine Segurane
vendredi 19 novembre 2010

L’Irlande croule sous les déficits, en particulier pour avoir renfloué ses banques à outrance. Et ces déficits pourraient devenir les nôtres. Non pas que l’Irlande demande de l’aide à l’Europe. C’est au contraire l’Europe qui demande à l’Irlande de lui demander de l’aide afin d’éviter qu’elle ne sorte de l’euro et que cela donne des idées à d’autres pays. Quand on marche sur la tête ... En résumé : des banques spéculent et perdent de l’argent ; leur Etat, ici l’Irlande, les renfloue et s’endette pour cela. D’autres banques craignent que cet Etat devienne insolvable et augmentent les taux d’intérêt pour lui prêter. Toutes les banques y gagnent. L’Etat et la population y perdent. L’Irlande subit un plan de rigueur drastique qui ne fait qu’aggraver les choses et empêcher le redémarrage. Quelle solution ? Battre monnaie ? Certes, mais il faudrait pour cela retrouver sa souveraineté monétaire, donc sortir de l’euro. L’Irlande ne semble pas redouter cette éventualité outre-mesure, mais, dans la nomenklatura européenne, on commence à trembler vraiment et à imaginer la fin de l’Euro, et de l’Europe.

La crise irlandaise a mis l’Europe en folie. Qu’on en juge :
 
Dans les années 1990, le tigre irlandais affiche une croissance de 6 % par an, et se voit décerner tous les bons points possibles par les chantres du libéralisme sauvage et de la concurrence libre et supposément non faussée. C’est un paradis des entreprises, qui y paient un impôt sur les sociétés dérisoire. En réalité, ce dumping fiscal n’est possible que parce que l’Irlande reçoit un pactole d’aides européennes. C’est, en fait, de la concurrence, très très très faussée. Faussée avec notre argent et à notre détriment. Les multinationales affluent, font venir des immigrés de partout, s’emplissent les poches à plus soif.
 
La spéculation immobilière s’emballe. Puis, en 2006, la bulle éclate, marquant la fin du tigre celtique.
 
Celui-ci réagit d’une façon que les tenants du libéralisme jugent saine en théorie : il fait porter la crise sur les salariés, mettant en place dès 2008 un plan de rigueur drastique. Les salaires des fonctionnaires sont réduits de près de 20 %. Cet hyper-plan de rigueur, loin d’améliorer les choses, ralentit encore l’économie et augmente par conséquent le déficit budgétaire, en un cercle vicieux apparemment impossible à rompre. Nous sommes dans une anti-crise grecque : c’est l’excès de rigueur qui plombe maintenant l’Irlande. Les multinationales, si promptes à venir profiter de la prospérité quand elle était là, s’envolent sous d’autres cieux.
 
Les banques irlandaises sont prises à la gorge, ces mêmes banques qui venaient pourtant de réussir les fameux stress-tests. Incapables d’emprunter sur les marchés, elles ont emprunté jusqu’à 130 milliards d’euros à la BCE, soit près du quart de l’encours de crédit total de la banque centrale.
 
On assiste à une bizarre négociation à fronts renversés : l’Irlande affirme qu’elle peut s’en sortir seule cependant que ses partenaires, craignant la contagion, font pression pour qu’elle accepte l’aide européenne. Ce que l’Irlande veut éviter, c’est de devoir renoncer à son impôt sur les sociétés dérisoire.
 
Le président de l’Union européenne, Hermann van Rompuy, estime que "la zone euro joue sa survie".
 
Il est possible que ce soit vrai.
 
Et il est possible que ce ne soit pas une mauvaise chose ...
 
Car enfin, ça commence à suffire !
 
Avec le dumping fiscal irlandais, les multinationales se sont gavées ; les banques ont empoché l’argent de la spéculation quand le marché montait ; quand la bulle a éclaté, elles se sont fait renflouer par l’Etat irlandais, et maintenant, il faudrait que nous renflouions ce dernier, transférant la dette sur nous-mêmes, comme si ce n’était pas assez d’avoir vu nos finances publiques mises à mal par le dumping fiscal !
 
Une solution alternative, ce serait que l’Irlande puisse battre monnaie, ce qui implique de sortir de la zone euro.
 
Mais alors, cette monnaie dévaluée nous ferait subir un dumping monétaire, à moins que nous ne sortions aussi de l’euro.

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