ISF, bouclier fiscal : les injustices fiscales du gouvernement

par Laurent Herblay
samedi 23 avril 2011

C’est un boulet que Nicolas Sarkozy traîne depuis le début de son mandat, le fameux « paquet fiscal ». Devant l’hostilité des Français, il a fini par le détricoter au fur et à mesure. Mais le couplage avec une réforme de l’ISF pourrait se révéler être encore plus désastreux.

Une réforme qui favorise les plus riches

C’est le Canard Enchaîné qui a levé le lièvre en prenant le cas de Liliane Bettencourt. Selon Hervé Martin, la réforme de l’ISF devrait intervenir dès 2011, avant la fin du bouclier fiscal, qui devrait continuer à s’appliquer jusqu’en 2012. Du coup, la milliardaire devrait payer 10 millions d’impôts au lieu de 40 pour des revenus de 250, soit 4% de taux effectif d’imposition, le même qu’un contribuable touchant 1300 euros nets par mois, note cruellement le palmipède du mercredi !

En effet, la réforme du gouvernement, si elle simplifie l’ISF, abaisse également considérablement les taux d’imposition puisque le taux marginal passe de 1.8 à 0.5%. Le gouvernement annonce que cette réforme coûterait 900 millions d’euros, soit à peu près le montant du bouclier fiscal. En effet, l’ISF rapporte 4,5 milliards. Et sachant que la première tranche (de 790 000 à 1,3 million d’euros) est supprimée et que les taux sont considérablement baissés, un gros doute existe.

Les mauvais comptes du gouvernement

En effet, comment le rendement de l’ISF pourrait n’être baissé que de 20% sachant que 60% des contribuables vont être exonérés et que le taux marginal va être baissé de 70% ? En fait, il semble que le gouvernement maquille les chiffres en séparant le coût de la suppression de la première tranche et celui de l’abaissement du barème. En réalité, le coût global serait d’au moins 1,7 à 1,8 milliards, comme le rapporte Philippe Marini dans un article du Monde très éclairant.

Mais du coup, il s’agit d’une baisse de 40% de l’ISF, qui serait compensée par d’autres augmentations d’impôt, sur les successions ou les exilés fiscaux. Mais les calculs du gouvernement semblent surprenants. En effet, comment une baisse si drastique du taux marginal pourrait-elle ne réduire le rendement hors première tranche de seulement 3,6 à 2,7 milliards ? Là encore, on peut douter de ces calculs, même si, nouveauté, les taux s’appliqueront dès le premier euro.

Une injustice de plus

Cette réforme de l’ISF est totalement aberrante et il est difficilement compréhensible que le gouvernement la lance dans l’absolu, et plus encore à un an de l’élection présidentielle. Qui plus est, on peut voir dans cette initiative un moyen de réduire fortement ce qu’il rapporte afin de réclamer sa suppression plus tard. En effet, la forte progression de son rendement affaiblissait la position de ses détracteurs. Là, surtout s’il rapporte moins que prévu, il pourrait plus facilement être remis en question.

Et fondamentalement, ce n’est pas juste. Marianne 2 révèle qu’une étude d’Olivier Godechot, de l’EHESS montre que si le pouvoir d’achat moyen a progressé de 26% de 1980 à 2007, il a été multiplié par 3,4 pour les 0,01% les mieux rémunérés, qui gagnent 81 fois le salaire moyen (23 en 1980). Une autre étude pointe la part inconsidérée de la finance dans la progression des revenus du centile supérieur : 70% en Grande-Bretagne, et 50% en France, toujours selon Olivier Godechot.

Parce que les plus hauts revenus ont disproportionnellement profité de la croissance des trente dernières années et qu’ils ont déjà bénéficié de nombreuses baisses d’impôt, il est profondément injuste de baisser l’ISF. Ce n’est pas ce qui arrêtera Nicolas Sarkozy aujourd’hui. Mais plus sûrement en 2012…


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