Jean-Claude Trichet quitte ses fonctions à la tête de la BCE : Retour sur une carrière hors du commun

par ProfesseurForex.com
samedi 5 novembre 2011

Le 31 Octobre 2011 restera comme le jour ou Jean Claude Trichet aura tiré sa révérence après huit années de bons et loyaux services à la tête de la banque centrale Européenne. Huit années passées à façonner la politique monétaire de la zone Euro.

C'est l'occasion aujourd'hui de faire une rétrospective sur l'Homme, l'héritage qu'il laisse à Mario Draghi, son successeur Italien, ainsi que sur le parcours de la monnaie unique depuis son introduction dans le traité Européen signé à Maastricht, le 10 décembre 1991.

S'en suivra une décennie de pourparlers entre les « technos » de chaque pays afin d'imaginer la future architecture monétaire Européenne ainsi que les statuts de la BCE. Déjà, l'Allemagne ne veut pas entendre parler de solidarité financière et décrète que chacun sera responsable de ses actes. La crise que nous vivons aujourd'hui tient donc ses racines dans les fondations même de la création de l'Euro. Mais soulignons que c'est la France qui avait exigé que la Grèce rejoigne la Zone Euro peu après l'officialisation de l'utilisation de l'ECU (Nom que la France voulait donner à la monnaie unique). Il semblerait donc que le couple Franco-Allemand de l'époque porte ensemble, la responsabilité du risque d'éclatement de la zone Euro que nous vivons aujourd'hui...

En Mai 1998, à 6 mois de l'instauration de la monnaie unique ( tout du moins sur les marchés financiers, les particuliers devront attendre 2002 pour avoir des Euros dans leur portefeuille), Jacques Chirac est furieux puisque c'est le Néerlandais Wim Duisenberg, (A la grande satisfaction des Allemands car sur la ligne de la Bundesbank), qui est désigné à la tête de la BCE. En effet, le président Français faisait des pieds et des mains depuis plusieurs mois pour imposer son poulain. Finalement, Jean Claude Trichet prendra la place de Win Duisenberg à mi-mandat, Jacques Chirac prétextant un obscur accord passé entre François Mitterrand et Helmut Kohl : Le siège de la BCE en Allemagne contre la présidence de la BCE pour la France.

Diplômé de l'école nationale supérieure des mines de Nancy, de Siences Politique puis de l'ENA, Jean Claude Trichet était déjà promis à une belle carrière qu'il démarrera en 1978 en tant qu'inspecteur général des finances. Il devient ensuite directeur de cabinet d'Édouard Balladur au ministère des finances en 1986 avant de rapidement briguer le poste de directeur du Trésors. En 1993 il devient gouverneur de la banque de France.

Le 1er novembre 2003, Jean Claude Trichet démarre son épopée Européenne en succédant à Wim Duisenberg, premier président de la BCE.

En 2003, le gouverneur Français ne tarde pas à se faire remarquer en portant plainte devant la cours de justice Européenne contre le non respect des traités de la part de la France ainsi que de l'Allemagne qui ont décidé de faire fi du pacte de stabilité stipulant que le déficit budgétaire ne doit pas excéder 3 % du PIB.

En 2007, alors que le séisme de la crise des subprimes commence à faire trembler les marchés financiers, Jean Claude Trichet décide de souscrire à 100 % les demandes de liquidités de la part des banques afin de rétablir la confiance sur les marchés interbancaires qui marchent plus. Du jamais-vu...Sa réaction rapide lors de cette crise sera largement salué et lui vaudra d'être élu personnalité de l'année par le financial times.

Jean Claude Trichet livrera un dernier combat, et probablement pas celui auquel il s'attendait. Il s'agit de la crise de la dette Européenne. En effet, en faisant exploser les déficits avec de nombreux plans de relance suite à la crise des subprimes, les pays vont en quelque sorte récupérer l'argent des investisseurs échaudés par la crise et recherchant désormais des placements sans risque comme les obligations d'Etats. La Zone Euro inspire confiance, l'endettement bat son plein et les PIGS profitent des taux bas que la zone Euro leur confère.

Mais bientôt les agences de notations allaient sonner la fin de la récréation en dégradant la Grèce puis l'Irlande le Portugal... En 2011, tout le monde en prend pour son grade et même la France est désormais « sous surveillance ». Encore une fois, Jean Claude Trichet aura su prendre les mesures qui s'imposaient en rachetant la dette des États avant que la contagion ne se propage à d'autres pays autrement plus « systémiques » que le petit État Grec. La BCE achète alors pour plus de 100 Milliards d'obligations Italiennes et Espagnole en l'espace de trois mois, déclenchant les foudres de l'Allemagne dont le représentant claquera la porte. Jean Claude Trichet a forcé la solidarité financière Européenne puisque les dirigeants politiques (surtout l'Allemagne) ne sont pas capables de faire un pas en avant en direction d'un fédéralisme économique Européen au travers d'Euro-Obligations. (Néanmoins, il semble désormais évident que le FESF soit devenu une gigantesque Euro-obligation...)

L'intégration, économique, fiscale, sociale voir politique Européenne sont des sujets qui reviennent régulièrement sur le devant de la scène à cause/Grâce à cette crise. Nos dirigeants osent de plus en plus parler de fédéralisme Européen mais il n'existe à ce jour qu'un seul organisme fédéral et c'est la BCE.

La gouvernance économique nécessite une modification des traités Européens, ce qui apparaît être un processus qui demandera un certain temps malgré la bonne volonté (contrainte) du couple Franco-Allemand. Dans ce contexte, la BCE et Jean Claude Trichet ont fait figure d'acteur économique, certes, mais surtout d'acteur politique de premier plan En effet, en enfreignant les statuts de la BCE malgré la pression Allemande (rachat d'obligations sur le marché secondaire), Jean Claude Trichet enverra un message fort en faveur du fédéralisme Européen.

Voilà le fameux héritage d'un homme, profondément pro-Européen, qui aura tenu la barque durant les heures les plus sombres de la construction Européennes et qui, peu avant de quitter ses fonctions, déclarera comme un crie du cœur : « Serait-ce trop audacieux, d'un point de vue économique, avec un marché unique, une monnaie unique et une banque centrale unique d'envisager un ministre des Finances de l'Union ? »

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