Jeux en ligne : vive la concurrence !

par Pascal de Lima
lundi 8 décembre 2008

Actuellement, les jeux en ligne sont interdits en France à l’exception des monopoles d’État, la Française des Jeux et le PMU. Le gouvernement a cependant annoncé l’ouverture à la concurrence de ce secteur afin de mettre notre pays en conformité avec les dispositions du Traité européen relatives au libre échange. Il s’agit d’une opportunité formidable pour notre économie. 


L’ouverture à la concurrence de ce secteur qui existe déjà puisque près de 600.000 joueurs parient actuellement en ligne depuis un ordinateur basé en France (3 sur 4 jouant sur des sites autres que ceux des monopoleurs français), permettrait en effet de rapatrier, sur notre territoire, des activités pratiquées depuis des sites supposés “illégaux”. L’illégalité invoquée n’en étant en réalité pas une puisque cette activité est pleinement autorisée au niveau communautaire.


Si l’ouverture du marché des jeux en ligne aura, très clairement, un impact positif sur notre marché de l’emploi, il convient, pour obtenir de tels résultats, de mettre en place une fiscalité véritablement incitative.


Un vivier d’emplois nouveaux


A l’évidence, l’ouverture à la libre concurrence aura des impacts très positifs sur l’emploi. Une étude entreprise par l’économiste Nicolas Bouzou et le cabinet Astérès démontre qu’au bout de 5 ans, près de 18 000 emplois pourraient être créés sur le sol français, soit en moyenne 3 600 emplois par an. En outre, il faut ajouter que ces emplois constituent bien des créations nettes, c’est-à-dire qu’ils ne compensent pas des destructions d’emplois, et viennent s’ajouter au stock d’emplois existants. Ce chiffre représenterait plus de 17% des emplois salariés créés par le secteur marchand en moyenne chaque année depuis 1998. L’ouverture de ce secteur se traduirait donc inévitablement par un impact macroéconomique très nettement positif.

 

Impact chiffré de l’ouverture à la concurrence des jeux en ligne

 

Année

 

PBJ jeux online (M€)

 

PBJ off shore

 

(M€)

 

PBJ on shore

 

(M€)

 

Effectifs en France

 

Part dans l’emploi des « activités culturelles et récréatives »

 

0

 

400

 

400,0

 

0,0

 

0

 

0,0%

 

1

 

520

 

368,0

 

152,0

 

5 100

 

1,3%

 

2

 

624

 

336,0

 

288,0

 

9 600

 

2,4%

 

3

 

686

 

304,0

 

382,4

 

12 700

 

3,1%

 

4

 

741

 

272,0

 

469,3

 

15 700

 

3,7%

 

5

 

778

 

240,0

 

538,4

 

18 000

 

4,2%

 

Source : Asterès

Pour mener à bien sa simulation, Nicolas Bouzou pose quatre hypothèses principales de travail, confortées d’ailleurs, par les comparaisons internationales :


- Il s’agit tout d’abord de l’attribution de licences à des opérateurs français entraînant un rapatriement progressif de la consommation sur des sites off shore (non légal au regard du droit national) vers une consommation sur des sites on shore (légal au regard du droit national). La nouvelle consommation se dirigerait en totalité vers des sites on shore. L’hypothèse retenue : à la fin de la période de prévision, la part de marché des sites on shore dans le total des jeux en ligne s’élèverait à 70% ;


- Ensuite l’économie française est en situation de sous-emploi au moment de l’ouverture du secteur, ce qui signifie que les emplois créés dans les jeux en ligne ne sont pas détruits par ailleurs (1 emploi créé dans le secteur = 1 emploi net pour l’économie française) ;


- Le marché français du jeu (on line + off line) n’est pas saturé. La demande de jeu on line ne se substituera pas à la demande de jeux off line, mais s’ajoutera bien au contraire ;


- Enfin, le montant du produit brut du jeu (PBJ = mises - sommes retournées aux joueurs (95% des mises dans le jeu on line)) des sites on line « illicites » au moment de l’ouverture s’élèvera à 400 millions d’euros (pour une ouverture se produisant fin 2008-début 2009).


En outre, l’évaluation des effectifs est calculée sur la base d’un coefficient d’employabilité calculé à partir d’hypothèses de productivité mesurées sur le fondement des résultats rapportés aux effectifs des casinos off line et du commerce en ligne (productivité par salarié estimée à partir des rapports annuels des casinotiers et des opérateurs de commerce en ligne – ce chiffrage cadre en outre avec ce qui a pu être observé dans le domaine du jeu en ligne au Royaume-Uni).


Ces chiffres très favorables ne sauraient surprendre : la concurrence a toujours été un véritable moteur pour la création d’emplois. Pour en attester, il suffit de lire quelques références sérieuses. A titre d’exemple, dans un article de référence, l’économiste américain James Peoples (« Deregulation and the Labor Market », 1998, Journal of Economic Perspectives) a ainsi étudié les variations de l’emploi aux Etats-Unis après les déréglementations opérées dans le pays depuis les années 1970 (1978-1996 doit être considérée comme la période post-déréglementation pour le transport routier et l’aérien, et la période 1983-1996 comme la période post-déréglementation pour les télécoms). Dans chacun de ces secteurs, le tableau ci-dessous montre que le stock total d’emplois s’est nettement accru après l’ouverture à la concurrence. Il a ainsi, par exemple, plus que doublé dans le transport aérien.

 

Emploi total dans les secteurs déréglementés aux Etats-Unis (en milliers)

 

Secteur

 

1973

 

1978

 

1983

 

1988

 

1991

 

1996

 

Transport routier

 

997

 

1 111

 

1 117

 

1 544

 

1 617

 

1 907

 

Transport aérien

 

368

 

465

 

464

 

683

 

696

 

800

 

Télécoms

 

949

 

1 075

 

1 060

 

1 114

 

1 107

 

1 126

 

 Source : James Peoples, « Deregulation and the Labor Market », Journal of Economic Perspectives, 1998

 

Notre économie, qui va, comme les autres, être frappée de plein fouet par la crise actuelle, doit plus que jamais mobiliser ses forces pour investir sur les secteurs porteurs en termes d’emplois. Le secteur des jeux en ligne est, de manière évidente, une piste à explorer avec conviction et ambition. Ne pas saisir cette opportunité nuirait considérablement à la compétitivité française des jeux en ligne, face à nos concurrents déjà en avance, faut-il le rappeler. 


Une fiscalité nécessairement favorable


Cependant, pour parvenir à des résultats aussi favorables, il est fondamental que la fiscalité des jeux en ligne soit particulièrement incitative. L’existence de marchés très concurrentiels sur ce point ferme en effet la porte à toute ambition de taxation excessive, qui découragerait immédiatement les acteurs étrangers de migrer en France pour développer de telles activités.


En terme d’assiette, la fiscalisation des mises, telle qu’elle se pratique aujourd’hui (28% des mises pour la FDJ), est un système consubstantiellement lié au caractère semi-public de la situation actuelle. Propriétaire de 72% de la FDJ, l’Etat français a développé une politique de “commerce fiscal” à partir des mises de la FDJ. Maintenir cette ficalité priverait, d’entrée de jeu, ce marché de tout développement privé et pénaliserait les joueurs.


Comment en effet, alors que les pratiques étrangères permettent un taux de retour au joueur proche de 95% (contre 60% pour la FDJ), dans un contexte où la fiscalité ne pèse que sur le produit brut des jeux (les sommes perdues par les joueurs) et hosille entre 5% (jeux de casino et de poket à Malte, avec un plafonnement à 470KEUR par an) et 15% (Angleterre), attirer en France de nouveaux acteurs qui, en venant chez nous, verraient leurs résultats nets automatiquement coupés de plus de moitié par une fiscalité assassine ? Seule une fiscalisation légère, autour de 5 ou 7% du produit brut des jeux, permettrait de jouer pleinement la concurrence fiscale et de respecter de manière certaine les promesses en termes de création de valeur, d’emplois et de recettes fiscales, mais aussi les attentes du consommateur lui-même. Il faut d’ailleurs, pour les mêmes raisons, totalement se garder d’imaginer ce nouveau marché comme une opportunité de créer de nouvelles taxes, comme l’ambitionne, par exemple, la ministre de la culture, Christine Albanel, qui aimerait opérer un prélèvement sur les jeux en ligne pour financer la rénovation du patrimoine national et qui, ce faisant, ruinerait ab initio la capacité de ce secteur de devenir un fleuron de notre économie.


En termes de recettes fiscales, Jean-Jacques Rosa, professeur d’économie à Sciences-Po, a démontré dans une étude rédigée pour l’EGBA que l’intérêt de l’Etat français était bien de laisser se développer ce marché pour attirer les acteurs off shore. Selon lui, si les jeux en ligne français étaient imposés comme ils le sont en Grande-Bretagne (15% du PBJ), “le choix de ce taux d’imposition différentiel par rapport aux jeux in situ, motivé par l’existence de la concurrence internationale, n’introduirait pas de différences importantes dans le total des recettes de l’Etat”. On notera cependant que cette modélisation devrait tenir compte d’un phénomène constaté dans les faits : quand l’Angleterre a fait passer le taux de prélèvements fiscaux des jeux en ligne de 5 à 15%, de très nombreux opérateurs anglais se sont réfugiés à Malte. En ces heures où la concurrence fiscale joue à plein et où le coût d’une délocalisation est relativement faible, il convient donc, pour développer au maximum cette activité et bénéficier de recettes fiscales importantes, de s’orienter vers le taux le plus bas et le plus compétitif possible.

La stratégie de l’ouverture à la concurrence est gagnable pour tous. A condition de se donner véritablement les moyens de faire de cette activité ludique, qui entre en pleine cohérence avec l’ambition de faire de la France l’un des leaders du loisir et du tourisme, un pôle de compétitivité et de croissance de premier plan.


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