Krugman et Stiglitz votent non au plan irresponsable de la troïka

par Laurent Herblay
vendredi 3 juillet 2015

C’est un renfort de poids pour s’opposer à ceux qui dénoncent hâtivement l’irresponsabilité de la Grèce. Paul Krugman et Joseph Stiglitz, deux Prix Nobel d’économie* récents, ont pris clairement et fermement position en faveur d’Alexis Tsipras et appellent même à voter « non » dimanche !

 
Les créanciers sont les irresponsables !
 
Quand un tel jugement est porté par deux prix Nobel d’économie* récents et modérés, cela doit amener à questionner l’histoire racontée par les euro austéritaires. Paul Krugman pense qu’il vaut mieux que la Grèce quitte l’euro plutôt que de continuer les politiques d’austérité entamées il y a 5 ans. Pour lui, « la dévaluation ne pourrait pas créer beaucoup plus de chaos que ce qui existe déjà et permettrait une éventuelle reprise, comme cela a eu souvent lieu dans bien des endroits », notant que l’histoire ne plaide pas pour un maintien dans la zone euro. Pour lui, « la troïka a sciemment fait à Tsipras une offre qu’il ne pouvait pas accepter. L’ultimatum était en fait un pas pour remplacer le gouvernement  ».
 
Pour Stiglitz, « il est surprenant que la troïka ait refusé d’accepter la responsabilité (de la dépression) ou d’admettre à quel point ses prévisions et ses modèles ont été mauvais. Mais ce qui est encore plus suprenant est que les dirigeants européens n’aient même pas appris. La troïka demande toujours à la Grèce d’atteindre un excédent primaire de 3,5% du PIB en 2008  », soulignant le risque que le pays reste en dépression. Il note aussi que « pour transformer un grand déficit en un excédent, peu de pays ont atteint ce que les Grecs ont atteint ces cinq dernières années, même si le coût en terme de souffrances humaines a été extrêmement élevé », et que cela a surtout servi à protéger les banques.
 
Une condamnation sans appel de l’UE
 
Il se demande « pourquoi les dirigeants de l’UE résistent au référendum et refusent même d’étendre de quelques jours le délai du 30 juin pour le paiement au FMI. L’Europe n’est-elle un projet démocratique ?  ». Cruel, il poursuit en soulignant que l’euro « n’a jamais été un projet très démocratique  ». Franchissant un cap sur l’euro, il note que les Suédois « ont compris que le chômage monterait si la politique monétaire du pays était fixée par une banque centrale ne se préoccupant que d’inflation (et qu’il y aurait également une attention insuffisante sur la stabilité financière  ». Joseph Stiglitz dénonce des comportements qui sont « l’antithèse de la démocratie », avant de conclure contre le « oui ».
 
Ce énième chapitre de la crise Grecque entamée il y a plus de cinq ans, démontre que cette construction monétaire est tellement dysfonctionnelle que cinq longues années de souffrance d’un pays et des milliards ne permettent pas d’en sortir. Ce faisant, cela pousse des économistes respectés et honorés à devenir de plus en plus critiques sur cette monnaie unique et la forme actuelle du projet européen. Dans son dernier livre, Paul Krugman avait été très critique sur l’euro, mais sans aller jusqu’à recommander d’en sortir, pas qu’il franchit aujourd’hui. Et Joseph Stiglitz tient également des propos de plus en plus dur à l’égard de l’UE, en soulignant notamment son caractère profondément antidémocratique.
 
Ce qui est intéressant ici, c’est qu’avec le soutien de ces deux prix Nobel d’économie*, cela montre que le camp de la raison est du côté du « non » pour le référendum de dimanche en Grèce. Le plan proposé par la troïka est aussi déraisonnable qu’irresponsable et il faut le refuser.
 
* : prix de la banque royale de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel, seul « prix Nobel » qui ne vient pas du testament de ce dernier, mais qui est décerné selon les mêmes règles

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