L’Allemagne sauvera-t-elle le monde ?

par Michel Santi
lundi 11 octobre 2010

A l’heure où les responsables américains s’interrogent quant à la poursuite des baisses de taux quantitatives pour tenter de relancer une économie qui ne parvient toujours pas à se rétablir, l’Allemagne affiche pour sa part une croissance impressionnante de 2.2% au deuxième trimestre 2010. La "locomotive de l’Euro" - expression empruntée au Financial Times - ainsi alimentée par un secteur à l’exportation hyper compétitif devrait rétablir une Union Européenne à la traîne et, par delà notre continent, cette solide machine devrait tirer l’ensemble de l’Occident hors de la dépression en exportant vers le reste de l’univers... Et tant pis si cette croissance (en base annualisée) de près 9% représente un chiffre tout à fait inhabituel pour une nation riche à l’économie moderne et intégrée évoluant en outre dans un contexte de crise globale. En fait, une croissance si impressionnante devrait inquiéter les allemands. 

Les écarts enregistrés par les statistiques économiques de ce pays sont-ils souhaitables ? Une croissance qui excèdera 3% sur 2010 après une contraction légèrement inférieure à 5% en 2009 et une évolution imprévisible pour 2011 est-elle saine alors même que cette locomotive allemande est conduite selon des décisions prises hors du pays ? Car ce triomphe allemand est entièrement redevable aux stimuli mis en place au sein des économies développées et à des taux d’intérêts très bas générateurs d’immenses liquidités stimulant la consommation des pays émergents. Si la question de la pérennité d’une telle croissance est pertinente, il est aujourd’hui fondamental pour les allemands de se rendre compte que leur niveau de vie est totalement dépendant de l’appétit de consommation de nations souvent situées à des milliers de kilomètres de leur pays ! 

L’Union européenne offre du reste un contraste saisissant entre une Allemagne au centre de toutes les attentions et un pays comme la France dont l’activité économique bénéficie d’une reprise solide et régulière en toute discrétion... La comparaison des chiffres bruts de croissance entre ces deux nations ne serait certes pas tout à fait significative au vu de leur conjoncture démographique différente. En effet, les retombées d’une population allemande stagnante et d’un dynamisme des naissances français (permettant de situer à un avenir plus ou moins proche une France plus peuplée que l’Allemagne réunifiée) seront incontestables du point de vue de leur performance économique respective au cours des décennies à venir. Pour autant, l’économie française a d’ores et déjà constamment surpassé l’économie allemande en terme de croissance du P.I.B. ces dix dernières années. De plus, et c’est là une différence quasiment vitale entre les deux pays, l’économie française - qui tire certes également profits de ses exportations - bénéficie par ailleurs d’une demande intérieure dynamique enviable. Une consommation intérieure autonome est en effet un précieux facteur de stabilité économique à long terme d’un pays car le paysage global actuel est composé de nations qui n’ont d’autre alternative que d’opérer des relances à l’exportation les rendant tout à la fois dépendantes du bon vouloir des acheteurs étrangers et de manipulations de leurs taux de change...

Cette stabilité - et sérénité - économique française s’est ainsi traduite par une contraction (-2.6%) moins importante en 2009 que celle d’une économie allemande (-4.7%) qui se redresse évidemment de manière nettement plus spectaculaire en 2010 à la faveur d’un bond de ses exportations. Cet équilibre inhérent à l’économie française lui permet du reste de vivre en dépit d’un déficit commercial, il est vrai relativement faible, lui-même facteur de croissance Européenne et internationale puisqu’il reflète un secteur des importations dynamique. En comparaison, l’Allemagne serait au bord de l’implosion si elle n’enregistrait que deux mois de déficit commercial !

Pourquoi est-ce donc la France qui est continuellement sous le feu des critiques et qui est quotidiennement exhortée à réduire ses déficits pendant que la locomotive allemande, elle, ne cesse d’être encensée ? Les déficits français ne contribuent-ils pas directement à soutenir la production allemande ? Par ailleurs, les endettements public et individuel français n’ont jamais hypothéqué la capacité de remboursement d’un pays dont le secteur bancaire est, de surcroît, resté sobre durant les années de forte expansion. L’Allemagne, dont les banques ont pris tous les risques en Europe centrale et de l’Est, ne saurait en dire autant... C’est pourtant la France qui semble constamment sur la sellette, critiquée par la Commission Européenne et par le F.M.I. pour miser sur une croissance de 2.5% en 2011 qui lui permettra de résorber son déficit de deux points. Prévisions (tout récemment ramenées à 2%) qui ne sont en rien irréalistes en cas de reprise de l’activité globale sachant que c’est la croissance mondiale (et pas seulement la française !) qui serait affectée par une aggravation éventuelle de la crise.

Les performances économiques de la France restent très stables puisqu’elle croît de l’ordre de 2% l’an sur le long terme alors même que la croissance allemande moyenne ne cesse de diminuer depuis le début des années 90 (tout en connaissant des soubresauts volatils) et que sa production souffre d’une évolution irrégulière. C ’est donc plutôt la situation allemande qui devrait être l’objet de préoccupations car c’est ce pays qui devra à moyen terme régler sa dépendance à ses exportations tout en affrontant des défis démographiques.


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