L’avenir est ailleurs...

par Michel Santi
vendredi 22 août 2008

L’état de nos économies développées en Occident dépendra plus que jamais de la conjoncture des économies émergentes. Le fait que la croissance économique globale ralentisse et que les pressions inflationnistes se calment quelque peu actuellement ne doit en aucun cas nous faire oublier que c’est à la Chine que nous devons d’avoir traversé une période de prospérité démarrée avec le millénaire et révolue il y a une année, prospérité ayant bénéficié d’une inflation ridiculement basse et s’étant traduite par une accélération des prix de l’immobilier globalement !

En effet, la Chine ne nous a pas seulement vendu ses marchandises car, ce faisant, elle a également exporté vers nos pays la déflation forçant ainsi nos banques centrales à exercer une pression baissière sur nos taux d’intérêts avec, à la clé, l’apparition d’une inflation touchant les marchés des capitaux, c’est-à-dire les marchés immobiliers et boursiers... En d’autres termes, la Chine a sa part de responsabilité dans la formation de la bulle ayant implosé l’été dernier. Bien sûr, une déficience dans la gestion des liquidités, une évaluation du risque inappropriée associée à un appât du gain démesuré ont également eu un rôle important dans l’éclatement de la crise des subprimes, mais ne nous racontons pas d’histoires : la secousse survenue l’an dernier reflète surtout le déplacement d’influence attestant d’une part du glissement de terrain que subissent nos économies occidentales et témoignant d’autre part de l’éruption d’une multitude d’économies disséminées à travers l’Asie, l’Afrique, le Moyen-Orient, la Russie et une partie de l’Amérique latine.

Effectivement, nos pays dits développés subissent de plein fouet une crise financière qui développe progressivement ses métastases sur l’économie réelle. Ayant le plus grand mal à maintenir leurs fonds propres et leurs liquidités à flot, nos institutions financières font plus chèrement payer les crédits consentis, quand ces crédits ne sont pas tout simplement rationnés. En Europe, ce processus de digestion des excès de la période faste et d’adaptation à des temps plus durs est appelé à persister encore des mois - sinon des années - même si l’Euro est probablement appelé à se déprécier et que les taux européens sont certainement orientés à la baisse. La croissance et la confiance baisseront en même temps que les déficits publics et commerciaux prendront l’ascenseur.

Le contraste est saisissant dès lors que l’on se rend compte que les pays émergents sont très faiblement affectés par la crise du crédit qui sévit chez nous-même si ces économies en état de surchauffe depuis plusieurs années connaîtront aussi un ralentissement très prochainement. Néanmoins, la dichotomie est manifeste même si elle est encore largement sous-estimée par nos marchés financiers : la balance penche très clairement en faveur des économies chinoise, indienne, brésilienne dans ce qui s’apparente à la plus importante redistribution de richesses depuis la révolution industrielle, il y a deux siècles.

Une proportion considérable de la population mondiale est sur le point de parachever sa propre révolution industrielle, de nouveaux couloirs commerciaux excluant ou tout au moins n’impliquant en rien les pays du G7 sont en train de se développer. L’Asie commerce avec l’Afrique et avec l’Amérique Latine, l’Asie commerce avec elle-même, le Moyen-Orient commerce avec l’Afrique dans une accélération flamboyante d’investissements directs, de mouvements d’import-export, de mouvements de travailleurs et de rapatriement de salaires... Les fonds souverains n’étant qu’une des facettes de cette profonde redistribution de richesses et de pouvoirs ! Bien que la vedette en revienne incontestablement à la Chine, certains pays comme l’Inde, l’Indonésie ou le Brésil disposent également des ressources et du potentiel humain pour devenir les géants économiques de demain. La moitié de la population indienne n’a-t-elle pas moins de 20 ans ?

Ce rééquilibrage en faveur de ces nouveaux pays ne sera certes pas un long fleuve tranquille et il ne faut pas encore dire la messe de requiem pour nos économies occidentales. C’est vrai, le fameux "business cycle", cette capacité d’entraînement des entreprises et consommateurs occidentaux est toujours vivace. Du reste, la crise prévalant aux Etats-Unis, au Japon et en Europe finira bien par provoquer quelque épidémie de grippe économique en Chine ou en Inde. En effet, ces économies émergentes, qui subissent l’effondrement de leurs exportations vers les Etats-Unis et un affaissement de leurs ventes vers l’Europe, sont également affectées par des taux d’intérêts nationaux assez élevés mis en place afin de lutter contre les pressions inflationnistes.

Toujours est-il qu’une nouvelle classe moyenne voit le jour à travers l’Asie, que le secteur privé crée une multitude de nouveaux emplois en Afrique, que les investissements en infrastructures nouvelles sont gigantesques au Moyen-Orient, en Chine, en Inde... Si elles veulent survivre et prospérer, nos économies devront s’adapter à cette nouvelle donne qui nous dit très clairement que nous devrons notre redémarrage économique occidental à la fabrication de richesses et à la prospérité de ces pays émergents ! La structure même de ces économies leur permettra effectivement de se tirer nettement plus honorablement de la crise actuelle que nos économies sophistiquées. La croissance, il faudra effectivement aller la chercher avec les dents, mais nos dents devront être longues car elles devront arriver jusqu’en Asie, jusqu’en Afrique, jusqu’au Brésil...


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